Quoi que l’on en dise, le marché du luxe a toujours de beaux jours devant lui. Cependant le comportement des consommateurs a changé, et le luxe, à des prix faramineux, prôné par la génération X ne fait plus recette auprès des jeunes générations. En effet, depuis quelques années fleurissent sur Instagram des pages qui proposent la revente de produits de luxe en quête d’une seconde vie. La tendance est assurèment à l’upcycling et au surcycling. Propulsés par une envie de variété, les consommateurs apprécient ces nouvelles façons d’acheter, jugés à la fois écologiques, durables, et abordables. “J’adore les marques de luxe, mais malheureusement, je ne dispose pas parfois du budget nécessaire. Il m’arrive alors de dénicher la perle rare sur les pages Instagram”, témoigne Myriam 26 ans, qui travaille depuis peu en qualité de community manager. La jeune femme estime que le dépôt-vente reste la meilleure solution pour s’offrir des produits de grandes marques. Et elle n’est pas la seule à y trouver son bonheur. Les influenceuses s’y mettent aussi, et certaines n’hésitent pas à faire la promotion de ce nouveau mode de consommation comme c’est le cas de Rime Ajakkaf, plus connue sous le pseudonyme de Morrocan Mirage. Avec 132 mille abonnés sur Instagram, cette véritable addict au shopping n’hésite pas à encourager l’achat de pièces de seconde main. “Il y a encore quelques temps, je ne pouvais pas me payer des sacs de marque. Comme je suis catégoriquement opposée à la contrefaçon, la meilleure alternative reste la seconde main. Avoir une pièce, un classique d’une grande maison de couture à prix tout doux, est une aubaine. Alors, pourquoi ne pas en profiter?”, nous explique-t-elle. Cette tendance est destinée à prendre de plus en plus d’ampleur dans la décennie à venir car elle vise à remplacer la “fast fashion”, ou la pratique de renouvellement saisonnier des collections par une consommation mieux réfléchie.
Plus durable et moins cher
On plaide coupable. La mode de seconde main était jugée, pendant des années, comme ringard ! Une erreur monumentale puisque la mode vintage et de seconde main de luxe offrent un champ des possibles infinis. “J’ai démarré mon activité à l’âge de 18 ans. J’ai toujours été passionnée par la mode et au début, j’ai créé cette page pour vider le dressing de ma famille et des mamans de mes copines”, explique pour sa part la propriétaire de DepoZluxe qui préfère ne pas dévoiler sa véritable identité. De son côté, Valérie Moumen, créatrice de Maison V a débuté en 2014. “L’histoire de Maison V a commencé lorsque je cherchais moi-même à vendre mes propres articles de luxe. À l’époque, il n’y avait que Facebook, et j’ai commencé à y proposer mes articles, puis ceux de mes amies et de mes proches. Plus tard, j’ai créé avec une amie une page Facebook spécialisée dans le vide dressing. Nous étions parmi les premières à nous lancer dans le luxe de seconde main. Nous organisions des ventes privées de temps à autre. Depuis, le concept a pris et la demande est de plus en plus forte. Je me suis donc structurée, j’ai lancé mon entreprise avec l’ouverture d’un showroom où mes clientes peuvent venir et essayer les articles sans rendez-vous”. Chez MaisonV ou Depozluxe, pour ne citer que celles-ci, on retrouve les marques Balenciaga, D&G, Céline, Fendi, Bottega Veneta, Dior, Chanel, du prêt-à-porter vintage, des souliers sublimes, des sacs intemporels, de la fourrure et des articles en veux-tu en voilà, à des prix défiants toute concurrence. “Ma clientèle est très variée. Certaines personnes ont envie d’investir, d’autres sont des acheteuses compulsives qui revendent leurs articles deux ou trois mois après les avoir achetés ; la seconde main leur permet de se faire plaisir”, précise la propriétaire du dépôt luxe qui répond au nom de DepoZluxe sur Instagram. Pour Valérie, “en 10 ans, le marché du luxe de seconde main s’est tellement démocratisé qu’il m’est impossible de vous donner un profil type de cliente. Nous avons des clientes partout au Maroc et de tout genre”, explique-t-elle.
“Lorsque j’ai voulu me payer ma première pièce de luxe, je me suis rendue sur Instagram car je voulais une pièce qui avait du vécu, qui était intemporelle sans pour autant me ruiner. Depuis, c’est devenu presque une addiction car j’y trouve mon compte. De plus, je peux moi-même revendre mes pièces”, se réjouit Chaïmaa, employée de banque qui a pris l’habitude de faire son shopping luxe sur les pages Instagram. Radia de son côté avait un peu de mal avec ce type d’achat mais a fini par franchir le pas. “J’ai longtemps hésité avant d’acheter sur Instagram, parce que j’avais ce complexe d’acheter une pièce ayant déjà appartenue à une autre personne. Mais finalement, une fois passé ce cap, on prend vite le pli et on finit par choper le vice du scroll sur Instagram et de l’achat de sacs de luxe de seconde main”, avoue-t-elle. Se faire plaisir, dénicher des pièces qui ont une histoire, associer des bouts de vie est le but de cette nouvelle vague de consommatrices qui préfèrent une mode durable plutôt que de se ruer dans un magasin mainstream pour acheter la dernière pièce à la mode. “Dans les looks que je propose, je fais en sorte de toujours avoir au minimum une pièce vintage”, indique Morrocan Mirage qui est une référence en matière de luxe de seconde main ou de look vintage.
