Dans son dernier essai passionnant “Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles”, Mona Chollet explore et décortique l’amour hétérosexuel sous le joug du patriarcat. À travers une riche documentation, elle examine ainsi la façon dont nos représentations romantiques sont construites, intériorisant une forme d’infériorité féminine, notamment un dévouement, et produisant des déséquilibres de pouvoir qui peuvent culminer en violences physiques et psychologiques. “Au Maroc, le système patriarcal impacte encore plus les amoureux dans leur quotidien”, interpelle Soufiane Hennani, fondateur de la plateforme “Machi Rojola” créée pour repenser et questionner la masculinité au Maroc. Alors que les femmes sont de plus en plus émancipées, elles hésitent encore aujourd’hui à s’habiller comme elles le veulent puisque leur tenue vestimentaire sera scrutée et jugée à l’extérieur. Si elles sortent le soir, idem. Le tout pour des considérations familiales et sociales. Car “que va-t-on penser ?”.
L’obsédante sexualité
La virginité féminine est encore pour beaucoup de familles notamment issues des milieux populaires, garante d’honneur. Le test de virginité est notamment monnaie courante dans certaines catégories sociales même si des médecins commencent à refuser de la pratiquer, la qualifiant d’humiliante pour les jeunes filles et d’inutile. Pour “restaurer” l’hymen perdu, certaines femmes ont notamment recours à l’hyménoplastie (la reconstruction de l’hymen sans trace visible) “On ne peut plus parler de virginité mais d’hymen, tient à faire remarquer le psychothérapeute Aboubakr Harakat. Car beaucoup de femmes ont des relations sexuelles (sodomie, fellation, préliminaires) avant le mariage“, les relations sexuelles hors mariage demeurant un crime puni de prison en vertu de la loi 490 du Code pénal. “Le Maroc est allergique à l’amour, peste Soufiane Hennani, car ce sujet implique la question des libertés individuelles.”
“La société patriarcale commence à battre en retraite, estime le psychothérapeute Aboubakr Harakat, avant de préciser qu’il parle du milieu urbain. “Le Maroc est complexe, rappelle-t-il. Il en existe plusieurs, entre le monde rural et celui urbain, entre les classes aisée, modeste et pauvre.“ Pour lui, les médias et les réseaux sociaux commencent à avoir des répercussions sur la société. Même si le mouvement MeToo qui a pris une ampleur internationale en 2017 avec l’affaire Harvey Weinstein, n’a pas eu le retentissement attendu au Maroc, il a engendré quelques hashtag comme #Masaktach (“prenez la parole”) pour dénoncer le harcèlement de rue, les agressions sexuelles et les violences envers les femmes.