Le Dr Rajae Marsou est un petit brin de femme qui n’a pas froid aux yeux. Depuis 2014, elle est la vice-présidente de l’association Les Mains solidaires qui vient en aide aux migrants de Tétouan et des environs. Des fonctions que le bureau de cette association lui a rapidement confiées, car les bénévoles ont immédiatement repéré ses qualités. En effet, le Dr Marsou s’implique corps et âme dans ses activités. C’est le genre de personne à ne jamais se séparer de son téléphone, à décrocher dès la première sonnerie que ce soit en pleine journée ou au beau milieu de la nuit, et à prendre si besoin la route en direction du siège de l’association ou de la forêt de Belyounech, là où se sont réfugiés plusieurs centaines de migrants. « Mes proches me disent très souvent de faire attention quand je pars là-bas, car je ne connais pas suffisamment les personnes que je soigne », confie-t-elle. Peu importe. « Je suis avant tout docteur, lâche-t-elle. Je ne me fixe que sur leurs souffrances ». Et leur détresse la touche tout particulièrement. « Je me rappellerai toujours de la première fois que j’ai pu entrer dans la forêt de Belyounech, raconte-t-elle. J’ai dû attendre un an avant de gagner la confiance des migrants et être autorisée à y mettre les pieds. Ce jour-là, j’étais avec un collègue et nous avons mis 45 bonnes minutes avant d’atteindre leur camp de fortune. » Là-bas, sous ses yeux, des tentes un peu bancales, construites avec une multitude de bouts de plastiques, et des migrants, dont quelques femmes cachées derrière des arbres, en manque de vêtements, de couvertures, de médicaments et de nourriture, comme elle le décrit. « Lorsque j’ai vu cette scène, j’étais choquée… La première pensée qui a traversée mon esprit a été : méritent-ils de vivre dans ces conditions, eux qui ont quitté pays et famille et traversé autant de pays ?… La route n’est en plus pas encore terminée pour certains qui veulent à tout prix tenter de franchir les barrières de Sebta… Ils ont de grandes chances de revenir ici blessés. » Son indignation semble immense. Après cette première visite, le Dr Marsou décide de consacrer toute son énergie aux migrants qui croisent son chemin.
Un planning journalier bien chargé
A écouter le Dr Marsou, ses journées n’en finissent jamais. Elles démarrent très tôt. Cette femme de 39 ans est la mère de deux fillettes : l’une âgée d’à peine 6 ans et l’autre de 11 ans. C’est elle qui les réveille le matin et les accompagne à l’école, avant de les récupérer après sa journée de travail au centre de santé de Tétouan. Depuis 2011, elle y est médecin, mais ce n’est pas sa seule casquette. Elle est aussi bénévole à l’association des Médecins de la santé publique de Tétouan qui met ponctuellement en place des caravanes médicales chargées d’aller à la rencontre des Marocains habitant dans des zones éloignées où les infrastructures sanitaires sont peu voire inexistantes. En général, c’est en fin d’après-midi que le Dr Marsou part en direction du siège des Mains Solidaires. « Mon mari et mes parents m’épaulent beaucoup, reconnaît-elle, et surtout, ils me soutiennent. » Durant les consultations, les migrants défilent. Leurs maux ne sont pas que physiques. « Parfois, je ne fais que les écouter parler de leur histoire, indique-t-elle, avant de préciser qu’elle voit beaucoup de jeunes femmes enceintes venir dans son bureau. « Je vous avoue que je ne leur demande pas si elles sont mariées. Je ne veux pas le savoir car j’ai devant moi, de jeunes femmes perdues, enceintes, et qui vivent dans des conditions précaires… », souligne-t-elle, en prenant l’exemple d’une de ses patientes : « Un jour, une femme est venue me voir pour des ecchymoses sur le visage et une fracture aux doigts. Elle avait reçu des coups de la part d’un garde-frontière ! »
Du Dr Marsou à Mama Hajja
L’association Les Mains solidaires essaie d’aider tant bien que mal les migrants, en les accompagnant si besoin à l’hôpital ou en leur distribuant régulièrement de la nourriture. A force de côtoyer le Dr Marsou, les migrants lui ont donné, presque quasi naturellement, le surnom de Mama Hajja. Un nom qui a été entendu pour la première fois par les Internautes en février dernier. Des migrants qui ont réussi à passer de l’autre côté de la frontière, ont posté une vidéo, en remerciant le Maroc mais aussi Mama Hajja pour son accueil et sa présence. Un message touchant qui pousse d’autant plus le médecin à poursuivre son combat. « Chaque année, on essaie de mettre en place des caravanes médicales où plusieurs spécialistes et infirmiers sont volontaires pour aller dans la forêt, car vous l’imaginez bien, il y a chaque semaine de nouveaux arrivants ». Problème, « en février dernier, nous n’avons pas reçu l’autorisation du Caïd. Notre demande n’a été ni acceptée, ni refusée… On n’a pas eu de réponse ». Le Dr Marsou et son équipe comptent bien renouveler la demande dans les mois qui viennent, et en a déjà fait une autre pour Tanger. « Il y a beaucoup de migrants là-bas. On a donc voulu élargir notre zone d’actions. » En clair, rien ne semble arrêter ce médecin…