Milieu rural : Des petites filles au “ban” de l’école

Le nombre de jeunes qui abandonnent l’école a nettement baissé ces dernières années. Mais de nombreux freins à l’accès à l’éducation persistent dans le monde rural.

Chaque année, environ 300.000 élèves quittent les bancs de l’école. Ces chiffres du ministère de l’éducation nationale, datant de l’année scolaire 2021-2022 ne permettent pas de connaître le sexe, l’âge ou le lieu de résidence de ces élèves, se désole Naïma Senhaji, sociologue et membre du bureau du Comité de Soutien à la Scolarisation des Filles rurales (CSSF). Les détails de cette situation sont explicités dans le document “Femmes en chiffres, 20 ans de progrès ”du Haut-Commissariat au Plan (HCP) de 2022.  “Le taux spécifique de scolarisation selon l’âge et le lieu de résidence pour les filles âgées de 6 à 11 ans est de 100%.”, assure Naïma Senhaji. “Cela veut dire que les filles ont accès à l’école mais cela ne veut pas dire qu’elles terminent le cycle primaire.  Lorsque l’on s’attarde sur la tranche d’âge des 15 à 17 ans, on se rend compte qu’en milieu rural, seulement 41% des filles vont à l’école. Cela veut dire qu’environ 60% des filles en milieu rural âgées entre 15 à 17 ans décrochent et ne vont plus à l’école”, détaille la sociologue. Or, l’accès à l’éducation est un droit fondamental de chaque enfant, garanti par la constitution, quel que soit le sexe ou le lieu de résidence. Malheureusement, le problème de l’abandon scolaire des petites filles en milieu rural continue de poser des défis majeurs pour l’égalité des sexes et le développement social. 

Des améliorations et des inégalités

Le système éducatif marocain a connu des améliorations constantes au fil des ans, mais des disparités persistent, en particulier dans les régions rurales. Les filles de ces régions sont souvent désavantagées en raison de facteurs culturels, économiques et sociaux. “Les raisons de l’abandon scolaire des petites filles en milieu rural sont multiples, malgré les politiques de l’éducation nationale, depuis la charte de l’éducation au programme d’urgence et ce jusqu’à la feuille de route d’aujourd’hui, on n’agit pas assez sur les inégalités de chances. Il y a énormément d’inégalités entre urbain et rural mais aussi entre filles et garçons” insiste la sociologue. En effet lorsqu’il s’agit de scolarisation, les normes traditionnelles assignent souvent aux filles un rôle domestique précoce, ce qui limite leurs opportunités éducatives. Les attentes en matière de mariage et de foyer peuvent les pousser à quitter l’école prématurément. “Il y a un autre problème très important et qui n’est autre que l’offre scolaire. Dans le milieu rural, l’habitat est très dispersé, et l’école peut se trouver à plus de 10 km du domicile. Bien évidemment, l’État ne peut pas mettre une école à côté de chaque maison. L’offre scolaire ne couvre pas tout le territoire surtout lorsqu’il s’agit du collégial. C’est d’ailleurs ce qui explique en grande partie l’abandon des filles : les parents préfèrent envoyer au collège les garçons plutôt que leurs filles”, précise Naima Senhaji. De plus, le manque d’infrastructures adéquates dans les écoles nuit à l’environnement d’apprentissage. “Les bourses scolaires ne sont pas généralisées. Il y a aussi de gros problèmes d’infrastructures”, soulève-t-elle encore. Les familles à faible revenu sont souvent contraintes de faire des choix difficiles en matière d’éducation. Les coûts liés aux fournitures scolaires, aux frais de transport peuvent être prohibitifs. Face à ces contraintes, les acteurs associatifs s’attellent à rétablir un équilibre mais cela ne suffit pas. “L’association dont je suis membre et bien d’autres encore essaient de palier au décrochage des petites filles en milieu rural en trouvant des solutions. Mais cela nécessite énormément de moyens”, déplore Naima Senhaji. En effet, même si durant cette dernière décennie, des progrès importants ont été enregistrés concernant la lutte contre l’abandon scolaire des petites filles en milieu rural, le Maroc est loin d’avoir rempli son objectif d’une école pour tous prévu par la feuille de route de la réforme de l’éducation 2022-2026.

La scolarisation, une arme contre le mariage des mineurs   

L’abandon scolaire des filles a des conséquences durables sur leur avenir et sur la société dans son ensemble. Ces jeunes filles sont plus susceptibles de connaître des mariages précoces, des grossesses non désirées et des opportunités d’emploi limitées. De plus, la société perd l’opportunité de bénéficier de leur plein potentiel et de leur contribution au développement. “Depuis que je suis dans l’associatif, le milieu rural a énormément évolué. Cependant, tant que l’on continuera a autorisé le mariage des mineurs et le travail précoces, le problème d’abandon scolaire persistera. La sensibilisation des parents et des communautés à l’importance de l’éducation des filles est essentielle”, recommande vivement Naima Senhaji. 

L’abandon scolaire des petites filles en milieu rural au Maroc reste un défi complexe, mais surmontable. En combinant des efforts gouvernementaux, des partenariats avec des organisations non gouvernementales et une sensibilisation continue au niveau communautaire, il est possible de créer un environnement où chaque fille a la possibilité de poursuivre son éducation et de réaliser son plein potentiel. L’investissement dans l’éducation des filles est un investissement dans l’avenir du Maroc tout entier, contribuant à un développement durable et égalitaire.

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