Fadela Bennani ne quitte plus sa paire de baskets Amaz des pieds. Avec un jean ou une robe, la jeune trentenaire enfile, à chaque fois, ses sneakers noirs et blancs décorés de broderies marocaines. Cette marque est sa fierté. Créée en avril dernier, elle connaît déjà le succès. Pourtant, la Casablancaise de 33 ans est totalement novice dans le stylisme. Jusqu’ici, son dada était le consulting, une voie très prisée des lauréats de grandes écoles comme Fadela qui a décroché en 2008 son diplôme à l’ESSEC. De retour à Casablanca un an plus tard, elle devient consultante en stratégie. Mais la frustration « entre l’effort déployé qui empiétait sur ma vie personnelle et l’impact concret des missions de conseil auxquelles je participais » l’ont emporté, comme elle l’explique. Elle finit par démissionner, et se lance dans un autre challenge : participer au lancement de l’antenne d’un géant américain de e-commerce au Maroc. « Cette expérience a été très formatrice et enrichissante, sans toutefois me permettre de réellement m’épanouir », indique-t-elle. En 2014, juste après la naissance de son enfant, Fadela décide de nouveau de quitter son emploi : « J’ai compris à ce moment-là que je tenais à ce que mon job ait véritablement du sens et qu’il me permette de garder un certain équilibre avec ma vie de famille. Et je vous avoue que “La sobriété heureuse” de Pierre Rabhi m’a également aidée à revoir mes priorités dans la vie… ».
AMAZ, une évidence
En mai 2015, elle décide de se lancer cette fois-ci dans l’entrepreneuriat. Elle crée sa première start-up : un cabinet spécialisé dans les programmes de fidélité. Mais le démarchage des clients s’avère compliqué. « C’était très dur pour moi parce que je me suis de nouveau remise en question », souffle-t-elle. Fadela ne lâche pas pour autant. Elle cherche et cherche encore, jusqu’au jour où une idée émerge. « Depuis mon adolescence, je suis une passionnée de sneakers. Vous verriez mon placard, il en est rempli ! », sourit-elle, avant de préciser qu’elle est tout aussi passionnée par l’artisanat marocain. « Je me suis alors dit que je pouvais créer une basket élégante et contemporaine qui valorise notre savoir-faire ancestral ». Même si le monde de la chaussure n’est pas du tout son domaine, Fadela fonce. Elle griffonne quelques croquis de sa basket « idéale » et part à la rencontre d’une dizaine de fabricants à Casablanca. Au bout de quatre mois, un atelier accepte enfin de collaborer avec elle. Pendant six mois, ils travaillent main dans la main et finalisent un prototype. Deux collections sortent au final de l’atelier : « Mozouna » et « Terz », toutes deux agrémentées de touches « made in Morocco » comme la sfifa, un ruban réalisé en fil de soie végétale, la mozouna, du sequin berbère et le terz fassi, la broderie traditionnelle de Fès. Le succès est au rendez-vous. Pas étonnant puisqu’elle a tout pour plaire : le style et le savoir-faire marocain, saupoudré d’une touche d’éthique. En effet, une partie des bénéfices est reversée à l’ONG Education For All, engagée pour l’éducation des filles dans les villages berbères reculés des environs de Marrakech. « Des concept stores français m’ont même contactée pour venir y exposer mes collections », glisse-t-elle. On lui souhaite longue vie.