Marocaines et bikeuses, elles n’ont besoin de personne en Harley-Davidson !

300 bikers vont faire vibrer leur Harley-Davidson sur les grandes artères de Casablanca le samedi 23 septembre. Un rassemblement 100 % masculin ? Pas du tout. Quelques Marocaines enfourcheront fièrement leur bécane.

La Harley-Davidson, c’est un bruit assourdissant, une grosse cylindrée mythique et des motards reconnaissables de loin avec leur cuir et leurs bottes. Mais derrière les casques stylisés se cachent aussi des femmes. Sur les plus de 1 000 Harleyistes que compte le pays, une vingtaine sont Marocaines comme Hind Daou. Cette cadre de 40 ans a toujours frémi à l’approche d’une Harley. « Lorsque j’avais la vingtaine, je me promenais souvent sur la côte à Casablanca, et dès que j’en entendais une, je me retournais instantanément, se souvient-elle. Son bruit ne m’a jamais laissé indifférente. » À l’époque, elle roulait en moto, « celles qui ont des moteurs trop silencieux ». Mais, un beau jour en 2001, elle entre dans le café Calypso, l’un des repères des « bad boys », comme on les surnomme alors. « Il y avait une petite bande de bikers, que des hommes, se rappelle-t-elle. Je les ai salués avant d’engager la conversation ». Le feeling passe. Elle découvre un univers chaleureux où les mordus de cet engin légendaire parlent avec le cœur. « Le monde des Harley n’est pas du tout machiste, soutient-elle. Il n’y a pas d’un côté des hommes et de l’autre des femmes, mais des passionnés. »

Des femmes de caractère
Pour se faire la main, Hind achète d’abord une moto « puissante » mais n’a qu’une hâte : acquérir une Harley. Ce n’est pas simple, les modèles sont nombreux. « En choisir une, c’est comme tomber amoureux. On ne doit faire qu’un dessus », lâche-t-elle. Après les avoir passées en revue, son regard s’arrête sur une Softail 13/14 customisée. La bête pèse près de 400 kg. « La première fois que je l’ai montée, j’ai eu des courbatures partout et j’ai dû rester au lit pendant deux jours », rigole-t-elle. Mais elle ne se décourage pas. Elle remonte, et très vite, sur son mastodonte, Hind s’impose. « Le jour où je l’ai vendue à un rugbyman, il m’a dit qu’elle lui faisait peur ! Il m’a demandé de rouler devant lui, car il voulait voir de ses propres yeux comment du haut de mes 1m60, j’y arrivais », sourit-elle. Et enchaîne : « Ce n’est pas le poids qui compte mais la technique ».

Un avis que partage Zineb Behrens, une autre bikeuse. Cette architecte d’intérieur, mère de famille, a d’abord jeté son dévolu sur une Iron 883 de plus de 250 kg, avant d’opter pour une Road Glide spécial, une agressive dans le milieu qui fait trembler le bitume avec ses 450 kg. Cette belle trentenaire sait manipuler la machine et n’a pas froid aux yeux. Jeune, elle aimait la vitesse, mais ne roulait pas en deux roues. « A 17 ans, je suis partie en Suisse avec mes beaux-frères qui m’ont embarquée sur leur moto », raconte-t-elle. Les sensations sont là. Son envie d’en acheter une grandit avec le temps, mais son mari allemand ne voit pas ça d’un très bon œil. « A l’époque, j’aimais beaucoup les motos, plus particulièrement les sportives, ce que ne sont pas les Harley », indique Zineb, qui, à un moment donné, tombe, elle aussi, sous le charme de ces fabuleux engins. Elle en veut une et ne lâche pas le morceau. « Je l’avais prévenu qu’à mes 30 ans, je m’en payerai une quoi qu’il en dise ». Elle le fera un an plus tôt. « Mon père disait toujours que ces filles étaient comme des hommes, explique-t-elle pour justifier son caractère. Il nous soutenait et était pour notre émancipation ».

Motardes et toujours aussi coquettes
Sur leur Harley, Hind et Zineb n’ont pas perdu de leur féminité, mais ne sont pas pour autant des pink bikeuses. « Je reste toujours chic, insiste la première, bien apprêtée. Je me maquille, je fais une manucure chaque semaine, et je porte toujours des bagues ou des bracelets ». Et ajoute : « Je ne quitte jamais ma Harley, même pour aller au travail. Et je m’habille normalement. Je mets juste mes bottes de motard et je laisse mes escarpins dans le porte-bagage que j’enfile dès que je me gare. » Mais ces femmes n’hésitent pas à mettre les mains dans le cambouis dès qu’il le faut. « Même si nous ne sommes pas des expertes en mécanique, on sait se débrouiller. On connaît le b.a.-ba, on sait par exemple changer une batterie ou encore d’où vient le problème lorsque notre bécane ne démarre pas », précise Hind. Les bikeuses sont indépendantes et se sentent libres, c’est ce qu’elles recherchent en optant pour une Harley, même si elles roulent en général en clique de 5, 15 voire 30 baroudeurs sur les routes marocaines, mais aussi à l’étranger.

« Je suis partie en Jordanie et en Egypte où j’ai sillonné le pays en Harley, raconte Zineb. Nous faisons partie d’une famille ». Une grande famille qui laisse souvent bouche-bée les badauds. « On nous regarde avec admiration. On n’a jamais eu droit à des réflexions déplacées pour nous dire qu’une femme n’a pas sa place sur une moto », assure la trentenaire avant de se rappeler d’une anecdote : « Lorsque certains conducteurs se rendent compte que je suis une femme, il m’est arrivé parfois qu’ils accélèrent pour s’approcher de ma Harley et vérifier s’ils ne se sont pas trompés ». Mais même si ces motardes assurent qu’elles sont de plus en plus nombreuses au Maroc, un frein de poids existe : le prix. Une Harley coûte entre 100 000 et 300 000 DH… « Il y a des femmes qui passent leur salaire dans le shopping ou le bien-être. Moi, mon budget est réservé à ma Harley qui est ma thérapie, explique Hind. Vous savez, il y a énormément de contraintes autour de nous, dans notre vie privée, professionnelle ou dans la société qu’on ne peut pas changer… Alors pour tenir debout, il faut se ressourcer. La Harley, c’est ma bouffée d’oxygène. »

Parade Harley, départ à 12h devant la concession Harley-Davidson à Casablanca.

 

 

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