Séisme : le coût de la réparation

Suite au séisme, tous les mécanismes ont été enclenchés pour redonner vie à la région, tout en gérant de façon optimale, l’impact de cette catastrophe naturelle sur l'industrie touristique et l'économie locale.

Pas moins de 2,8 millions de personnes, représentant les deux tiers des habitants des cinq régions sinistrées, ont été touchées par le séisme d’Al Haouz. 59.674 habitations ont été endommagées, dont 32% totalement détruites, comme en a témoigné Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, devant le Parlement le 22 septembre 2023. De plus, 163 communes, soit plus de deux tiers de celles situées dans les zones touchées, ont été affectées, ainsi que 2.930 douars, représentant un tiers de tous les douars dans ces régions. Le ministère de l’Éducation signale également que près de 530 écoles et 55 internats ont subi des dommages.

Programme d’urgence 2024-2028

Face à ce défi monumental, un programme de reconstruction ambitieux s’étalant de 2024 à 2028 a été mis en place le 14 septembre par le gouvernement. Doté d’un budget total de 120 milliards de dirhams, il cible une population de plus de 4,2 millions d’habitants. Ce plan s’articule autour de deux piliers majeurs. Le premier vise à reconstruire les logements endommagés et moderniser les infrastructures touchées, avec une enveloppe de 22 milliards de dirhams. Parmi ceux-ci, 8 milliards seront destinés à fournir une aide d’urgence aux familles touchées et à reconstruire les logements gravement ou partiellement endommagés, tandis que les 14 milliards restants serviront à désenclaver les zones sinistrées, à réhabiliter les barrages, les stations d’eau, les centres de santé, les établissements éducatifs, à stimuler l’économie locale et à préserver le patrimoine culturel ainsi que les édifices religieux.

Le deuxième pilier de ce programme, d’un montant de 98 milliards de dirhams, met l’accent sur le développement des infrastructures, la promotion des activités agricoles et touristiques, la réhabilitation urbaine et l’amélioration des services publics. Son objectif est de créer un environnement propice à la reprise économique et à la revitalisation des régions touchées. Pour assurer une mise en œuvre efficace de ce programme, une agence nationale sera créée. Cette agence aura pour mission, selon Fouzi Lekjaa, de superviser le décaissement des aides financières, d’exécuter les projets de reconstruction, de coordonner les acteurs impliqués, et de suivre le développement socio-économique des régions affectées. De plus, des aides directes aux sinistrés, sous la forme d’une allocation mensuelle de 2.500 DH, seront débloquées dès la fin de septembre, sur une période de 12 mois, conformément à l’engagement de l’État de fournir une enveloppe totale de 30.000 DH à chaque ménage concerné.

Sources de financement

À l’instar de la crise du Covid-19, un compte spécial, destiné à recueillir les dons des particuliers et les contributions des secteurs public et privé, a été créé. Il servira à “financer les dépenses du programme d’urgence pour la réhabilitation et l’appui des efforts de reconstruction des maisons”, avait fait savoir Fouzi Lekjaa.  Depuis, ce fonds est alimenté par les dons des grandes entreprises, dont le holding Al Mada qui,  sur proposition de du Roi Mohammed VI, a accordé un don de 1 milliard de dirhams.  Le montant total collecté  jusqu’au 26 septembre 2023, s’élève à plus de 10 milliards de dirhams.

Pour assurer le financement de ce chantier titanesque, le gouvernement marocain compte sur une variété de ressources. Parmi elles figurent le Fonds 126, le budget de l’État, la contribution des collectivités territoriales, le Fonds Hassan II, ainsi que l’aide et la coopération internationales. “Pour financer la reconstruction des maisons endommagées par le séisme, même si elles ne sont pas assurées, trois principaux mécanismes de financement sont envisageables”, affirme l’économiste Nabil Adel. Le premier, repose sur le budget de l’État, qui implique généralement des impôts. Si les impôts existants ne suffisent pas, l’État peut envisager de réaffecter des dépenses publiques d’autres secteurs. Une option consiste également à augmenter les impôts, en introduisant par exemple une taxe de solidarité dédiée à la reconstruction. “Cette taxe peut être temporaire, à moins qu’elle ne contribue à la création d’un Fonds de solidarité publique permanent pour faire face à d’éventuelles catastrophes futures”, nuance Nabil Adel.

Le deuxième mécanisme, explique l’économiste, repose sur la solidarité et les contributions volontaires des Marocains.  Dans cet effort de mobilisation, les membres du gouvernements, les parlementaires et les hauts fonctionnaires de l’État ont contribué avec un mois de salaire au profit du Fonds. Aussi, et afin de préserver les ressources budgétaires, le gouvernement envisage également de prélever trois jours de salaire sur les rémunérations des fonctionnaires qui en feront la demande en remplissant un formulaire. La troisième source de financement est l’aide internationale. 

Le défi ne se limite pas à la simple reconstruction des habitations, comme l’a souligné le Souverain. Il s’agit également de mettre en place “un programme réfléchi, intégré et ambitieux pour la reconstruction et la mise à niveau générale des régions touchées”. Cette initiative revêt une importance cruciale, notamment dans des provinces comme Al-Haouz et Taroudant, classées parmi les régions les plus pauvres. Bien que l’agriculture constitue la principale source de revenus dans ces régions, elle demeure essentiellement axée sur la subsistance. Le PIB par habitant dans la région de Marrakech-Safi reste, pour rappel, parmi les plus bas du pays, atteignant à peine 21.000 DH, soit deux fois moins que la moyenne nationale.

Quid du tourisme ?

Mais aborder les retombées économiques sans tenir compte de l’industrie touristique serait excessivement optimiste. Pour comprendre pleinement les répercussions potentielles de la récente catastrophe, il est essentiel de l’examiner sous plusieurs angles. Au premier semestre de cette année, le nombre d’arrivées de touristes étrangers au Maroc a atteint 6,5 millions, enregistrant une augmentation impressionnante de 92 % par rapport à la même période en 2022, selon les données de l’Observatoire du tourisme marocain. Les recettes touristiques ont également connu une hausse significative de 69 %, atteignant 47,9 milliards de dirhams. Le Maroc s’attendait à accueillir cette année plus de 13,5 millions de touristes étrangers. Mais le séisme pourrait remettre en question ces prévisions. 

“Il est indéniable que les catastrophes naturelles, qu’elles soient des séismes, des ouragans ou des inondations, suscitent initialement la peur chez les touristes. Lorsqu’ils ont investi du temps et de l’argent pour planifier leurs vacances, l’idée d’une situation imprévue peut naturellement les inquiéter”, explique Zoubir Bouhoute, expert en tourisme et ancien directeur du Conseil provincial du tourisme de Ouarzazate. Cette préoccupation peut les inciter à envisager de quitter la région touchée, voire à annuler leur voyage. Dans certains cas, les agences de voyage recommandent ou imposent même aux touristes de partir prématurément pour éviter tout danger potentiel. “Cette mesure vise à préserver la santé et la sécurité des voyageurs, mais elle a un impact sur l’industrie du tourisme, car elle entraîne des départs anticipés et des annulations de réservations”, note l’expert en tourisme. Toutefois, il souligne que les répercussions psychologiques d’une catastrophe naturelle peuvent être plus significatives que la réalité des dégâts matériels. 

En fin de compte, “le défi est immense, mais le Maroc demeure résolu à surmonter cette épreuve pour le bien-être de ses citoyens”, conclut Zoubir Bouhoute.

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