Le risque de la contrefaçon
Si la tentation est grande, le risque de tomber sur la contrefaçon l’est aussi. “Le processus est très simple. On me propose des articles, je les récupère et ensuite je vérifie leur authenticité selon différents critères. Par la suite, selon leur état et la demande du marché, je propose un prix à la propriétaire de l’article. Ma commission s’élève à 10% de sa valeur”, précise pour sa part la propriétaire de DepoZluxe. Même procédé pour la propriétaire de Maison V qui applique, toutefois, un montant forfaitaire pour tous les articles dont le montant est inférieur à 5.000 DH. Ces pages dédiées au luxe seconde main proposent également un service d’e xpertise. Cependant, il faut noter qu’il n’y a pas de vrais experts ayant une formation dans le domaine de l’authentification. Il vous faudra donc vous fier, dans un premier temps, à l’œil aiguisé et l’expérience de la propriétaire du dépôt de luxe. “Il n’y a pas mieux que le toucher et la mémoire visuelle de l’homme. En 5 ans d’expérience je n’ai jamais eu de retour. Cependant pour certaines marques, j’exige un certificat ou je me réfère à un service d’authenticité. Mes articles sont garantis et certifiés DepoZluxe”, explique la propriétaire de DepoZluxe, juriste de formation. De son côté, Valérie Moumen fait appel à l’intelligence artificielle, “Nous collaborons avec Entrupy qui est la première solution au monde permettant d’authentifier à la demande grâce à l’intelligence artificielle. Les résultats sont fiables à plus de 99 %”. Valérie vérifie aussi avec “les enseignes représentées directement quand il y a des doutes. Pour un maximum de fiabilité, nous n’hésitons pas à vérifier l’origine et la traçabilité des articles que nous vendons. Nous vérifions aussi l’identité de nos clients déposants”, précise-t-elle. Difficile de reconnaître le vrai du faux surtout avec l’arrivée des “Super Fake”, ces contrefaçons plus vraies que nature qui trompent les experts les plus avisés. “On m’a vendu une fois un sac Chanel mais il s’est avéré qu’il s’agissait d’un faux”, se désole Myriam kinésithérapeute qui a préféré ne pas dévoiler le nom du dépôt de luxe où elle s’est procurée le sac. “Avoir un dépôt de luxe reste compliqué, garder sa clientèle aussi. Beaucoup de pages de vide dressing se créent, mais il faut faire attention” , insiste la créatrice de DepoZluxe.
“Le nombre d’abonnés ne signifie rien. Dernièrement, une cliente a acheté un sac d’un vide dressing avec 50K abonnés. Elle m’a ensuite demandé de vérifier son authenticité. Malheureusement il s’agissait d’un faux”. Moroccan Mirage assure pour sa part qu’elle est “ abonnée à plusieurs comptes Tiktok qui donnent des conseils pour reconnaître les copies. Cela peut aussi aider à ne pas se faire avoir”.
À l’heure où les silhouettes et les looks se ressemblent, il est pratiquement impossible de trouver une pièce unique sans passer par le vintage qui se positionne comme le luxe ultime. Le tout en respectant l’environnement, car n’oublions pas que la mode est une des industries les plus polluantes au monde. Respecter l’environnement est un luxe que l’on peut s’offrir en changeant ses habitudes de consommation et en s’offrant des pièces qui ne sont pas produites par la fast fashion et par les maisons de luxes directement, mais en se procurant des articles qui ont un vécu et qui possèdent plusieurs vies.
Quiet Luxury : le phénomène de la mode discrète
Ce qui caractérise le mouvement appelé Quiet Luxury est la discrétion, le minimalisme sophistiqué, et l’absence de signes faisant référence aux traditionnels codes du luxe. Les nouvelles générations, notamment les Millennials et la Gen Z, en sont de plus en plus adeptes. Ces nouveaux consommateurs recherchent non seulement la qualité et le design, mais aussi et surtout une marque à laquelle ils peuvent s’identifier. Ils sont plus conscients des questions environnementales et sociales, ce qui les pousse à privilégier des marques éthiques et durables. Le quiet luxury, répond parfaitement à ces nouvelles attentes. Contrairement au « loud luxury » qui mise sur l’ostentatoire, le quiet luxury se concentre sur la qualité, le savoir-faire et l’expérience client. Il s’agit d’un luxe qui se reconnaît. Des marques comme Hermès, Bottega Veneta et Celine sont souvent citées comme des exemples emblématiques de cette tendance. Elles incarnent une forme de luxe qui est à la fois élégante et réservée, mettant en avant la qualité plutôt que la quantité. Propulsé par l’actrice Gwyneth Paltrow ou des marques comme The Row des sœurs Olsen ou encore mis en avant par des séries comme “Succesion”, ce phénomène de mode est en réaction au bling bling et au consumérisme de masse incarné par la fast fashion.