Invitée du programme phare “Conversations” dans le cadre de la 22e édition du Festival international du film de Marrakech, placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Nadine Labaki a souligné que chaque membre d’un tournage, quel que soit son rôle, participe à révéler “la vérité des êtres” et la quintessence émotionnelle d’un film. Cette quête de sincérité passe notamment par le recours à des acteurs non professionnels, invités à rester au plus près de leur réalité intérieure, a-t-elle fait savoir, citant, à ce titre, le film Capharnaüm, où il lui aurait été “impensable” de demander à l’enfant protagoniste de “jouer” la souffrance, l’essentiel étant de laisser émerger des réactions instinctives pour que le spectateur ressente la vie plutôt qu’une interprétation artificielle. Cette méthode crée une dynamique particulière où l’équipe toute entière contribue à façonner un espace de vérité, véritable cœur battant de son cinéma, a-t-elle expliqué, mettant en exergue l’importance de l’improvisation qu’elle utilise fréquemment pour provoquer des moments inattendus, susciter des réactions spontanées et libérer l’énergie des acteurs.

Revenant sur ses débuts, la réalisatrice a indiqué qu’elle n’avait pas, au départ, la possibilité de se consacrer directement au cinéma, relevant que les clips musicaux ont alors constitué un véritable “laboratoire” où elle expérimentait formes, atmosphères et procédés narratifs. “Issue d’un petit village, je voyais dans le cinéma une échappatoire, un moyen d’inventer des histoires pour s’éloigner d’un quotidien lourd, marqué par la guerre et l’absence d’industrie cinématographique”, a-t-elle révélé.
S’agissant de la musique, la réalisatrice souligne qu’elle occupe pour elle une place singulière, transformant son quotidien en amplifiant les instants, en ouvrant des espaces d’imaginaire et en renouvelant le regard porté sur les scènes ordinaires, tandis que certaines influences libanaises, héritées de l’époque du théâtre musical, affleurent dans son œuvre comme un hommage discret.

En 2004, Nadine Labaki a écrit et développé son premier long métrage “Caramel”, ode joyeusement impertinente à la solidarité féminine, qui devient le plus grand succès du cinéma libanais à l’étranger. Elle poursuit son exploration de la condition des femmes avec “Et maintenant on va où ?” (2011), fable audacieuse et universelle sur la tolérance, récompensée dans de nombreux festivals.

La réalisatrice entre, en 2008, en Compétition officielle au Festival de Cannes avec “Capharnaüm”, manifeste poignant sur l’enfance abîmée, les réfugiés et les failles d’une société qui renie son humanité. Le film remporte le Prix du Jury et est nommé aux Golden Globes, aux Baftas, aux César et à l’Oscar du Meilleur film étranger, faisant de Nadine Labaki la première femme arabophone nommée dans cette catégorie. En 2019, elle préside le jury “Un Certain Regard” à Cannes et est membre du jury de la 77e édition du Festival en 2024.
L’édition 2025 du programme “Conversations” réunit des personnalités parmi les plus inspirantes du cinéma mondial, notamment le cinéaste coréen Bong Joon Ho, lauréat de la Palme d’or et de quatre Oscars pour “Parasite”, le réalisateur, scénariste et producteur mexicain Guillermo del Toro, lauréat de trois Oscars, deux pour “La Forme de l’eau” et un pour “Guillermo del Toro’s Pinocchio”, et l’actrice et réalisatrice américaine Jodie Foster, double lauréate de l’Oscar de la Meilleure actrice (“Les Accusés”, “Le Silence des Agneaux”).
Chaque année, le programme “Conversations” du Festival International du Film de Marrakech ouvre un espace rare où le cinéma se pense et se raconte autrement. Ces rencontres, à la fois intimes et exigeantes, sont autant de fenêtres ouvertes sur le processus de création et sur les forces qui animent aujourd’hui le monde du cinéma. Elles explorent la part d’instinct et de réflexion qui traverse chaque parcours, à savoir la manière de filmer, de diriger, de jouer, de produire, d’écrire ou d’accompagner les œuvres.