Derrière ce projet, trois jeunes femmes, dont deux Marocaines, qui ont fondé l’association éponyme : Asmaa El Ogda, entrepreneure dans le secteur de la promotion et de l’événementiel, Marine Aubin, consultante en innovation et Ilham Mirnezami conceptrice culturelle. « Nos trois profils se complètent et chacune apporte ses savoir-faire et expertises pour mener à bien notre mission », expliquent-elles. Car à travers ce programme, « nous proposons aux femmes des outils et des ressources pour donner vie à leurs espoirs, leurs rêves, leurs envies et parfois même leur condition humaine. » Interview avec ces trois Superwomen.
Vous êtes trois femmes très actives qui avez monté le programme « Femmes et Inspirations ». Avant de parler d’une seule voix comme vous le souhaitez, quel est votre parcours respectif ?
Marine Aubin : Je suis entrepreneure et consultante. J’ai accédé à différents postes dans ma carrière avant de lancer ma propre structure qui accompagne des sociétés dans leurs stratégies ainsi que dans leurs démarches d’innovation et de transformation digitale. Je suis également co-fondatrice et COO de Carbon Leadership, dont le premier livre, vise à inspirer et accompagner les femmes à reprendre le leadership dans leur vie professionnelle. Et je siège aussi au conseil d’administration de l’ONU Femmes France.
Asmaa Elogda : Je suis entrepreneure et fondatrice de l’Opéra Mundi ainsi que de Feel Good Events, des projets de conceptions d’événements où se mêlent des conversations urbaines et cosmopolites, des rendez-vous créatifs, inspirants et fédérateurs. En 2016, j’ai aussi co-crée Les Audacieuses, un projet donnant de réelles clefs aux personnes désireuses de se lancer, avec par exemple l’intervention d’expertes aux parcours atypiques ou encore des ateliers pratiques en petit comité. Bref, je souhaite impulser une envie ainsi qu’inspirer un élan riche de sens !
Ilham Mirnezami : Je suis chef de projet pour un cabinet de conseil spécialisé en stratégies informatiques, et je suis aussi une passionnée d’art et de culture. J’ai ainsi créé Melting-Culture pour développer des projets culturels avec une vision pluridisciplinaire ainsi que transversale, et co-fondé le programme culturel Equations Nomades, soutenu par l’UNESCO et le ministère de la Culture malienne. Il contribue à la formation à Bamako de jeunes artistes, tout en permettant l’échange, la transmission des mémoires, la construction d’une « culture ensemble » via des rencontres.
Pourquoi avoir concocté le programme « Femmes et Inspirations » ?
Nous avons monté ce programme, ainsi que notre association, après un constat économique : l’Organisation internationale du travail estime qu’en réduisant de 25% l’écart du taux d’activité entre les hommes et les femmes d’ici 2025, 5 800 milliards de dollars seraient injectés dans l’économie. En clair, plus de femmes dans la vie active signifie plus de richesse. Mais au-delà de ce chiffre, nous sommes chaque jour motivées en tendant tout simplement l’oreille. Car nous constatons qu’en 2017 encore, la femme n’est toujours pas l’égale de l’homme, par les opportunités et bien trop souvent par les droits ! Cette réalité, c’est celle de femmes battues en Gambie qui pensent qu’au moins leur mari s’intéresse à elles. C’est celle de femmes en Inde à qui on jette de l’acide au visage pour les punir d’être sorties seules. C’est celles de femmes en France qui sont prises par défaut pour l’assistante dès qu’elles entrent en réunion. C’est celle de tous les êtres humains qui ne pensent pas pouvoir réaliser leurs rêves et leurs envies, personnels ou professionnels, parce qu’ils n’ont pas le bon genre, la bonne couleur de peau, la bonne religion, la bonne famille, le bon bagage ! Et c’est aussi l’histoire d’une petite Américaine qui a été frappée jusqu’à ses 6 ans, violée par des membres de sa famille de 9 à 14 ans. Une petite fille née dans un environnement si pauvre qu’elle portait parfois des sacs de jute à l’école, et était la risée de l’école. Cette petite fille, vous la connaissez mieux sous le nom d’Oprah Winfrey. Et c’est cette dernière histoire que nous souhaitons transposer à travers nos actions.
Quelle est la force de votre programme ?
