Tenir la cadence des tendances beauté nécessite d’avoir du souffle. À travers les siècles, les critères de beauté féminine ont beaucoup évolué et changé. Chaque société dresse ses “normes” qui mettent en avant un “idéal” féminin. Pourtant, les standards demeurent insaisissables. En perpétuelle évolution, ceux-ci changent, le regard sur le corps se déplace, les discours se modifient et l’image acquiert de l’importance à cause des réseaux sociaux. Oscillant entre idéaux de pâleur, puis de bronzage, de minceur, puis de mise en valeur de tous les corps, de coupes de cheveux courtes, puis longues, les normes de beauté de la femme n’ont jamais été fixes au fil des ans. C’est du moins ce que laisse transparaitre sa représentation dans les oeuvres artistiques depuis l’aube de l’humanité. L’homme est historiquement associé au travail ou à la guerre tandis que la femme est souvent réduite à son apparence physique ou limitée au rôle de mère, dans le meilleur des cas. “Je n’aime pas mon corps. En réalité je le déteste et ce, depuis toujours. Mince ou ronde, je ne me suis jamais acceptée. Il suffit que dans une soirée, mon regard croise le miroir, pour que ma confiance s’effondre. Je ne me trouve pas belle car je ne ressemble pas à l’idéal féminin”, raconte Salma, jeune médecin. Mais qu’est-ce qu’un idéal féminin ? Existe-t-il réellement ?
Nos imperfections et nos différences font certainement notre beauté. C’est d’ailleurs l’essence même du body positive qui prône la diversité en matière de corps et valorise la singularité de chacun. Il encourage aussi tout un chacun à embrasser sa propre beauté et à se sentir sexy et confiant dans son corps, indépendamment des normes sociales ou de l’opinion des autres. Il est important de se rappeler que la beauté ne se limite pas à l’apparence physique et que la personnalité, les talents et les qualités intérieures sont tout aussi importants. On peut être sexy, quelle que soit sa taille ou sa forme de corps. Le concept de beauté est subjectif et dépend de chaque personne. Certes, après avoir été victime de body shaming, il peut être difficile de s’accepter et de se réconcilier avec son corps.
Il est important de se rappeler que les commentaires négatifs des autres ne définissent pas notre valeur ou notre beauté. Il peut être utile de chercher du soutien auprès de personnes de confiance, de travailler sur l’estime de soi et d’apprendre à se concentrer sur les aspects positifs de son corps et de soi-même. Et même après une chirurgie ou un régime réussis, certaines jeunes filles peuvent ne pas être satisfaites de leur apparence physique en raison de leur estime de soi. Les changements physiques ne sont pas toujours suffisants pour améliorer la confiance en soi et l’image de soi. Il est important de travailler sur l’estime de soi et de se concentrer sur les aspects positifs de son corps et de sa personnalité, plutôt que de se focaliser sur les défauts. Et comme le rappelle le psychothérapeute et écrivain américain Nathaniel Branden « L’estime de soi ne provient pas de l’extérieur, elle naît de l’intérieur. »
Une interaction complexe
La réalité d’un idéal féminin est sujette à débat. Si certains maintiennent qu’il existe bel et bien, soutenant leurs propos par la manière dont les femmes sont représentées dans les médias, la mode et la publicité, d’autres, par contre, remettent en question l’existence d’un idéal féminin universel, appuyant qu’il s’agit plutôt d’une construction sociale et culturelle. Selon Jalal Mouti, Coach et mentor professionnel certifié sénior, la diversité des corps, des caractéristiques physiques et des préférences individuelles rend difficile l’établissement d’un seul et unique idéal. “Nous naissons tels que nous sommes en raison de notre génétique et de nos ancêtres. Cependant, notre personnalité et notre caractère sont plus attrayants et donnent plus de sens à notre être que notre apparence”, souligne-t-il. En effet, la beauté n’est pas uniquement corporelle. Elle englobe divers aspects, y compris les traits physiques qui n’ont jamais été universels. La personnalité, l’expression émotionnelle, le charisme et d’autres caractéristiques non physiques contribuent également à la beauté d’une personne.
Mais en réalité, nombreux sont les facteurs qui véhiculent les standards de beauté, sans lesquels certaines femmes se sentent exclues de la société. Et quand bien même leur caractère soit fort, l’estime de soi en prend un coup, par peur du regard des autres ou du rejet. En conséquence, les femmes intériorisent le concept de la “femme idéalisée” et cherchent à y parvenir en modifiant une ou plusieurs parties de leur corps, voire un aspect de leur comportement qui concorde avec cet archétype. “Je reçois au cabinet beaucoup de jeunes femmes, belles et rayonnantes qui font beaucoup de sport, de la chirurgie, esthétique ou plastique mais sont toujours non satisfaites de leur apparence. Les causes sont diverses et peuvent être en lien avec un mal-être ou un chagrin intérieur dont elles n’ont même pas conscience”, explique Chafika Bendjennat, coach santé et mental certifiée. Ainsi, elle impute les compulsions alimentaires aux situations de vie difficiles, mais aussi aux troubles hormonaux, à la grossesse et aux accouchements… Les répercussions de ces changements se font ressentir de manière négative par certaines femmes qui n’arrivent pas à gérer ces situations de façon sereine.
