Hlima Razkaoui, directrice CARE Maroc : “notre campagne vise à impliquer les hommes et à briser les stéréotypes” (Entretien)

CARE Maroc participe activement à la campagne mondiale annuelle “zéro discrimination” ayant pour objectif de mettre fin à toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes. Hlima Razkaoui, directrice nationale de l’organisation CARE International Maroc nous en dit plus sur cette campagne et les actions menées au Maroc par cette ONG.

Pourriez-vous nous présenter brièvement Care Maroc ?
CARE Maroc, association reconnue d’utilité publique, œuvre auprès des populations les plus vulnérables depuis 2008. CARE cherche à s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et à renforcer la capacité d’auto-assistance des communautés. L’analyse des principaux enjeux de développement au Maroc oriente l’action de CARE autour des problématiques de l’éducation, l’accès à des opportunités économiques et la participation politique et citoyenne des populations les plus vulnérables, notamment les enfants, les femmes, les jeunes et les personnes migrantes.

Quelles sont les grandes lignes de la campagne de sensibilisation contre les barrières et stéréotypes dans le monde de l’entrepreneuriat que vous allez lancer ?
C’est une campagne qui abordera la question de l’insertion socioéconomique des femmes rurales et les barrières qu’elles rencontrent sur cette question. Les barrières structurelles sociétales et d’accès aux services seront mises en lumière.  La campagne adopte un regard constructif tourné notamment vers la participation de l’homme afin de contribuer à lever ces barrières.

Quand prévoyez-vous de lancer cette campagne ?
Cette campagne est à présent en bouclage pour diffusion dès le début juin sur plusieurs semaines, à travers la chaine de TV 2M, les radios et panneaux trièdres ambulants sur la ville de Marrakesh.

À votre avis, quels sont les facteurs les plus clivants qui empêchent les femmes d’être à la place qu’elles méritent ?

Les principales barrières sont les suivantes :
– Les stéréotypes femmes-hommes existant dans les foyers et société entravant la confiance en soi pour les femmes entrepreneures, l’autonomie et prise de décision, l’accès aux marchés pour la commercialisation…
–   le manque de programmes permettant de soutenir les femmes désireuses à monter leur projet : Celles n’ayant pas d’expérience pas ou peu alphabétisées, ont peu de chance de bénéficier de microcrédits ni d’encadrement suffisamment complet (soft et technique pour correspondre aux besoins des marchés ciblés en prenant en compte l’innovation).
– Le manque de services sensibles au genre (privés et publics) entravant la jouissance du service par les femmes, surtout rurales. Ex : des guichets spécifiques pour les femmes venant de loin et devant prendre des transports en commun longs durant la nuit si elles sont servies tardivement.
– la difficulté de faire croitre leurs entreprises sociales par manque de visibilité, de capacité de négociation et de partenariat avec les acteurs de l’écosystème.

Concrètement, quelles sont les actions que vous déployez sur le terrain ?
Une démarche pluri-acteur est holistique semble être la principale force pour faire progresser l’autonomisation économique des femmes.
Tout d’abord le travail structurel sur l’équilibre des pouvoirs entre l’homme et la femme au sein des ménages est essentiel pour permettre un rééquilibre des tâches ménagères et dégager du temps pour la femme à consacrer à ses activités économiques et contrôler ses ressources. Ceci implique une évolution des rôles traduite dans nos projets en masculinité positive.
Ensuite, l’amélioration de l’offre est une bonne pratique au niveau de l’écosystème qui permettrait de transformer les services (publics et privés) en les rendant sensibles au genre de façon à ce que les besoins spécifiques des femmes, notamment en zones rurales, soient pris en compte.
Enfin, il est important d’insérer des entreprises sociales et coopératives féminines issues des initiatives de ces-dites femmes dans les chaines de valeur de l’écosystème local, national et international. Des efforts doivent être faits pour professionnaliser les produits, les valoriser et les insérer dans le marché existant faisant une place forte à la coopération entreprises – entreprises sociales tournée vers le développement économique INCLUSIF (l’innovation sociale), permettant ainsi une meilleure chance de lutter contre la pauvreté en plaçant le/la citoyen-ne au centre de la réponse.

Qu’en est-il de l’action de plaidoyer que vous menez dans le monde rural ?
CARE Maroc a testé avec succès une méthode appelée AVEC (association villageoise d’épargne et de crédit) permettant à des femmes pas ou peu alphabétisées de s’organiser en réseau, se former et épargner leur propre économie afin de définir un projet social économique et le développer. Il s’agit souvent de coopératives ou entreprises sociales innovantes avec un impact direct sur leurs propres revenus renforcé par un impact social sur le développement de leur communauté. A titre d’exemple, Fatima a décidé d’ouvrir une unité préscolaire dans son douar, géré en entreprise sociale innovante mais également bénéficiant au développement de son territoire, dont les enfants de moins de 6 ans, n’allaient jusque-là, pas à l’école et réduisant leurs chances de réussites.
Cet instrument est en cours  d’institutionnalisation par Le MTAESS afin de le répliquer dans le royaume et démultiplier l’impact de cette approche faisant la promotion de l’égalité femmes-hommes.
Nous organisons également des tables rondes avec les institutions, les acteurs institutionnels délivrant les services et associations locales afin de, ensemble, définir les meilleures approches pour lever les barrières et rendre les services et programmes sensibles au genre. CARE Maroc profite de sa participation à son réseau international pour ramener des bonnes pratiques internationales et en tirer des leçons.

Quels retours espérez-vous de cette campagne ?
CARE Maroc espère principalement sensibiliser les hommes, les citoyens, les détenteurs de services sur le rôle qu’ils pourraient jouer dans le succès de l’insertion socio- économique et l’autonomisation des femmes et jeunes filles, selon leur rôle en tant que père de famille, frère, oncle, administrateur d’ une agence de banque, fonctionnaire d’une institution  de service ou manageur d’ une entreprise. Nous espérons contribuer au changement de mentalités et évolution en induisant par la sensibilisation des changements d’attitude et de comportement dans la sphère sociale et économique contribuant au plan de développement économique du pays qui se veut inclusif et équitable comme décrit dans le nouveau plan de développement du Maroc.
CARE Maroc a la chance de pouvoir compter sur ses partenaires  notamment financiers permettant  la réalisation de ses résultats et nous les en remercions (bailleurs institutionnels, secteur privé et donateurs citoyens qui contribuent avec une participation mensuelle). Fort de notre expertise, en attirant plus de financements et partenaires, nous pourrons démultiplier l’impact et soutenir encore plus de familles.

 

 

 

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