Nous travaillons autour de trois axes, à savoir l’inspiration, l’empowerment et la formation. Notre programme des 3 et 4 mai a pour vocation de créer des déclics, d’impulser un élan créatif et d’inspirer. Nos intervenantes qui ont des profils et cultures variées, vont partager leurs histoires et leurs expériences. Nous voulons qu’un maximum de personnes puisse se reconnaître et être inspiré. L’autre volet est le programme de formation que nous sommes en train de bâtir pour permettre aux femmes de créer et gérer au mieux leur entreprise et leurs projets. Nous le pensons dès sa genèse comme étant accessible à toutes. Il sera par conséquent gratuit et adapté à l’écosystème marocain. Nous travaillons aussi à le rendre accessible aux femmes illettrées et analphabètes. L’objectif à moyen et long terme sera la transmission qui est une notion ancrée dans la culture marocaine, c’est-à-dire que nous souhaitons que les femmes formées en aident à leur tour d’autres. Enfin, nous travaillons sur l’écosystème local, qui est indispensable pour nous. Nous sommes en partenariat avec de nombreux lieux, car nous aspirons à travailler au plus près avec les structures et associations existantes afin de maximiser la valeur ajoutée du programme. Nous n’avons pas vocation à réinventer la roue mais plutôt à créer de nouvelles synergies et développer celles qui existent déjà au profit de toutes les femmes marocaines. Nous le savons tous, dans le partage, les forces sont décuplées.
A qui est destiné ce festival ? Et quelles intervenantes avez-vous choisi d’inviter ?
Ce programme est ouvert à toutes et tous. Tout au long de nos vies, nous avons besoin d’inspiration. Nous attendons donc aussi bien des cadres que des membres d’association et bien sûr des jeunes filles soutenues par notre association partenaire, l’INSAF. Pour ce qui est des intervenantes, nous avons l’honneur de compter parmi nous : Bouchra Ghiati, présidente de l’INSAF, Tania Chorfi, directrice des expositions à Casablanca et membre du ministère de la Culture au Maroc, Fethia Khayatey, fondatrice d’un espace œuvrant pour le développement de la créativité, Dina Alami, coach spécialiste de Theatahealing et membre du comité festival Jazzablanca, Madiha Bennani, auteure, Laila Hamdaoui-Morel, réalisatrice, Ahlem.B, auteure et fondatrice des Folles Histoires de Ahlem. B, Evelyne Kuoh, fondatrice et dirigeante d’Executive Art, Fatouma Yaranangoré, fondatrice de l’agence Yarra et membre l’UNESCO au Mali, Alkhanssâa Triaoui, docteur, chercheuse en histoire et droit international, Dounia Mesli, journaliste, Maria Daif, directrice de l’espace culturel L’Uzine, Chiara Condi, fondatrice de Led By Her, Hanane El Jamali, co-fondatrice du Remix coworking Paris, Charlotte Scapin, fondatrice du 1to100 Project et coach en empowerment, Asmaa Guedira, entrepreneure, Laila Benhalima, artiste plasticienne ainsi que des femmes artisanes de M’hamid El Ghizlane et de Khemisset.
Pourquoi avoir choisi de promouvoir la créativité féminine de manière globale et non pas dans un seul domaine ?
Il est primordial de comprendre que la créativité passe par de multiples aspects. En présentant ces différents secteurs, nous souhaitons inspirer un maximum de personnes et leur montrer que peu importe d’où on vient, on peut y arriver. Nous ne sommes pas obligées d’être toutes les leaders politiques ou économiques de demain pour avoir une vie remplie et épanouie. Ce que nous souhaitons réellement est ancré au fond de nous. Il suffit de nous écouter pour passer d’une vie ordinaire à une vie extraordinaire ! En plus, nous avons bien souvent tendance à considérer les domaines de manière tranchée ou indépendante, ignorant au passage que l’interaction stimule davantage la créativité. Prenons l’exemple de l’art. Nous sommes dans l’ère des interactions artistiques parce que nous savons pertinemment que les arts se mettent davantage en lumière lorsqu’ils se croisent, s’entrechoquent et « se parlent ». Résultat : cela peut donner vie à de très belles surprises.
Dans quel état est la créativité féminine au Maroc ?
Le Maroc est un pays riche par sa culture et ses traditions. Il évolue énormément et connaît une réelle croissance et effervescence culturelle. La femme y a toujours été une passeuse d’art et de culture. La transmission se fait ici de mère en fille et de femme en femme. Le Maroc est reconnu, notamment, pour son artisanat qui est l’un des plus beaux. Son art contemporain en provient d’ailleurs. Il suffit de regarder des tableaux issus du mouvement naïf pour comprendre cet ancrage dans la tradition. Ce sont ces richesses qu’il faut perpétuer, cultiver et surtout transmettre pour ne pas les perdre. Pour accélérer ce processus, il est important d’éviter un écueil que, par exemple, nous avons pu constater en France. Il y a eu une croissance très forte des associations autour des femmes et de leur vie professionnelle. C’est un signe fort que la société a une réelle volonté d’évolution. Néanmoins, il faut parfois savoir joindre les efforts et les ressources plutôt que de les dupliquer à travers différentes structures. C’est pourquoi nous avons à coeur de travailler avec l’écosystème existant à Casablanca et dans tout le Maroc pour qu’ensemble, nos actions soient plus fortes, avec une résonance plus vive, pertinente et efficace sur le long cours.