Cependant, et selon la psychologue clinicienne Sonia Guemmi, il est crucial de comprendre que la perception négative de son propre physique est souvent le produit d’une interaction complexe et multifactorielle entre des facteurs intrinsèques et extrinsèques. Sur le plan intrinsèque, les complexes liés à l’apparence sont souvent enracinés dans des expériences personnelles, des perceptions individuelles de soi, ainsi que des croyances profondément ancrées. D’un autre côté, et toujours selon ses propos, le rôle de la société et de la culture dans la formation de ces complexes est indéniable. “Les normes de beauté idéalisées, véhiculées par les médias traditionnels, les réseaux sociaux et l’industrie de la mode, peuvent exercer une pression immense et contribuer à une perception négative de son propre corps”, enchérit la psychologue pour qui, tous ces facteurs contribuent à la propagation et à l’aggravation de troubles obsessionnels liés au corps, aussi appelés dysmorphophobie, en nourrissant une insatisfaction chronique vis-à-vis de l’apparence physique. “La bonne nouvelle, c’est que la personne a la capacité d’influer sur le cours des choses et de retrouver un poids santé. Le plus difficile, c’est que dans cette quête de perte de poids, cela risque de prendre beaucoup de temps”, fait savoir Chafika Bendjennat, insistant sur l’importance de la notion de gratitude à l’égard son corps au lieu de le rejeter et de le dissimuler sous un surplus de vêtements. “Ce corps a accompli d’énormes choses pour elle et elle devrait lui témoigner de la reconnaissance. La femme devrait aussi savoir faire taire les mauvaises langues. Le body shaming (harcèlement consistant à dénigrer le corps de la victime) est très blessant. Grâce à un travail sur soi et à un accompagnement par des experts, elle pourra apprendre à lâcher prise et à dorloter son corps au lieu de le dénigrer”, poursuit la coach.
De plus en plus de femmes n’acceptent plus leurs apparences en raison de plusieurs facteurs. Cela commence généralement dans leur environnement immédiat, à la maison, avec les parents, les frères et soeurs, les amis proches et les camarades d’école. Il y a de nombreux cas de harcèlement et de body shaming pouvant porter préjudice à la santé physique et mentale des victimes. Nos adolescents sont très influencés par les médias occidentaux qui fixent les normes de beauté et par les influenceurs. La majorité de ces derniers recherche la validation, publie toute la journée et dépense des sommes importantes pour attirer autant d’attention que possible. Certains d’entre eux n’ont pas de travail, de plan de carrière ou de vraies entreprises. Ce ne sont donc pas des exemples à suivre.
On accuse souvent les parents et les proches de ne pas être présents pour les adolescents pour discuter avec eux de tous ces problèmes. Mais on ne peut leur imputer toute la faute. Les établissements scolaires et les médias sont tout autant responsables de la sensibilisation aux dangers potentiels des réseaux sociaux. Il faut apprendre aux adolescents qu’il ne faut jamais faire confiance à une personne simplement parce qu’elle prétend être experte ou ayant des millions de followers. Au lieu de cela, demandez-vous pourquoi cette personne publie et partage du contenu en ligne. Est-elle sincère ou fait-elle la promotion d’une marque ? Pourquoi souhaite-t-elle me rendre plus belle ?
Une approche saine envers soi-même
Mais au-delà des changements constants des normes de beauté féminine au fil du temps, un mouvement socioculturel puissant a émergé pour promouvoir l’acceptation de tous les corps, connu sous le nom de “body positive” ou “positivité corporelle”. Néanmoins, le mouvement n’est pas récent. Il trouve ses racines dans les mouvements féministes et de la lutte pour les droits civiques en Occident dans les années 1960, lorsque les femmes ont commencé à remettre en question les normes de beauté imposées et à prôner l’acceptation de soi, quel que soit sa morphologie. Seulement, ce n’est que dernièrement, avec l’émergence des réseaux sociaux, que le body positive a acquis une visibilité accrue et a réussi à toucher un public plus large. Les hashtags tels que #BodyPositive et #LoveYourself se sont répandus comme des feux de joie numériques, créant une communauté mondiale d’individus prônant l’acceptation de tous les corps.
Cette approche révolutionnaire remet en question les standards traditionnels et encourage l’amour-propre, l’appréciation de la diversité corporelle et la valorisation de chaque individu, indépendamment de son apparence extérieure. C’est aussi, et d’après Sonia Guemmi, une manière de pousser les individus à développer une relation plus saine, équilibrée et bienveillante avec leur corps en se concentrant sur l’appréciation des capacités physiques, de la santé et du bien-être général, plutôt que sur des critères esthétiques ou conformes à des normes idéalisées. “Le body positive ne promeut pas l’encouragement d’un mode de vie malsain ou le rejet de toute forme de soin de son corps”, détaille la psychologue. Pour accepter son corps et s’accepter soi-même, dit-elle, il existerait plusieurs approches basées sur des principes scientifiques. Il s’agit de l’autocompassion, de la remise en question des normes de beauté, de l’écoute de son corps ainsi que du renforcement de la confiance en soi. “Il est également à noter qu’il faut impérativement adopter des habitudes de vie saine favorisant le bien-être physique et émotionnel comme une alimentation équilibrée, l’exercice régulier et le sommeil adéquat. Si la personne ressent des troubles de l’image corporelle et de l’estime de soi, une consultation chez un psychologue clinicien peut lui être utile”, affirme Sonia Guemmi.
