Une femme indépendante mais sans un homme à ses côtés et sans enfants ne saurait être réellement épanouie…Il s’agit ici d’une des injonctions de la société marocaine qui accompagne nombre de femmes depuis leur plus jeune âge. Bien que mise à mal depuis quelques décennies par les défenseurs des droits de la femme, cette idée insidieuse reste ancrée dans les esprits. “La grande majorité des Marocains reste très attachée au modèle matrimonial traditionnel”, explique la militante et directrice de l’association Tahadi, Bouchra Abdou pour qui le célibat choisi est un tabou chez des Marocains incités très jeunes à fonder une famille.
Le tabou du célibat
En effet, si le mariage est jusqu’ici le seul moyen socialement envisageable pour la formation du couple, le célibat est assimilé à un échec, une malheureuse destinée. Le statut de célibataire est également perçu différemment selon le sexe. Même si hommes et femmes sont incités et encouragés à s’unir dans le cadre du mariage, c’est le célibat des filles qui pose problème. Différents tabous et plusieurs règles pèsent sur elles dans ses rapports au quotidien. “La femme célibataire d’un âge jugé avancé, est beaucoup moins acceptée qu’un homme célibataire du même âge, car nous avons tendance à lier fertilité et mariage”, fait savoir Bouchra Abdou, soulignant que plus la femme avance dans l’âge, plus ses chances se réduisent de trouver l’amour et de se marier. Pourtant, ce n’est un secret pour personne : les Marocains se marient de plus en plus tard. “Aujourd’hui, les femmes sont plus indépendantes, car elles ont leurs propres revenus. Elles préfèrent atteindre un certain niveau de maturité avant de se marier”, avance Imane Kendili, psychiatre et écrivaine. Mais en réalité, ce n’est pas la question du célibat qui est en jeu, mais plutôt celle de la famille, de la société et de son organisation.
Une question d’“honneur”
“Les relations sexuelles hors mariage sont par exemple jugées différemment du point de vue de la société, en fonction du sexe. Un homme peut en avoir, contrairement à la femme qui se doit de rester vierge avant le mariage, au risque de déshonorer sa famille et son potentiel époux”, constate la directrice de Tahadi. La virginité, qui fait très souvent partie des exigences du mari, est de plus en plus en contradiction avec la modernisation du pays et l’émancipation des femmes. Il est donc bien vrai que les mentalités ont tendance à évoluer avec le temps, mais pour la plupart des Marocains, la virginité est une question d’honneur. La pression instaurée par la société et la famille concernant ce mythe est réelle. D’ailleurs, beaucoup de femmes sont battues ou répudiées parce qu’elles ne saignent pas pendant la nuit de noce. “Le rite moyenâgeux du drap tâché de sang n’existe peut-être plus lors des cérémonies de mariage, mais combien de femmes gardent dans leurs chambres à coucher la preuve de leur virginité lors de leur nuit de noce ?”, s’interroge Bouchra Abdou.
Somme toute, la femme peut être active, cadre supérieure, femme dynamique ou occuper un poste de responsabilité, si elle n’est pas mariée, elle participe à la construction d’une pathologie sociale. En plus de répondre aux critères de beauté, de “pudeur” et de fertilité, certaines familles encouragent leurs filles à se plier aux exigences de la belle-famille, savoir bien cuisiner, prendre soin du mari … Mais la libération de la parole sur les réalités de la maternité questionne sérieusement sur un état de fait : les femmes sont-elles réellement heureuses lorsqu’elles sont “casées” ou mères de famille ?