Que représente la 1ère édition du Trophée Tilila aux yeux de l’ONU Femmes Maghreb ?
La 1ère édition du Trophée Tilila est de mon point de vue un tournant dans le domaine de l’annonce publicitaire au Maroc. Il illustre l’engagement du groupe 2M, à travers son Comité Parité et Diversité, à poursuivre ses efforts de promotion d’une culture de l’égalité et vient renforcer les actions du groupe pour l’éradication des discriminations envers les femmes. ONU Femmes ne peut que saluer cette démarche et l’appuyer car, au-delà d’être une opportunité de consacrer et promouvoir une publicité exempte de stéréotypes sur le genre, elle offre une opportunité pour débattre sur les rôles des femmes et des hommes dans la société, d’autant plus que le Trophée Tilila a fait rencontrer des acteurs venant de domaines différents : des annonceurs, des publicitaires, des activistes de la société civile ainsi que des chercheur-euses. Avec cette initiative, 2M contribue à concrétiser un des engagements internationaux du Maroc qui vise à prohiber la discrimination fondée sur le genre et établir l’égalité hommes femmes dans tous les domaines..
Pourquoi avez-vous accepté de faire partie du jury ?
ONU Femmes a lancé un pacte médiatique « Franchissons le pas pour l’égalité des sexes » qui constitue un partenariat pour l’avancement de l’autonomisation des femmes avec et par le biais des médias. ONU Femmes invite ses partenaires du monde des médias à travers le monde à tenir le rôle qui leur revient dans la mise en œuvre du Programme de développement durable et à privilégier l’égalité des sexes et les droits de la femme sur deux fronts : en produisant des reportages et articles questionnant les stéréotypes, et en augmentant l’effectif féminin des médias, surtout dans des postes de responsabilité et de décision. Il était donc naturel que je réponde présente à l’invitation de 2M, que je remercie de m’avoir associée à ce beau projet et que je fasse partie du jury, d’autant plus que le groupe a accompagné ONU Femmes Maghreb dans plusieurs initiatives, notamment les campagnes annuelle onusiennes de lutte contre les violences à l’égard des femmes.
Comment arrivez-vous à évaluer le degré de stéréotype sexiste contenu dans une publicité ?
Je commencerais par dire qu’il faut tout d’abord savoir définir et reconnaitre les stéréotypes, qui sont globalement des représentations ou croyances rigides simplificatrices et ignorantes des nuances, partagées par un groupe plus au moins large de la société. Une publicité qui ne contribue pas à promouvoir la diversité des rôles des femmes dans la société et systématise le rôle domestique est une publicité sexiste. Travailler sur la publicité sexiste ne signifie pas travailler uniquement sur les femmes mais également sur les hommes en vue de promouvoir ce que nous appelons dans notre jargon les « masculinités positives ». C’est d’ailleurs une des questions à laquelle notre enquête IMAGES (International Men and Gender Equality Survey) sur les hommes et l’égalité des sexes a adressé. A partir de là, on peut déceler et souligner les inégalités, et, dans le cadre d’un contenu audiovisuel ou visuel, en l’occurrence une publicité, l’analyse se porte sur l’ensemble des éléments qui constituent ladite pub, à savoir les textes, les images, les slogans, les choix artistiques… des outils existent à cet effet et on peut en citer le kit de sensibilisation et de formation en matière de monitoring et de lutte contre les stéréotypes de genre et de promotion de la culture de l’égalité destiné à l’ensemble des opérateurs médias.
Selon vous, pourquoi les annonceurs doivent-ils opter pour, au contraire, des publicités valorisant de plus en plus les femmes ?
Il faut d’abord que tous les acteurs du secteur soient sensibilisés sur cette question de représentation stéréotypée de genre; j’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas seulement des femmes mais aussi des hommes et que c’est important de considérer leurs rôles à tous les deux et de questionner les stéréotypes avant de démarrer tout processus de production et de création de contenu destiné à un grand public. C’est justement pour cela que je disais précédemment que le Trophée Tilila est non seulement une cérémonie de récompense, mais surtout un espace de discussion et de questionnement sur le sexisme qui devra faciliter la révision des rôles des hommes et des femmes et promouvoir une culture de l’égalité. D’un autre côté, les annonceurs bénéficient d’un espace d’expression conséquent dans les mass médias et ont une certaine influence sur le public facilitée par le mode d’expression/création artistique. D’un autre côté, l’évolution des médias, je pense notamment au digital, fait qu’aujourd’hui les consommateurs et consommatrices ont désormais leur mot à dire et exigent qu’on s’adresse à eux et à elles de façon renouvelée et intelligente. D’ailleurs, nous avons vu des cas récents ou les internautes, hommes et femmes, ont exprimé leur indignation face à des publicités qui ne sont pas à la hauteur de ce qu’on veut projeter comme messages surtout à nos jeunes. Et ces messages sont aussi valables pour les femmes que pour les hommes qui, plus souvent qu’on pourrait le croire, ne se reconnaissent pas dans la majorité des publicités ou autres productions qui, justement, reproduisent les stéréotypes dont on a parlé.