Le mariage mixte est un fait social qui s’est répandu depuis plusieurs décennies. Il est l’union légitime d’un homme et d’une femme de religions, de cultures ou de nationalités différentes. Et bien que ce genre d’union reste relativement marginal, le nombre de Marocains mariés à des étrangers, a été multiplié par 10 entre 1997 et 2007, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice. Car quelque 10.000 Marocains, les deux sexes confondus, se seraient mariés avec des étrangers en 2007 tandis que ce nombre atteignait tout juste 1.000 personnes en 1997. Un peu moins de deux décennies plus tard, aucun chiffre récent n’est disponible. Cependant, avec les réseaux sociaux et l’ouverture vers le monde, le nombre des mariages mixtes semble augmenter de plus en plus. Quelles sont les formalités permettant de procéder à un mariage mixte ? Et quels sont les enjeux juridiques de cette union ?
Un “double” mariage
La procédure est pratiquement la même pour les deux sexes, à un détail près. Lorsque le mari est marocain et que l’épouse est étrangère, le mariage se déroule sans contraintes, notamment religieuses, bien que la femme étrangère sera soumise aux lois matrimoniales marocaines, souvent jugées injustes envers la femme. Par contre, une Marocaine ne peut se marier avec un étranger sauf si ce dernier se convertit à l’Islam. Une condition à caractère purement religieux que certains qualifient de discriminatoire. “Je suis mariée à un Italien dans son pays. Nous souhaitons concrétiser notre union au Maroc pour vivre pleinement notre mariage mais il doit se convertir à l’Islam”, indique Kawtar, une jeune femme vivant avec son mari en Italie. À noter que dans la religion musulmane, les hommes n’ont pas cette contrainte. Sans la nationalité italienne, la trentenaire doit présenter un acte de mariage marocain à chaque hôtel ou à chaque fois qu’elle s’isole avec son mari. Une quelconque relation entre le couple est considérée comme de l’adultère et est donc passible, selon l’article 490 du Code pénal, d’emprisonnement d’un mois à un an. “Le contrat de mariage n’est reconnu que dans le pays où il est célébré”, explique Marion Berthoud, présidente de l’association des Français du monde (ADFE) de Rabat. En effet, le cas du Maroc et de la France en est le parfait exemple. Les principes restent pratiquement les mêmes pour les autres pays. “Un contrat de mariage établi à l’étranger par des étrangers est valable au Maroc comme dans le pays de leur nationalité. Par contre en ce qui concerne le mariage entre Marocains et étrangers, ces derniers sont impérativement soumis au Code de la famille marocain et non au contrat de mariage établi à l’étranger qui demeurera valable seulement à l’étranger”, explique Me Amin Fayçal Benjelloun, notaire. En termes plus simples ; lorsqu’un mariage civil est célébré à la mairie en France, le couple devra ensuite aller se “remarier” une seconde fois au consulat du Maroc, selon le rite musulman et la loi marocaine (un sadaq et deux témoins), et vice-versa. Si c’est une Marocaine qui épouse un étranger, ce dernier devra obligatoirement se convertir à l’Islam. La procédure est rapide et consiste à dire une phrase devant deux imams. La pratique de la religion musulmane n’est quant à elle aucunement regardée de près. Une fois que la transcription est faite, le couple est “pleinement” marié aux yeux des deux États en question.
Enjeux juridiques
L’étape suivante consiste ensuite à permettre l’application de deux systèmes juridiques plutôt différents, puisque celui en vigueur au Maroc est d’émanation religieuse, (musulman ou juif, selon les cas), tandis que celui du conjoint étranger sera, dans la plupart des cas, laïc. “Quand les familles mixtes sont installées au Maroc, elles sont soumises au Code de la famille marocain. Lorsqu’elles habitent dans un pays étranger, ces dernières sont soumises à la législation du pays en question”, fait savoir le notaire. Pour lui, l’enjeu est de connaître parfaitement les deux règlementations et de s’informer sur les incidences du régime matrimonial et des règles successorales pour éviter de graves surprises, voire des “bombes à retardement”. “À titre d’exemple, les enfants d’un couple mixte dont le papa est marocain et la maman étrangère non musulmane, en cas de décès de la maman les enfants et le papa de confession musulmane n’héritent pas de la maman non musulmane”, détaille-t-il, faisant référence à l’article 332 du Code de la famille selon lequel, il n’y a pas de successibilité entre un musulman et un non musulman. Cela dit, comme le précise le notaire, cette interdiction ne s’applique que dans le cadre d’une succession sans testament. Celui-là, faut-il le rappeler, ne doit pas dépasser les 1/3 de l’héritage. Dans ce sillage, et en plus de l’héritage, l’autorité parentale des enfants appartient au père. La mère étrangère, tout comme la mère marocaine, ne peut ni ouvrir un compte bancaire à son enfant, ni voyager avec lui sans l’autorisation du père. “C’est justement cette inégalité entre les genres qui est encore présente dans la loi marocaine alors que la femme occidentale est l’égale de l’homme aux yeux de la loi européenne, qui frustre nombre de femmes étrangères mariées à des Marocains. Elles doivent donc attendre que les droits des femmes marocaines évoluent pour que les siens le soient aussi”, souligne Marion Berthoud. Selon une récente étude réalisée par l’association qu’elle préside, les ménages de nationalités différentes sont les grands absents de la réflexion internationale sur les migrations, quand bien même ils sont constitutifs de la migration. “Leur situation paraît cumuler bien des avantages, pourtant, leur situation juridique au regard des droits – marocain et français – pose une série de problèmes non pas insolubles mais essentiellement non abordés”, apprend-on de ladite étude. Toujours selon le même document, outre les questions de tiraillements culturels ou d’identité qui restent à relier aux regards souvent ambivalents portés sur eux, ils sont et ont été, ces dernières années, confrontés à de très nombreux bouleversements juridiques qui ont entraîné des effets sociaux et économiques lourds pour certains et quasi méconnus. Cependant, il existe d’après Me Amin Fayçal Benjelloun, plusieurs solutions que les citoyens peuvent trouver auprès de leur notaire, telles que les actes de dispositions à titre gratuit. “Il s’agit par exemple, des donations en pleine propriété, en nue-propriété ou en usufruit suivant la situation et le souhait personnel de chacun”, révèle le notaire. Diverses alternatives sont également possibles comme le “professio juris”. Ce dernier permet à un non-Marocain conformément au règlement européen 650/2012, de choisir les droits à appliquer à la succession de ses biens qui se trouvent dans un pays de l’Union européenne par exemple, à partir du moment où il porte la nationalité de ce pays. Ainsi, un Français qui a des biens en France, peut demander, via acte notarié, à ce qu’ils soient soumis au droit français pour leur succession. Mais au-delà des procédures, un mariage mixte est souvent une rencontre avec d’autres traditions, une autre religion. Néanmoins, la réussite de l’union est possible. Il suffit de s’armer de patience et de maîtriser les procédures.