Femmes de la mer : le portrait de Majida Maârouf

La mer, une affaire d’hommes ? Non, des femmes se sont construit une carrière dans ce secteur. À l’occasion de la 5ème édition du Forum de la mer du 3 au 7 mai à El Jadida, zoom sur ces femmes au cœur marin. La troisième, Majida Maârouf, directrice de l'ANDA (Agence nationale pour le développement de l'aquaculture).

Un défi, c’est le mot qui reviendra souvent dans la bouche de Majida Maârouf lorsqu’elle évoquera son parcours. Petite, l’actuelle directrice de l’ANDA (Agence nationale pour le développement de l’aquaculture) se voyait médecin. Alors après le bac, c’est ce chemin qu’elle empruntera, mais brièvement. Elle n’arrivera pas à franchir le cap de la première année, connue pour être très difficile. Le destin la pousse vers d’autres horizons. Cette femme originaire de Sefrou, près de Fès, intègre en 1985 l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II (l’INVA). En quatrième année, elle opte pour l’halieutique. « J’avais de très bonnes notes. J’avais donc la possibilité de choisir ma spécialisation en dernière année, se rappelle-t-elle. Lorsque j’ai vu qu’il n’y avait que des hommes en halieutique, alors j’ai foncé. En plus, à la différence de l’agriculture, rien n’est prévisible dans cette filière. On ne maîtrise rien. » Un mystère qui attise sa curiosité. Ni une, ni deux, elle se lance dans ce secteur. Durant ses stages, direction le terrain ou plutôt les chalutiers ou les sardiniers. « L’équipage à bord me respectait beaucoup, se souvient cette femme de 50 ans, Je crois qu’il se disait : « Pauvre dame, elle est obligée de faire son stage ici ». Au contraire. Elle adore les challenges. Et cette expérience au cœur de la filière lui a permis de mieux comprendre les difficultés vécues par ces hommes, la complexité du métier ou tout simplement la vie d’un équipage qui se jette à corps perdu dans sa profession.

De l’eau douce à l’eau salée

Le diplôme d’ingénieur en poche en 1992, Majida Maârouf est recrutée par une société de pisciculture, qui désigne l’élevage de poissons. Une belle période de sa vie qu’elle se remémore en souriant. Durant quatre ans, elle côtoie des techniciens « formidables » qui continuent encore aujourd’hui à l’appeler pour l’inviter à certains événements. Car cette responsable a partagé leur vie. Elle habitait près du barrage Oued El Makhazine jusqu’en 1996. Cette année-là, elle décide de suivre une autre voie : celle de la recherche. Elle intègre ainsi l’Institut national de recherche halieutique (INRH) pour participer au projet INCO sur la pêcherie céphalopodière en Afrique du Nord-Ouest. Quatre années formatrices durant lesquelles son œil d’expert s’est aiguisé. Désormais, elle se sent les épaules assez solides pour s’aventurer au cœur même du département de la Pêche maritime. La voici. Elle enchaîne rapidement les postes à responsabilité et s’épanouit.

De l’aquaculture à la culture

En 2011, tous les regards sont tournés vers l’ANDA, nouvellement créée. Personne n’a encore été nommé à sa tête. Majida Maârouf le sera quelques mois plus tard. « Je ne m’y attendais pas », se souvient-elle. C’est un honneur qu’on ait pensé à elle. Mais, très vite, un autre sentiment va s’installer : la pression, car c’est bien elle qui va devoir faire de l’ANDA l’agence tant attendue. Pas d’erreur. Elle l’a bien compris. Elle s’entoure donc d’une jeune équipe qualifiée. « Ils sont fraîchement diplômés », précise-t-elle. Au total, ils seront 60 dont « plus de 40 % de femmes », indique Majida Maârouf qui met tout de suite en avant que « les CV étudiés étaient anonymes. Ni photo, ni nom, mais un numéro. Et ce n’était qu’à l’entretien qu’on voyait qui était la personne retenue lors de la première étape. » Mais là aussi, aucune préférence. Car elle ne se focalise que sur la performance des candidats qui vont devoir travailler avec une femme qui ne cherche jamais la simplicité. « Je trouve que la difficulté stimule », explique-t-elle spontanément. L’équipe mise en place, vient le tour de la planification et du cadre juridique. « Heureusement que nous avons su anticiper, confie-t-elle, car quand on regarde les plans de développement des régions, on aurait eu de grandes difficultés si on n’avait pas lancé tout cela dans cet ordre. » Le stress n’est pas retombé pour autant, même si cela ne s’entend pas à sa voix. « Aujourd’hui, nous sommes dans la promotion de l’halieutique et préparons entre autres son positionnement sur le marché mondial. » Car dans la stratégie Halieutis lancée en 2009, le message était clair : « Faire de l’aquaculture un moteur de croissance majeure ». La production de poissons d’élevage attendue s’élèvera tout de même à 200 000 tonnes d’ici 2020. « Le travail, le sérieux, l’engagement et un brin de sagesse sont les clefs pour réussir à s’imposer », lâche Majida Maârouf qui assure n’avoir jamais entendu un seul mot déplacé de la part des hommes. Ils n’auraient pas osé. Car pour avoir réussi à gravir tant d’échelons, Majida Maârouf a dû certainement taper, à sa façon, du poing sur la table. Même si elle se cache derrière « le hasard et la chance » qui ont coloré sa vie. Mais ce qui est étonnant, c’est qu’à tout refaire, Majida Maârouf répond du tac au tac qu’elle aurait opté pour un tout autre parcours : l’artistique. « J’ai toujours été attirée par le monde de la création, avoue-t-elle. Ma petite sœur fait de la peinture, un de mes oncles de la sculpture, et moi, quand j’étais petite, je peignais aussi. Aujourd’hui, je n’ai plus le temps. Et de tout façon, l’âge avançant, on devient perfectionniste. » C’est peut-être un autre type d’art auquel Majida Maârouf est en train de s’essayer, celui de dessiner les contours solides d’une institution tant rêvée…

 

 

 

 

 

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