Pendant longtemps, la cérémonie de mariage observait un schéma structurel. Une salle de fêtes, un orchestre, une neggafa, un trousseau, et une centaine de convives – minimum. Demande officielle, hammam de la mariée, soirée henné, cortège, chants, danses et départ sous les youyous. Le mariage, c’était une partition qu’on jouait conformèment aux coutumes ancestrales, génération après génération. Mais les temps ont changé. Et chez Salma, 31 ans, mariée récemment dans une villa familiale à Salé, ce changement a pris tout son sens. Pas de protocole. Pas de spectacle. Juste une cinquantaine d’invités, des lanternes suspendues aux citronniers, un oud discret en fond sonore, et des plateaux de cornes de gazelle et de briouates maison qui passaient de main en main.
L’acte d’union ? Signé dans le salon, devant les Adouls, dans une ambiance douce, presque suspendue. On entendait à peine les voix : seulement les rires d’enfants au loin, et le tintement des verres à thé qu’on remplissait en silence. “On voulait juste que ce moment soit à notre image, sans chichi, sans stress”, confie Salma. Ce jour-là, elle portait une takchita ancienne, transmise par sa belle-mère et rebrodée pour l’occasion. Le henné avait été posé la veille, dans le patio, entre femmes. Chants de l’Aita, youyous joyeux, et cette même complicité qui remonte à l’enfance. “On était par terre, à rigoler comme quand on était gamines… pour oublier que ça pique.” La mrouzia du dîner ? Préparée maison. “Ma belle-mère y a passé la journée. Et quand je suis sortie, habillée avec le caftan de ses vingt ans, elle a fondu en larmes.”
Nouvelle ère
Ce type de témoignage, Jamila Aqdim, fondatrice du Salon Magical Wedding, en entend de plus en plus. Et selon elle, c’est bien plus qu’une tendance passagère : c’est un basculement. “Aujourd’hui, les couples veulent vivre leur mariage, pas le subir. Ils prennent le temps de choisir, de comparer, de négocier. Ils priorisent ce qui leur parle : la décoration, la photo, parfois même un coach matrimonial. On n’est plus dans la formule automatique salle-traiteur-neggafa.”
Parmi ces priorités, la décoration est devenue centrale. Fini les halls impersonnels et les tentures standard. Les mariés rêvent d’atmosphères feutrées, d’éclairages soignés, de scénographies taillées sur mesure. Lustres suspendus, chapiteaux aux lignes contemporaines, compositions florales surdimensionnées, vaisselle louée à la pièce : tout est pensé comme un décor de film. “Ce sont de vrais artistes aujourd’hui. Il y a même des prestataires spécialisés uniquement dans la déco. Avant, c’était le traiteur qui gérait ça vite fait. Aujourd’hui, c’est un métier à part entière.”
Les traditions, elles, n’ont pas été mises de côté – loin de là. Mais elles aussi se transforment, se stylisent, s’enrichissent. Le hammam de la mariée devient un moment fort, presque performatif. Le henné retrouve ses lettres de noblesse dans des mises en scène élégantes. Le mida est réinterprété dans des tons modernes. “Ce que j’observe, c’est que la nouvelle génération adore nos traditions. Mais elle veut les mettre en valeur autrement. Ce n’est plus un hammam avec trois voisines: c’est un vrai show, parfois même avec une actrice pour simuler la mariée, montrer l’ambiance. Même logique pour la cérémonie du henné qui devient un événement à part entière, pensé dans ses moindres détails. On célèbre, mais avec une esthétique.”
Organiser son mariage… à distance
Et pour celles et ceux qui n’ont ni le temps ni l’envie de gérer l’ensemble de l’organisation, une autre solution s’impose : l’organisation du mariage digitalisé… mais humain. C’est l’idée derrière Nharek, une application pensée par Manal et Maha Hamdi, deux jeunes entrepreneures qui connaissent trop bien la charge mentale que représente un mariage, surtout quand on le prépare depuis l’étranger. “En organisant mon propre mariage à distance, on s’est rendu compte à quel point ça pouvait devenir épuisant, surtout avec un budget serré”, confie Manal Hamdi. De cette expérience est née Nharek, une plateforme simple, claire, mais pensée pour répondre à la réalité marocaine.