Il est bien vrai qu’accepter son corps, après l’accouchement et à mesure que l’âge avance, peut être un défi pour de nombreuses femmes. Surtout, dans une société où l’obsession pour l’apparence physique est omniprésente. Les médias, la publicité et les réseaux sociaux propagent des images irréalistes de perfection, créant ainsi une pression constante sur les individus pour qu’ils correspondent à ces standards inatteignables. Mais il est essentiel de se rappeler que la beauté ne se limite pas à des normes superficielles et changeantes. “Chaque individu est unique et possède sa propre beauté, qui transcende les stéréotypes et les normes superficielles. Apprendre à s’accepter et à s’aimer soi-même est une démarche personnelle, mais elle permet de trouver la confiance et la sérénité dans son propre corps, quels que soient les changements qu’il a pu subir”, affirme la coach Chafika Bendjennat. D’après elle, être sexy est une attitude, et non pas un chiffre sur une balance. Car nous avons tous des défauts et des imperfections qui ne doivent pas nous empêcher d’aimer notre corps tel qu’il est. “C’est une chose plus facile à dire qu’à faire mais se concentrer sur ce qui ne va pas ne nous avancera pas à grand-chose. Il est important de se rappeler toutes les choses positives que notre corps peut faire pour nous telles que marcher, courir, danser, rire, donner la vie et même respirer. La beauté est subjective et il faut toujours se rappeler que nous sommes tous uniques et spéciaux, chacun à sa manière”, assure la coach.
Ainsi, le mouvement du body positive émerge comme une réponse libératrice aux diktats de beauté oppressifs imposés par la société. Il remet en question l’importance excessive accordée à l’image et encourage l’acceptation de soi dans toutes les formes, tailles et imperfections. “Il est temps de briser les chaînes des normes esthétiques restrictives et de se libérer de l’obligation de correspondre à une image idéalisée. En cultivant une estime de soi positive et en reconnaissant notre valeur intrinsèque, nous pouvons commencer à nous voir sous un nouveau jour”, rappelle Chafika Bendjennat. Sans une estime de soi solide, il est difficile de se percevoir comme belle, peu importe notre apparence physique. Et c’est justement en embrassant notre authenticité et en nous aimant inconditionnellement que nous pouvons vraiment briller et inspirer les autres à faire de même. Il est donc temps de déconstruire les idées préconçues de la beauté et de promouvoir une culture de respect, d’acceptation et d’amour de soi. L’estime de soi est la clé pour se libérer de l’obligation de se conformer à des standards extérieurs et pour trouver la beauté dans notre propre être, indépendamment des critères imposés.
Pourquoi de plus en plus de femmes n’acceptent plus leurs corps ?
À cause de plusieurs raisons telles que la pression sociale et les normes de beauté. Les images retouchées que nous voyons sur les réseaux sociaux peuvent par exemple créer des attentes irréalistes en termes d’apparence. Les individus peuvent se sentir constamment exposés à des images de personnes ayant des physiques « parfaits » ou idéalisés, ce qui peut renforcer les sentiments d’insatisfaction et d’inadéquation. Aussi, la cyberintimidation et les commentaires négatifs peuvent affecter la confiance en soi d’une personne, rendant difficile l’acceptation de son apparence. Les influences individuelles, telles que le vécu personnel, les expériences de vie et les relations interpersonnelles, jouent également un rôle dans la perception de son apparence.
La décision de changer son corps provient-elle d’un mal-être ou d’un effet de société ?
La décision de subir une chirurgie plastique peut être influencée par divers facteurs, notamment les normes esthétiques et culturelles, les pressions sociales, les idéaux de beauté médiatisés et les perceptions individuelles de soi. D’un autre côté, les normes de beauté imposées par la société peuvent également jouer un rôle important dans la décision de subir une chirurgie plastique. Les médias, la publicité et la pression sociale peuvent contribuer à la création d’une idée de la beauté idéale, ce qui peut inciter certaines personnes à chercher à se conformer à ces normes.
Comment alors accepter son corps et se réconcilier avec soi ?
Il faut d’abord être entouré d’amis et de membres de votre famille qui vous apprécient pour ce que vous êtes, indépendamment de votre apparence physique. Si nécessaire, envisagez de rejoindre des groupes de soutien ou de consulter un professionnel de santé mentale. N’oublions pas que chaque individu est unique. Il serait peut-être préférable de chercher à ne pas se comparer aux autres, que ce soit en termes d’apparence physique ou d’autres aspects de la vie. Chacun a sa propre beauté et ses propres qualités uniques. Il serait préférable de se concentrer sur ses forces propres et talents plutôt que sur ce que les autres peuvent penser.