Sa première expo solo au Maroc, l’immigration, les femmes, Mederic Turay nous dit tout (Interview)

L'artiste ivoirien Mederic Turay présente du 7 décembre au 7 janvier sa première exposition solo à la Galerie 38 de Casablanca. Une exposition intitulée « African Dreamer » signé de ce peintre très en vogue, au style frais et fin, qui opte toujours pour des couleurs explosives.

En 1999, Mederic Turay est élu, à 20 ans à peine, « Meilleur Jeune Plasticien Artiste d’Afrique de l’Ouest ». Depuis, il ne cesse de cumuler les prix et a accroché ses toiles dans des galeries éparpillées aux quatre coins du monde comme aux Etats-Unis, en Italie, en France, en Côte d’Ivoire ou encore au Burkina Faso. Rencontre avec un artiste atypique et chaleureux.

Vous avez quelques similitudes avec Jean-Michel Basquiat dans vos coups de pinceau. Peut-on dire de vous que vous êtes le Basquiat ivoirien ?

Vous pouvez plutôt dire que je suis le Médéric ivoirien, même si c’est un honneur d’être comparé à un si grand artiste qui transcende les générations. Mais, je suis plutôt influencé par Pablo Picasso, et par bien d’autres. Je ne suis ni ancré ni enfermé dans un style, mais j’en joins plusieurs pour n’en faire qu’un. J’ai ma propre signature, ma « trace » qui est le nom que j’avais choisi pour l’une de mes expositions.

C’est votre première exposition en solo au Maroc alors que vous peignez dans des événements collectifs depuis 2015. Pourquoi avoir mis autant de temps ?
Parce que je suis un peu perfectionniste. J’aime bien prendre mon temps. Cela fait pratiquement un an et demi que je prépare cette série. Je voulais surprendre le public non seulement par l’exécution et l’esthétisme, mais aussi par le message choisi. C’est vrai que pendant tout ce travail, j’ai participé à des événements au Maroc comme « Afrique en Capitale » durant lequel par exemple j’ai peint un tramway. Mais toutes ces exécutions étaient aussi pour préparer le public à ce qui va venir, et donc l’aider à mieux plonger dans mon univers.

Votre exposition s’intitule « African Dreamer ». Quel est alors le rêve africain ?
Il n’y a pas un rêve, mais des African dreams. Je trouve triste qu’aujourd’hui, les Africains ne rêvent pas assez. Moi, en tant que jeune, je veux les aider à le faire. Il faut qu’ils puissent rêver de leur Afrique et pas d’un ailleurs. L’immigration, le thème que j’aborde dans ma série, est un sujet qui me tient à cœur. Je veux transmettre un message optimiste et surtout pas pessimiste car je veux vendre de l’espoir à travers mes toiles. En Afrique, tout est possible. Le continent est tellement grand que les possibilités sont multiples. Il faut rêver d’une Afrique émergente, d’une Afrique qui a envie de donner, d’une Afrique qui déborde de jeunes passionnés. C’est grâce à de tels rêves que l’on pourra semer le grain de cette Afrique tant rêvée.

            

Les femmes ont-elles aussi une place dans vos œuvres ?
Oui, la femme est très importante : elle est la source. On a trop souvent, tendance à l’oublier mais on vient tous d’une femme. Elle est au centre de notre vie. Je suis un street artiste qui essaie de véhiculer un message dans lequel la femme n’est jamais rabaissée. Il y a des pays où elle a encore trop peu de droits. Dans mes toiles, je veux interpeller, en disant « attention aux femmes », dans le sens « c’est notre vie ». Je le rappelle à travers les couleurs choisies ou encore l’attitude des femmes peintes. Dans l’une des mes œuvres, j’ai représenté une femme, assise sur un gros divan, qui pose. Elle est tout simplement fière de ce qu’elle porte, de qui elle est, et c’est important

Les femmes vous inspirent donc…
Oui, en grande partie. D’ailleurs, le premier tableau qu’on m’a acheté lors d’une vente aux enchères en Côte d’Ivoire en 2012-2013, était une femme qui portait un enfant, et ça, c’est un geste fort. Mon inspiration, mon exécution et le thème choisi ont fait que la toile a été très appréciée. Pour l’anecdote, c’est un célèbre footballeur qui se l’est appropriée à un prix faramineux ! Pour moi, les femmes sont sources d’inspirations. Je crois que je suis en train de me transformer en Picasso (rires). Mais comment ne pas être inspiré quand on regarde ou que l’on discute avec des femmes. Les différences entre les hommes et les femmes attisent ma curiosité et me donnent envie de mettre tout sur la toile.

Comment voyez-vous la femme marocaine ?
Comme une femme qui est à la recherche d’équilibre. Je m’explique, la femme marocaine est une femme très éveillée, et qui a le sens de l’initiative, comme beaucoup de femmes africaines. Mais on sent aussi que la femme marocaine veut tenir sa famille, qu’elle veut avoir la mainmise sur beaucoup de choses et qu’elle veut protéger tout cela. C’est une très belle qualité pour moi. En fait, c’est tout un honneur d’être une Marocaine.

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