Pourquoi avez-vous accepté de participer à une telle vidéo ?
Partout dans le monde, la violence à l’égard des femmes et des filles demeure l’une des violations des droits humains les plus graves mais, en même temps, les plus tolérées. Au Maroc, avec le projet de loi concernant le harcèlement sexuel et le mouvement international #Me too, le débat gronde de plus en plus sur les réseaux sociaux. Mais bizarrement quand on parle de l’harcèlement sexuel, on a souvent tendance à pénaliser uniquement sa forme physique. Or il existe aussi une forme verbale et non verbale qui nous touche toutes sans exception. Par exemple, cela peut être des propositions sexuelles explicites, comme un regard ou tout simplement une blague déplacée sur le physique. Ces “petites actions” sont tellement banalisées et normalisées par le grand public qu’on les croit inoffensives, mais ce n’est pas parce que l’impact n’est nécessairement pas mesurable dans l’immédiat qu’il n’est pas sans conséquence… A force d’être confrontées à ces actions « objectivantes », les femmes finissent par s’auto-objectiver, et il suffit de se poser des questions toutes simples comme pourquoi je n’ai pas confiance en moi ou pourquoi je ne me sens pas en sécurité dans un lieu publique, pour reconnaître que nous sommes toutes concernées par ce sujet !
Est-ce votre premier engagement concret contre les violences faites aux femmes ?
Concrètement, oui. Le jour où on m’a présenté le projet, je ne me suis pas posée de question. C’était totalement instinctif. Car qu’est ce qui m’empêcherait de ne pas y participer ?
Quel poids peut avoir votre engagement et celui d’autres personnalités ?
Les auteurs de ces violences sont nombreux, mais les spectateurs le sont tout autant. Le problème, c’est qu’on fait croire aux hommes que leurs actes sont légitimes, et aux femmes qu’elles sont, au final, coupables. On nourrit tous et toutes ces idées même en choisissant le silence. Tout le monde a un impact. Par conséquent, tout le monde doit être impliqué ! Les personnalités ont la chance d’être suivies par de nombreux followers. Et en partageant sur nos réseaux, il y en aura forcément certaines personnes qui seront plus influencées que d’autres. La sensibilité face au message n’est jamais égale. Elle dépend de la volonté et de l’empathie de chacun. Mais si on peut aider à identifier et bousculer quelques idées objectivantes sur la femme, c’est déjà un grand pas.
Les violences faites aux femmes sont un fléau qui touche tous les pays dont le Maroc. Contre quoi vous insurgez-vous le plus ?
Oui, mais au Maroc, beaucoup de femmes n’osent pas en parler de peur qu’on les pointe du doigt et qu’on salisse leur réputation au lieu de saluer leur courage. Beaucoup de familles dictent aux filles et aux femmes leur façon de se comporter et de s’habiller pour ne pas provoquer l’instinct animal des hommes, comme si le référent auquel les femmes doivent penser et agir reste uniquement le désir des hommes. Bref, il y a du travail…
Pour vous, quelle est la priorité au Maroc pour stopper les violences faites aux femmes ? Est-ce la répression, la prévention et donc l’éducation?L’éducation sans aucun doute. Prévenir le harcèlement sexuel nécessite un changement dans les perceptions et les points de vue du public par rapport au corps de la femme. Malheureusement, dans cette ère prétendument libérée, il est toujours perçu comme un objet et il faut avouer que les médias jouent un très grand rôle dans l’ancrage de cette idée et sa normalisation. L’abolition intégrale de ces images est quasiment utopique mais l’éducation agirait justement sur sa perception. Il faut ainsi intégrer l’éducation sexuelle dans les écoles publiques et privées. Il faut aussi des cours de lecture méthodique des medias afin que les élèves apprennent à identifier les problèmes de façon générale et à avoir une distance assez critique face aux informations ou aux images reçues. Mais, c’est aussi le rôle des parents. Il faut non seulement donner le bon exemple mais faire comprendre aux garçons qu’on n’affirme aucunement sa masculinité en s’attaquant à une fille ou en évaluant son corps. Il faut également apprendre aux filles aussi à se défendre, à connaître leurs droits et à ne surtout pas réduire leur valeur à leur corps.
Pensez-vous que les chiffres relatifs aux violences faites aux femmes vont diminuer dans l’avenir ou pensez-vous que ce fléau va malheureusement persister ?
On espère toujours le meilleur ! Après, il faut dire que les chiffres ne sont pas tellement représentatifs non plus. Il y a encore beaucoup de silence, beaucoup de peur, beaucoup de pudeur… Ce n’est pas un changement qui se mesure facilement avec les chiffres malheureusement, car, comme je l’ai dit tout à l’heure, le silence est tout aussi coupable de cette situation. Mais si le nombre de plaintes augmente en l’espace d’une année, c’est aussi un pas relativement positif parce que ces femmes ont non seulement identifié le problème comme une violation de droit, mais ont osé en parler, et ça, c’est déjà un grand pas vu la situation actuelle.