Finemchi, l’application pour inciter les Marocaines à sortir en toute sécurité (interview)

Finemchi est l’application pensée par et pour les Marocaines. Elle leur permet de mettre en avant les établissements où elles peuvent sortir sans être importunées. Une initiative lancée fin janvier par Safâa El Jazouli, une jeune entrepreneure franco-marocaine qui, avec ce nouveau projet, a combiné ses deux passions : le social et la technologie, comme elle le souligne. Entretien.

Comment avez-vous eu l’idée de l’application Finemchi ?
Elle m’est venue de ma propre expérience et de celle de mes amies. Nous n’avons pas beaucoup de choix quant aux espaces publics qu’on peut fréquenter. Par conséquent, nous allons toujours aux mêmes endroits, c’est-à-dire ceux où nous avons eu une bonne expérience. Mais malheureusement, la majorité de ces lieux n’est pas facile d’accès. Souvent, il faut soit prendre les transports en commun, soit y aller en voiture. Et dès qu’on change de ville et qu’on n’a plus ses repères, c’est la galère pour trouver des établissements « women friendly ». En plus, Internet n’aide pas vraiment parce que la plupart des commentaires sont rédigés par des hommes, et donc, elle ne prend pas en compte le regard des femmes sur un établissement. D’où le lancement de l’application Finemchi. Mais, vous savez le problème du harcèlement dans les espaces publics est un sujet d’actualité, avec des nuances et formes qui diffèrent selon la culture et le pays.

Concrètement, quel est le principe ?
Finemchi est une application participative qui permet de noter un établissement selon certaines caractéristiques. Cela peut aller de critères généraux comme la qualité de la nourriture ou le prix, à ceux plus spécifiques comme « l’historique » des harcèlements dans un lieu ou le « dress code » recommandé. Concrètement, chaque femme peut rajouter ses établissements préférés et signaler ceux dans lesquels elle a subi un harcèlement. De cette manière, elle partage son expérience, et à l’inverse, elle profite des adresses des autres qui seront utiles lors d’un voyage ou pour rester au courant des endroits tendances. Grâce à Finemchi, les femmes ont ainsi un éventail de sorties beaucoup plus large. L’application permet également de géolocaliser les services de police et de gendarmerie à proximité, en cas de besoin. Et depuis quelques jours, nous y avons référencé les évènements à venir qui pourraient intéresser nos utilisatrices comme les showrooms, les ventes-privées, les vernissages, ou encore les conférences.

Aujourd’hui, combien d’établissements sont répertoriés au Maroc ?
Depuis le lancement de Finemchi, une centaine d’adresses ont été mises en ligne sur l’ensemble du territoire. Plusieurs centaines ont également été rajoutées par les utilisatrices et sont en cours de vérification avant d’être publiées très prochainement, si elles répondent bien entendu aux critères de Finemchi, c’est-à-dire dès qu’une femme se prononce sur un établissement, nous faisons un sondage aléatoire auprès des filles qui pourraient le connaître pour avoir d’autres avis. Si les retours sont positifs, nous le publions.

Avec
Finemchi, on parle donc de reconquête des espaces publics par les femmes ?
Oui, car on parle d’introduire les femmes dans ces espaces occupés majoritairement par les hommes, de ne pas avoir à prendre les transports en commun ou conduire pour boire son café en terrasse, lire son journal ou consulter son téléphone.

Mais n’avez-vous pas peur de pousser les femmes à se rassembler entre elles dans les cafés, et par conséquent, mettre un frein à la mixité ?
Depuis le lancement de l’application, j’ai reçu beaucoup de mails d’hommes qui encouragent l’initiative et qui se disent intéressés par ces adresses. La raison est simple : un établissement avec une ambiance plutôt « hostile » envers les femmes n’est, en général, pas des plus agréables pour les hommes puisqu’ils peuvent être témoins de comportements ou remarques déplacés. Et il ne faut pas oublier qu’avec Finemchi, certains critères plus globaux sont pris en compte comme la propreté, le confort et l’ergonomie, qui peuvent également intéresser les hommes.

L’autre objectif de votre application est la sensibilisation des acteurs publics à la cause féminine. Comment comptez-vous vous y prendre à travers Finemchi ?
Effectivement, Finemchi permet aussi d’envoyer un message aux responsables des établissements. Si leur local n’est pas recommandé par les femmes par notre application, c’est qu’il y a des changements à apporter. D’ailleurs, depuis le lancement, plusieurs responsables d’établissement nous ont contactés afin de savoir comment attirer plus de clientèle féminine chez eux. Cela peut se faire via l’adoption de certaines bonnes pratiques, mais aussi par l’organisation d’évènements ciblant les femmes, à l’image des soirées de foot pour les hommes. Par exemple, pourquoi ne pas lancer des rendez-vous pour apprendre à dessiner, ou encore concocter des soirées « Lalla Laaroussa » ou « The Voice » ?

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