Une évaluation rapide de l’état des lieux au Maroc met en évidence une réalité flagrante : la femme ne fait que traverser l’espace public, dans un but purement utilitaire. Elle ne peut y stationner à sa guise, marcher tranquillement, prendre n’importe quel moyen de transport, se laisser emporter par l’envie d’explorer des zones inconnues, à des heures tardives. Elle est obligée de rentre chez elle pour faire ses besoins, à cause de l’insalubrité des services publics, ou pour se reposer en l’absence de mobilier urbain qui rend la ville davantage fatigante pour elle que pour l’homme.
À quand le changement ?
Dans le débat sur la place de la femme dans l’espace public, régulièrement soulevé, l’urbanisme n’est presque jamais mis en cause. Le manque d’éducation et de civilité sont le plus souvent incriminés. De rares voix objectent pour mettre l’éclairage sur la responsabilité de l’aménagement urbain dans le sentiment de malaise ressenti par la femme dans l’espace public. Parmi elles, celle de Salima El Mandjra, architecte et écrivain, qui mène une réflexion active sur la question.
Des architectes et des urbanistes ainsi sensibles à la question il n’y en a pas énormément. Peut-être est-il nécessaire de soulever la faiblesse de la proportion de femmes diplômées en urbanisme et en architecture et de l’accès de ces femmes aux postes clés de décision en matière de stratégie et de financement de projets urbains. Mais Yasmine Naciri, architecte à Rabat et militante féministe, relève l’absence de toute approche genre dans le cursus universitaire. Aucun cours, aucun séminaire n’est organisé sur la question en écoles spécialisées, alors que les urbanistes du monde y planchent depuis trente ans.