Aujourd’hui, l’application propose un accompagnement sur mesure : filtres par ville, par budget, par style, espace de publication d’annonces, consultations privées, recommandations ciblées… et surtout, la possibilité de déléguer entièrement la recherche et la réservation des prestataires, selon ses critères et son budget. “On accompagne certains couples jusqu’au jour J. Ça évite le stress, les mauvaises surprises, les devis flous… et ça soulage surtout ceux qui bossent à plein temps ou qui vivent à l’étranger”, expliquent les deux sœurs.
La plateforme est ouverte à tous : professionnels reconnus comme petites structures familiales. L’idée, c’est de démocratiser l’accès à des services de qualité, en mettant en lumière des talents variés venus de tout le Maroc. Et ça fonctionne. “Parce qu’au fond, ce que veulent les jeunes mariés d’aujourd’hui, c’est un mariage à leur image. Bien fait. Bien pensé. Et surtout… bien vécu”, confirme Jamila Aqdim.
“Le mariage marocain n’est plus une formule, c’est une création”
Depuis que j’organise des salons du mariage, j’ai vu le secteur évoluer à une vitesse folle. Il y a dix ans encore, la déco, c’était le traiteur qui la faisait. Aujourd’hui, on a des prestataires spécialisés qui ne font que ça, et qui transforment les salles ou les villas en véritables décors de cinéma. Lustres suspendus, compositions florales, tentes sur mesure… C’est devenu un art à part entière. Les mariés veulent une ambiance qui raconte quelque chose, qui reflète leur couple. C’est pour ça que chaque année, on découvre de nouveaux talents, de nouveaux styles, de nouvelles idées. Et c’est tant mieux. Le mariage marocain n’est plus une formule : c’est une création.
Mais ce que j’aime le plus, c’est que la tradition, elle, ne disparaît pas. Au contraire. La jeune génération adore remettre au goût du jour nos rituels. Le hammam de la mariée ? Il devient un show. Le henné ? Une célébration scénographiée. Et les familles y tiennent, surtout les mamans, les belles-mères… C’est beau de voir qu’on garde ce lien intergénérationnel tout en le réinventant.
Ce que je constate aussi, c’est que les couples réfléchissent davantage. Avant, on se mariait avec une salle, un traiteur, une negafa. Aujourd’hui, on pense à tout. À la décoration, aux voyages, à l’ameublement, au photobooth, aux agences de coaching matrimonial et même aux images “instagrammables”. Ce sont des choses qui n’existaient pas avant, et qui montrent à quel point les mentalités ont changé. On veut que ce moment soit inoubliable, oui, mais aussi utile, réfléchi, à son image.
Finalement, ce que je vois à chaque Salon, c’est un Maroc multiple. Des marques venues de tout le pays, des couples de tout horizont, des idées qui se croisent, des traditions qui s’adaptent, et toujours cette envie de faire de ce jour-là, un moment unique.
L’art du souvenir
Dans le doux chaos d’une fête, il y a ces moments furtifs qui échappent à l’œil distrait, mais que l’objectif d’un bon photographe sait cueillir : un éclat de rire, une larme contenue, un regard tendre échangé au milieu de la foule. Aujourd’hui, les jeunes couples ne veulent plus de clichés figés devant un trône doré. Ils veulent des images qui les racontent. Des photos qui vibrent, qui respirent, qui disent ce qu’ils ont vécu – pas seulement ce qu’ils ont montré.
“Les mariés me demandent de capturer l’émotion, pas la pose”, confie Bouchra A, photographe formée aux Beaux-Arts de Bruxelles. À travers son regard sensible et délicatement engagé, elle construit des narrations visuelles, loin des formats figés. Le noir et blanc pour l’intensité, la lumière naturelle pour la poésie, une approche de type photoreportage pour faire de chaque mariage une histoire à part. “Parfois, on me demande même des mini-films tournés comme des courts-métrages, ou d’intégrer quelques images en argentique pour retrouver cette émotion brute qu’on a perdue avec les filtres numériques”, explique la fondatrice de la structure Ma photographe.
Résultat : des albums à la croisée du journal intime et de la galerie d’art, que l’on feuillette seul ou à deux, en silence ou en riant, des années plus tard. Et dans un monde où chaque souvenir s’accompagne d’un post, Bouchra ne cache pas que le regard d’Instagram influence aussi sa pratique : “Je livre rapidement une sélection de photos prêtes à être partagées. Mais je garde toujours l’authenticité au cœur de mon travail. On veut du vrai… mais en beau.”
