L’amour à l’épreuve du temps et des algorithmes

L’amour est un sentiment universellement accepté, qui a suscité, à travers les temps et les civilisations, passions, guerres, alliances, unions… À l’ère des nouvelles technologies, ce sentiment subit les contrecoups des mutations sociétales et culturelles. Décryptage.

Non rien n’a changé ! L’amour c’est l’amour, c’est-à-dire ce phénomène complexe que les scientifiques ont exploré pour en comprendre les mécanismes biologiques, neurologiques et psychologiques.  L’amour serait, apprend-on, « un processus dynamique qui représente l’effet combiné de différentes régions du système nerveux, se répartissant en plusieurs étages, qui s’échelonnent dans le temps« . C’est un sentiment humain universel qui agit sur le cerveau, le cœur et le corps. Disons que c’est plutôt la perception de l’amour qui s’est transformée au gré des mutations sociales, des évolutions culturelles et aujourd’hui, par la force, soulignons-le, des algorithmes. Chaque époque entraîne dans son sillage son lot d’influences, de transformations, modifiant la manière dont les hommes et les femmes perçoivent, expérimentent et expriment l’amour.  “Chaque couple a une histoire personnelle et possède une façon de s’exprimer qui lui est propre”, précise le chercheur et professeur de sociologie Jamal Khalil. Quelques générations en arrière, les témoignages s’accordent sur le fait que les sentiments s’exprimaient à travers “les gestes”. “De mon temps, les petites attentions avaient le pouvoir de libérer les hormones de l’amour et de faire fondre des cœurs”, confie Hajja Leila dont on raconte dans la famille qu’elle a vécu une des plus belles histoires d’amour qui a duré près de 50 ans. L’amour à l’époque de cette grand-mère était selon elle considéré comme un engagement fort et durable, enraciné dans des traditions familiales et des normes sociales. Il naissait souvent dans le cadre de mariages arrangés, où la compatibilité économique et sociale était souvent plus importante que les sentiments personnels. “Il y a une soixantaine d’années, les couples se mariaient en choisissant  par la raison leur partenaire, sa famille, son éducation, ses études, son statut social…”, confirme Dr Amal Chabach, sexologue et psychologue. L’amour, était alors synonyme de stabilité et de responsabilité envers la famille, petite et celle élargie. Est-ce que c’était mieux qu’aujourd’hui? C’était différent. L’amour prenait de la valeur avec le temps et se consolidait au fil des années et des événements familiaux comme la naissance des enfants, par exemple. “Au niveau de l’espace, la chambre des parents était le lieu qui renfermait l’énigme de la vie amoureuse des époux. La sacralité de cet espace est le premier marqueur, le respect du mari à l’égard de sa femme en est un deuxième, certaines “ch’hiwate” qui font l’occasion de faire des compliments et qui interpellent l’éros et l’aphrodisiaque, une tenue préférée après le hammam, des couleurs choisies pour l’occasion, un lexique réservé pour signifier le désir, le cadeau offert (en or essentiellement), le rituel de la sieste, le respect de l’heure de regagner le lit conjugal…”, explique  pour sa part l’anthropologue Abdelbaki Belfakih.

Mais les temps changent et ce qui était parfait aux yeux des anciennes générations, ne représente désormais pas grand-chose pour les jeunes d’aujourd’hui. Les “je t’aime” qui fusent partout et à tout moment sont devenus des expressions d’amour incontournables. Ces changements surviennent dans la foulée des mutations sociales. L’amour, les liens conjugaux et tout ce qui pouvait se passer au sein du couple relevait de l’intime, du cercle privé. Il n’était donc pas nécessaire d’exhiber ses sentiments, de les partager avec les autres, souvent des inconnus. Cela relevait même du tabou dès lors que cela franchissait le seuil de la maison, parfois même de la chambre, à tel point que l’on n’écoutait pas en famille certaines chansons du malhoun, de la aïta ou de toute autre musique populaire qui évoquaient l’amour, la passion, des mots considérés alors comme hchouma.

Au fil du temps, les générations ont vécu un changement significatif dans la relation à l’amour. L’amour relève de moins en moins du domaine du privé ou du tabou. Aujourd’hui, l’amour se revendique publiquement et s’exprime plus librement. Pour les nouvelles générations,l’amour a repris sa place comme critère de base dans les relations de couple. On favorise davantage la compatibilité émotionnelle au détriment de celle économique et sociale, bravant parfois les traditions et la bénédiction familiale. 

Du réel au virtuel

L’avènement de la technologie a également entraîné des transformations majeures dans la manière de chercher l’amour. Les rencontres en ligne, les applications de rencontres et les réseaux sociaux ont radicalement modifié la façon dont les jeunes se rencontrent et construisent des relations au-delà de toutes les contraintes, familiales ou géographiques. On se libère des obligations tacites d’épouser la fille de la meilleure amie de sa mère ou le fils du cousin lointain du père. L’amour s’est aussi  affranchi des frontières, et les différences culturelles ne sont plus un obstacle. “J’ai rencontré mon mari sur Facebook. Il vivait à Kuala Lumpur lorsque nous nous sommes parlés pour la première fois. Il m’a abordé par message privé et comme nous avions des amis en commun, je lui ai tout de suite fait confiance…Nous nous sommes mariés deux ans plus tard”, raconte Salma. Une histoire comme on en trouve dans les romans ou dans des films romantiques. 

Mais ces avancées technologiques n’ont-elles pas engendré de nouveaux défis ? Le virtuel peut parfois donner l’illusion d’une proximité, mais peut également créer des frustrations. Les pressions constantes de la vie moderne font peut-être que ce que l’on recherche dans une relation n’est pas l’amour en soi, mais la façon de l’exprimer et cela va d’un post sur Facebook, à un voyage dont on étalera les détails sur Instagram ou encore à un audio sur Whatsapp qu’on prend du plaisir à partager.

“Quand on parle de l’amour, on croit que cela va durer jusqu’à la mort. Et c’est ce qui est beau dans la vie… Qu’est ce qui fait durer cet amour ? L’envie de vivre avec l’autre, dans de belles conditions. L’amour fusionnel dont on a rêvé dans les poésies et les bouquins peut-on le vivre concrètement ?”, s’interroge de son côté Dr Mohssine Benzakour, psychosociologue. En fait, chaque génération vivra avec son temps et il sera toujours difficile de dire si l’amour enfoui sous le poids des traditions est plus fort et plus vrai que celui crié sur les toits ou glané grâce à un algorithme. Certes, l’amour se métamorphose  à travers les âges, mais il conserve toujours sa capacité à transformer des vies et à les chambouler.

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