Nahid El Massnaoui connaît Mehdia sur les bouts de ses doigts. Dès qu’elle en a l’occasion, cette surfeuse de 31 ans glisse dans ce petit coin, connu et reconnu comme étant l’un des meilleurs spots du Maroc. C’est sa passion qui l’a guidée jusque-là en 2005. Ses premiers pas de surfeuse, elle ne les a faits qu’à 19 ans sur le site de l’Oudayas à Rabat. Avant, elle n’avait d’yeux que pour la natation. Elle s’était même lancée dans la compétition avec l’équipe des Cheminots de Rabat. À son actif, une dizaine de médailles. Mais, un beau jour, elle et ses parents empruntent la route côtière. Une pub sur le surf l’interpelle. Arrivée sur la plage, cette étudiante ingénieur y voit des jeunes prendre des cours dans une école. L’envie est là, alors pourquoi ne pas essayer. « Mes parents étaient au départ frileux, se rappelle-t-elle. Vous savez, quand on pense surfeur, on a souvent l’image de jeunes avec des rastas, qui ne font rien de leur vie à part du surf, sauf que ce n’est pas le cas. ». Les préjugés balayés d’un revers de main, la voici qui prend sa première vague. Elle attrape tout de suite le virus. « Au lieu de prendre un cours par semaine, j’en ai pris deux fois par jour, sourit-elle. Je crois que mon amour pour l’eau m’a poussée vers autre chose. »
A bat les stéréotypes
Pendant un an et demi, elle enchaîne les séances. Elle n’est pas la seule. « Il y avait beaucoup de jeunes filles », se souvient-elle. Mais, elle seule prendra le large : « Les écoles sont rassurantes pour les parents, car opter pour le free surf, c’est se retrouver parfois seule ou avec peu de monde sur la plage l’hiver », indique-elle. Un environnement qui peut sembler hostile. Mais la réalité en est tout autre, la preuve : « C’était à Larrache. J’étais la seule femme à l’eau. Des hommes m’avaient vu prendre de grosses vagues et avaient été impressionnés. Ils m’avaient demandé sur les réseaux sociaux de revenir pour inciter les parents à laisser leur fille surfer ». Nahid l’assure, elle n’a jamais entendu une réflexion sexiste, mais nuance tout de même en rappelant l’interview qu’avait accordée, Meryem El Gardoum, l’une des figures du surf au Maroc, à la CNN : « Des hommes de Tamraght, la ville où elle est originaire, lui disaient que la place d’une femme est dans la cuisine, et non pas dans l’eau ». Pour Nahid, il ne faut pas pour autant généraliser. Les clichés, elle ne les supporte plus, surtout après avoir visionné fin 2015 une vidéo diffusée sur Magicseaweed, dans laquelle on y voyait une jeune surfeuse issue d’un quartier populaire de Rabat. « Les questions étaient orientées pour qu’elle associe la religion et les femmes, sauf que ce n’est pas vrai, s’insurge-t-elle. Dans l’eau, il n’a jamais été question de religion. » Sur les forums de surfers, elle décide alors de remettre les points sur « i ». « C’est comme ça que Surfgirl m’a contactée et que j’ai fait la Une du magazine en 2015 », se souvient cette jeune femme qui devient ainsi la première Marocaine à faire la couverture d’une revue de surf.
Protéger la plage pour mieux préserver sa passion
Les femmes ne sont pas nombreuses à faire du surf « On doit être 250 sur plus de 3000, estime cette jeune responsable de pilotage stratégique au sein d’une banque. En général, dans les compétitions, on est une douzaine contre une centaine d’hommes. » Elle en a fait quelques-unes, et est arrivée 4e au niveau national dans sa catégorie en 2011. Son coach ? Boumediene El Omari, un surfeur de 52 ans, rencontré en 2005 à Mehdia. C’est la première fois qu’il décidait d’entraîner une fille. Il a succombé à sa force et sa détermination. Une gnaque qu’elle a mis au service de la protection de la plage de Mehdia où se trouve le Surf Camp de Boumediene. Elle ne supporte plus de voir sur le sable « des préservatifs, des seringues ou du plastique », précise-t-elle. Elle a alors rejoint l’association Ecomehdia créée par son coach et d’autres surfeurs, qui organise pendant deux jours avec des partenaires, les Initiatives océanes. Le but : éviter que Mehdia ne se transforme en décharge, même si… c’est trop souvent le cas. Alors pour sensibiliser, Nahid et ses acolytes décident aussi de mener des actions de nettoyage sur la plage chaque semaine. Une journée qui rassemble des surfers étrangers et des locaux, pour préserver ensemble leur richesse, comme l’explique Nahid, qui a de plus en plus envie de faire entendre sa voix d’une manière ou d’une autre. Une femme à suivre, surtout lorsqu’on sait que face à une vague de plus de 2m50, elle ne recule pas…