À table, l’élégance du détail
Parler de tendances culinaires, chez Dar Meryama Event, serait presque un contresens. “Chaque fête a sa propre identité. Les familles tiennent à leurs traditions, à leur région, à leurs goûts. Nous, on parle plutôt d’originalité dans les détails”, souligne Imane Berrada du groupe Dar Meyama Event.
Pastilla, méchoui, mrouzia… Les grands classiques restent les stars des tables marocaines. Mais aujourd’hui, la présentation se fait plus soignée, presque scénographique. Vaisselle choisie en accord avec la décoration, dressages élégants, tenues de service pensées pour s’accorder à l’atmosphère de la fête. “Récemment, une mère m’a confié l’organisation de la soirée henné de sa fille”, raconte le traiteur. “Elle voulait que tout reflète notre culture : les plateaux, les tenues, les couleurs, jusqu’à la façon de servir. C’était un honneur de pouvoir raconter le Maroc dans les moindres détails.” Mais se marier, aujourd’hui, ne signifie plus seulement organiser une fête. Pour beaucoup, c’est un projet de vie qu’il faut apprendre à construire… et parfois même à commencer.
Dans cette vision du mariage “plus lucide, plus posée”, d’autres symboles se réinventent aussi. À commencer par la dot – ou sadaq. Autrefois marqueur de statut, parfois sujet de tensions ou de négociation familiale, la dot est de plus en plus pensée aujourd’hui comme un geste d’intention, un signe d’estime, plutôt qu’un critère de valeur. Sa nature et son montant varient selon les régions et les familles, mais une tendance se dessine: celle de la simplicité. “Pour nous, c’était clair dès le départ : ce n’était pas le montant qui comptait, mais le respect du geste”, confie Lina, 27 ans, fraîchement mariée. “On a fixé une somme modeste, mais on l’a accompagnée de bijoux, de tissus en soie, de produits de beauté. Il ne s’agit pas d’acheter une femme – il s’agit de la gâter.”
Ce qui se dessine derrière toutes ces évolutions, c’est une nouvelle vision du mariage marocain. Une vision plus intime, plus consciente, mais toujours ancrée dans l’attachement aux racines. “Ce n’est plus une obligation sociale à cocher. C’est une décision qu’on prend à deux, avec lucidité, et une certaine idée de l’essentiel”, résume Jamila Aqdim
Fêter son union, aujourd’hui, c’est peut-être moins impressionner… que transmettre. Transmettre une manière d’être ensemble, d’honorer la tradition sans s’y enfermer, de bâtir quelque chose de sincère, durable – à sa façon. Et si le plus beau mariage en 2025… était celui qu’on ose inventer ?
Quels services ont le plus de succès auprès des utilisateurs ?
Nous avons développé Nharek comme un outil à la fois pratique et humain. Ce qui plaît le plus, ce sont les fonctions qui permettent un vrai gain de temps : la recherche par filtres (ville, budget, style, prestataire), les annonces personnalisées et les consultations privées. Mais ce qu’on remarque surtout, c’est que de plus en plus de couples optent pour notre service d’accompagnement personnalisé. On sélectionne, contacte et réserve les prestataires pour eux, selon leurs critères. Résultat : moins de stress, moins de temps perdu, et souvent… des économies à la clé.
Comment aidez-vous les couples à mieux gérer leur budget ?
Le budget, c’est le nerf de la guerre. Et ça, on l’a bien compris. Dès le départ, les couples peuvent filtrer les prestataires par tranche de prix, ou publier une annonce en précisant leur budget. Mais surtout, via nos consultations personnalisées, on les
aide à faire des choix : prioriser ce qui compte, identifier les postes sur lesquels on peut économiser, et optimiser chaque dépense.
Avec notre réseau de partenaires, on peut aussi négocier certains tarifs pour obtenir des offres exclusives via l’app. Et dans le cadre de l’accompagnement premium, on se charge même des négociations à leur place. C’est un vrai soulagement pour beaucoup de futurs mariés, surtout ceux qui vivent à l’étranger.
Comment imaginez-vous l’avenir de Nharek ?
Notre vision, c’est d’accompagner les couples à travers tous les moments forts de leur vie, pas uniquement le mariage. À court terme, on prévoit d’élargir notre couverture à plus de villes, notamment en dehors des grands centres urbains. Et à moyen terme, on souhaite ouvrir notre service à d’autres types d’événements : fiançailles, anniversaires, baptêmes… L’idée, c’est de garder notre ADN tout en répondant à de nouveaux besoins.