Bayane Belayachi : Une voix venue d’Andalousie

Bayane Belayachi est l’une des seules femmes à exceller dans le chant arabo-andalou. Elle s’est imposée dans le paysage musical marocain comme une ambassadrice de la musique gharnatie et de la pluralité musicale marocaine.

De quelle façon la musique arabo-andalouse est-elle inscrite dans notre patrimoine ?
C’est Zyriab, un poète et musicien irakien installé en Andalousie au IXème siècle, qui l’a inventée, en assimilant les musiques du Nord, les « romanceros profanes », à la musique andalouse (malouf) et à la tradition musicale arabe de Bagdad. A cette époque, musulmans, chrétiens et Juifs y vivaient en parfaite harmonie. Ce métissage a donné naissance à la culture arabo-andalouse que nous nous devons de cultiver. Cette histoire, notre histoire, ne doit pas être oubliée.

Comment avez-vous démarré votre carrière de chanteuse ?
Je suis née à Oujda dans une famille de mélomanes. Mes parents m’ont fait découvrir très tôt la musique arabo-andalouse traditionnelle et j’ai tout de suite été séduite. Puis j’ai été choisie parmi des dizaines d’enfants au sein de l’association Al Moussilia à Oujda, le groupe le plus célèbre en musique gharnatie et qui comprend deux écoles. J’ai ensuite gagné des concours de chant, au Festival de la Musique Andalouse de Fès puis au festival du Gharnati à Oujda.

Comment définiriez-vous ce genre musical et pourquoi l’avez-vous choisi ?
Le chant gharnati m’émeut et me touche au plus profond de moi-même. C’est un genre musical traditionnel très connu à Oujda, Rabat et Tlemçen qui constitue l’un des trois genres du patrimoine musical andalou avec le ala et le malouf. Le mot « gharnati » vient du nom de la ville de Grenade. En quittant la région lors de la Reconquista, les Grenadins ont apporté leurs traditions musicales au Maghreb. Parmi les grands maîtres de cette musique à Oujda, on compte Mohammed Ben Smail, qui a créé la première association du gharnati au Maroc, le défunt Cheikh Saleh, puis ses fils Mohammed et Nasr-Eddine, qui ont été à leur tour mes maîtres.

Quel genre de public s’intéresse à cette musique ?
Un public très ciblé, plutôt âgé et mélomane. C’est pourquoi je m’efforce de moderniser cet art en le fusionnant avec d’autres styles pour toucher un public plus large. J’essaie de mêler les ornements, les gammes ou les modes gharnatis à d’autres styles comme le raï, le rap ou même le rock. Le répertoire gharnati recèle encore beaucoup de trésors car bon nombre de noubas sont restés dans l’oubli

Souhaiteriez-vous collaborer avec d’autres artistes ?
Je rêverais de collaborer avec Khaled ou Maître Gims ! Ses textes font preuve d’une grande sensibilité. Lors du Festival international du Rai de 2014, j’ai partagé la scène avec Chico and Gypsies pour une fusion gypsie-gharnatie. Un moment très fort avec une réelle complicité !

Vous dîtes que vous ne pouvez pas vivre de votre art. Que faites-vous en parallèle ?
Je suis professeur d’éducation musicale au collège, où j’essaie de transmettre à mes élèves la richesse de notre patrimoine musical à travers la musique arabo-andalouse.

Êtes-vous uniquement interprète ?
En concert, je suis accompagnée de ma mandoline, qui m’est chère. Je joue également de la guitare et, plus rare pour une femme au Maroc, du luth arabe.

Quels sont vos projets ?
Continuer à jouer mon rôle d’ambassadrice du gharnati. Mais je suis également en cours d’écriture d’un nouvel album. Mon prochain titre Ana lawliya sortira pour la journée nationale de la femme marocaine avec une belle surprise. Au moins d’octobre, je participerai à une manifestation organisée au Parlement européen à Bruxelles. Encore une belle opportunité de faire découvrir une partie de notre patrimoine hors de nos frontières.

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