D’où vous est venue l’idée de monter la boutique virtuelle Shrout ?
Le vintage a tout d’abord été une démarche personnelle. J’aimais cette idée d’avoir des pièces uniques et originales qui ont résisté au temps. C’était une façon d’éviter les circuits du prêt-à-porter traditionnel qui reste souvent une aberration éthique et écologique. Puis, je me suis rendue compte que c’était compliqué de s’en fournir au Maroc, et qu’il fallait être très motivée pour en dénicher quelques-unes. Par exemple, à Tanger, j’adore aller au souk Casabarata mais c’est au petit bonheur la chance et ce n’est pas très intéressant côté vêtements. Et enfin en observant l’évolution des comportements des jeunes femmes, la recherche d’anticonformisme, et l’intérêt aussi que certaines pouvaient avoir pour certaines pièces que je ramenais, je me suis dit que ça serait peut-être le moment de lancer quelque chose. Vous savez, nous sommes très en retard sur la démarche par rapport à d’autres pays. Nastygal qui a commencé en tant que boutique vintage sur ebay, est devenue l’une des marques de prêt-à-porter vintage qui s’est le plus développée ces dernières années. Morgane Sezalory du label Sezane a commencé comme cela aussi. Après, je vous avoue que nous ne savons pas du tout où tout cela va nous mener. Nous expérimentons, nous observons, et avant tout, nous nous amusons !
Quelle est la particularité de Shrout ?
Les vêtements viennent à la fois de collections personnelles qui appartenaient à nos mères et grand-mères, mais aussi et surtout, de mes voyages, à commencer par Londres, la capitale de la chine. Il y a aussi des pièces sourcées à Paris, New York ou Montréal. Toutefois, il faut savoir que la plupart des vêtements vintage viennent à la base des États-Unis. Alors bravo, l’empreinte écologique me direz-vous ? Nous en avons conscience, mais d’un côté, nous allons essayer de sourcer davantage au Maroc, et de l’autre, les pièces ne voyagent pas seules en avion donc nous optimisons… Et puis, je reste convaincue qu’il vaut mieux réutiliser de l’ancien que produire du neuf, quand on sait le nombre de litres d’eau qu’il faut pour faire un tee-shirt en coton !
Chez Shrout, trouve-t-on des incontournables ?
Difficile de parler d’incontournables quand il s’agit à chaque fois de pièces uniques, mais c’est vrai que nous aimons particulièrement les vestes, à carreaux, pied-de-poule ou avec des épaulettes. Après nous adorons le velours, le brocard, les sequins, et les coupes structurées qui marquent la taille. Pour le moment, nous avons une cinquantaine de pièces, été et hiver confondus, mais la collection s’enrichit constamment et l’achat vintage ne prend pas en compte les saisons. En général, ça marche au coup de cœur pour des pièces intemporelles.
Et côté prix ?
Nous refusons de tomber dans la hype comme à Williamsburg, Brooklyn où la plupart des boutiques proposent des pièces à 3 chiffres en dollars !! Nous voulons être accessibles, se placer juste en-dessous des grandes marques de prêt-à-porter qui, à mon sens, sont souvent trop chères pour ce que c’est, sachant que les pièces plus anciennes sont souvent de meilleures factures, que nous proposons des matières relativement nobles et que nous valorisons aussi la rareté.
Peut-on donc dire que Shrout est la seule boutique qui mise sur le 100 % vintage au Maroc ?
Pour le moment, je n’en connais pas d’autre. En tous cas, chez nous, il y a une vraie recherche de cohérence : nous avons établi une certaine esthétique et même si tout est home-made, pour l’instant, nous essayons de faire les choses bien. De plus, nous accompagnons notre contenu d’éléments d’inspiration ou de citations qui cherchent à donner de l’assurance aux femmes. Je veux dire qu’à travers des photos d’inspiration vintage, que ce soit des clichés d’Henri Cartier-Bresson ou des portraits de certaines icônes 60-70s, nous nous adressons à nos clientes en essayant de leur faire passer des messages positifs qui leur donnent confiance en elles. La liberté et l’émancipation des femmes passe aussi par les vêtements. Nous avons envie qu’elles osent porter ce qu’elles veulent, des pièces originales et audacieuses, et qu’elles se sentent belles et à l’aise. Pour la partie plus « branding », nous avons des messages du genre « Stand out, wear shrout » (Fais-toi remarquer, porte Shrout) ou « You are unique, so are our clothes » (Tu es unique, nos vêtements aussi). Un mélange de légèreté et d’engagement, cela résume bien la marque.
Quels sont les premiers retours depuis le lancement ?
Nous sommes vraiment aux prémices de l’aventure, et par ailleurs, nous sommes toutes les deux déjà bien occupées donc nous avançons tout doucement, mais les premiers retours sont très encourageants. Nous qui pensions nous concentrer que sur Casablanca, nous avons reçu des demandes de Rabat, Fès, et même Paris !
Et quelle est la suite ?
Nous avons prévu d’ouvrir un petit showroom façon appartement privé pour rencontrer les clientes qui ont souvent besoin d’essayer, de voir et de toucher. Et puis, ça nous facilitera la logistique. Entre temps, nous serons jeudi 15 mars à la 10ème édition du pop up souk de la Fabrique pour une première vente In Real Life.