Les signes sont rarement spectaculaires. Parfois, ce n’est qu’un léger flottement, une impression diffuse de ne plus être tout à fait là. Le réveil sonne, la journée défile, les gestes s’enchaînent – et pourtant, quelque chose en soi semble s’être déconnecté. On remplit les cases, on assure le tempo, mais à l’intérieur, un vide s’installe. Une forme de distance, presque imperceptible, entre ce que l’on vit et ce que l’on ressent. On avance malgré tout. On continue. Parce que c’est ce qu’on est censé faire. Mais quelque chose, à l’intérieur, s’éloigne. Une présence à soi qui s’étiole, jour après jour, sans que l’on sache vraiment quand ni comment cela a commencé.
Jusqu’à ce que cette question surgisse, presque malgré nous : où suis-je, moi, dans tout ça ? Un trouble discret, mais bien réel. Un “désalignement” progressif, comme le décrit la coach holistique Dina Lahlou, fondatrice de QUOUN : “Ce n’est ni une crise, ni une panne. C’est une fatigue d’être partout, sauf à l’endroit où l’on se sent alignée.” À cette sensation floue, une réponse s’impose de plus en plus comme une nécessité: revenir à soi. Non pour tout remettre à plat. Mais pour réentendre cette voix que l’on a mise en sourdine. Pour remettre un peu de clarté là où s’est installé le mode automatique. Mais comment sait-on qu’il est temps de se réaligner ? Comment entendre que le corps, l’émotion, la pensée, ne vibrent plus ensemble ? Comment s’autoriser à se retrouver, sans culpabilité, sans fuite ?
Se retrouver, enfin…
Avant le déclic, il y a souvent des signaux. Une fatigue qui ne passe pas, un sommeil qui n’apaise plus, une boule dans la gorge au moindre message, une lassitude que même les vacances ne dissolvent pas. “Le désalignement commence souvent là : quand on vit à côté de soi”, résume Amel Sebti, thérapeute et fondatrice d’Éveil spirituel. Et quand on ne l’écoute pas, le corps prend le relais. Il crie. Il bloque. Le fameux burn-out. “Ce n’est pas une fragilité psychologique, c’est un déséquilibre biologique”, rappelle-t-elle. Un corps constamment en alerte, privé de pauses, poussé à bout. Une urgence silencieuse. Dina Lahlou parle elle aussi de ces appels du corps: tensions dans le dos, respiration courte, hypersensibilité, tristesse sans cause. “Il ne faut pas attendre de craquer pour agir. Il faut apprendre à se poser la question : qu’est-ce qui me fatigue, qu’est-ce qui me trahit, de quoi ai-je besoin ?”
Nos deux expertes sont d’accord : tout commence par la conscience. Trois respirations profondes avant de répondre à un message ou à une demande. Un petit rituel simple, mais puissant. “Parfois, notre bouche dit oui avant même qu’on ait eu le temps de sentir ce qu’on voulait vraiment. Respirer, c’est se reconnecter à cette vérité.” Et puis, il y a l’écriture, version journaling. Pas pour faire joli, mais pour se parler à soi sans filtre. “Chaque matin, une page. Ce que tu ressens, ce que tu veux, ce que tu ne veux plus. C’est un espace pour se retrouver sans masque”, précise la coach. Et pour poser une intention, une question. Du type : Et si aujourd’hui, j’arrêtais de vouloir plaire ? Qui serais-je ?
“Revenir à soi, ce n’est pas se transformer, c’est enlever ce qui nous empêche d’être nous-mêmes”, répond Amel Sebti. Dans un monde saturé de prescriptions et d’injonctions à “mieux être”, ce retour à l’essentiel sonne presque comme un acte de rébellion douce. Une manière de cesser de s’ajouter des exigences, pour enfin s’alléger. “Il ne s’agit pas de se changer, mais de se libérer”, insiste la thérapeute. Pas besoin de tout plaquer, ni de partir loin. La reconnexion commence souvent par de toutes petites choses. Respirer, écouter, écrire, s’arrêter… Des gestes simples, presque invisibles, mais capables de remettre de la cohérence entre ce que l’on pense, ce que l’on ressent, et ce que l’on fait. “Quand je suis alignée”, confie Dina Lahlou, “je ne me demande plus à quoi je ressemble. Je me demande comment je me sens.” Et là, tout change.
L’alignement, ce nouveau luxe
Longtemps, on a cru que se retrouver impliquait une rupture, une retraite, voire un exil. Que pour se reconnecter à soi, il fallait faire silence sur le monde, partir loin, très loin. Mais pour Dina Lahlou comme pour Amel Sebti, l’alignement n’a rien de spectaculaire. Il ne se cherche pas dans l’extraordinaire, il s’invite dans l’ordinaire. “L’alignement, ce n’est pas être parfaite, c’est être vraie”, résume Amel Sebti. Une vérité simple mais puissante, à l’heure où tout pousse à la performance et à la comparaison. Dans ce nouveau rapport à soi, les gestes les plus simples deviennent des actes de résistance douce : se brosser les cheveux lentement, marcher pieds nus dans l’herbe, prendre le temps de respirer avant de répondre, refuser sans s’excuser, se reposer sans culpabilité. “Autant de micro-choix qui, mis bout à bout, dessinent une posture intérieure. Une fidélité à soi”, ajoute la coach.
Et le summer body dans tout ça ?
Avec le retour des beaux jours, reviennent aussi les injonctions estivales : corps affûté, ventre plat, jambes fuselées, teint doré façon “week-end prolongé à Mykonos”. Sous couvert de bien-être, une même pression persiste : celle de devoir présenter un corps conforme, visible, validé. Un corps à offrir au regard des autres, plus qu’à habiter de l’intérieur.
Et si l’on changeait de perspective ? “Le summer body, c’est le corps observé de l’extérieur. L’alignement, c’est le corps habité”, résume Dina Lahlou. Une formule limpide qui replace le corps là où il devrait toujours être: au service de la sensation, non de la performance. “Habiter son corps, ce n’est pas le contrôler. C’est apprendre à l’écouter, à l’accompagner, à le respecter. C’est lui parler avec douceur plutôt que de lui imposer une norme et s’affranchir des diktats pour renouer avec sa propre vérité corporelle”, poursuit la coach.
Alors si cette année, on décidait de faire une pause ? Si, entre deux baignades, on laissait tomber le programme, le regard des autres, les objectifs de “forme” ? Si on ralentissait pour mieux se ressentir ? Et si, pour une fois, le plus beau des voyages n’était pas une destination… mais un retour vers soi ?
Les 5 rituels de reconnexion selon Dina Lahlou
• Écrire une page chaque matin : Pas besoin d’inspiration, juste d’authenticité. Pose tes pensées comme elles viennent.
• Respirer 6 minutes par jour : Cohérence cardiaque, respiration profonde… À chacun sa méthode, l’idée c’est de revenir dans son corps.
• Marcher pieds nus dans l’herbe : Ou sur le sable, sans téléphone, juste pour sentir.
• Masser ses pieds avec de l’huile tiède avant la douche : c’est le genre de geste qui change une soirée.
• Dire non quand tu penses non : Et apprendre que ça ne fait pas de toi quelqu’un de dure. Juste quelqu’un d’alignée.
