Loubna Serraj : »La question de l’effacement m’intrigue, me captive »

Après son premier roman bouleversant, « Pourvu qu’il soit de bonne humeur » (2020), l’écrivaine LoubnaSerraj publie « EFFACER ». Dans cet ouvrage, l’effacement y est ainsi exploré sous toutes ses facettes, que ce soit dans l’abandon, le déni d’identité ou l’oubli… Entretien.

Après avoir abordé dans votre premier roman la violence conjugale, vous parlez de la mémoire dans le deuxième. Pourquoi ce choix ?

Dans mon premier roman, c’était le thème de la liberté sur fond de violences conjugales qui m’a intéressé. Pour celui-ci, c’est autour de l’effacement que j’ai voulu emmener les lecteurs et les lectrices. La question de l’effacement en lui-même m’intrigue, me captive. Car comment appréhende-t-on cet effacement, qu’il soit subi ou choisi ? Lorsque c’est un choix, en assume-t-on totalement toutes les facettes ? Que choisit-on d’effacer ? Que garde-t-on de ses souvenirs ? Comment la mémoire se construit-elle ? Comment se reconstruit-elle continuellement jusqu’à ce que, à un moment donné, on soit confronté à ses propres blessures ?

D’où vient ce questionnement ?

Vous voulez dire que je me prends trop la tête (rire). Ma fascination est multiple. Elle est pour le fonctionnement même de la mémoire. Comme beaucoup de gens, je pensais que la mémoire était comme la boîte noire des avions ou la carte mémoire des ordinateurs. Après quelques recherches, je me suis rendue compte qu’il ne fallait pas se fier à 100% à nos souvenirs car ils ne sont pas vécus de la même manière par chaque personne. Ils sont teintés d’émotions. Une autre thématique m’a interpellée rejoignant un aspect de l’effacement : la Kafala, un système qui permet de prendre en charge un enfant qui grandit sans connaître ses origines, sans lien de filiation et, parfois, qui peut être « rendu » à l’orphelinat sans raison, sur un coup de tête ! Mais comment se construire autour d’un point d’interrogation ? Que peut engendrer cet effacement, voire ces multiples effacements, sur sa vie intime ? …

L’une des protagonistes perd la mémoire dans un accident, l’autre veut oublier son passé. Mais la mémoire est notre identité…

C’est tout le questionnement du livre. Pour nous construire, nous avons tous et toutes besoin du regard des autres : notre famille si nous avons la chance d’en avoir une, nos ami.e.s, notre entourage… Mais que se passe-t-il lorsque ce regard est défaillant ? Comment rebâtir une confiance quand il y a abandon et/ou trahison ? C’est le cas de Lamiss, enfant recueilli en Kafala. Elle a été prise en charge dans cette conception brute de « prise en charge ». Car la personne qui l’a recueillie n’a pas pu lui donner ce qu’elle attendait : tendresse et amour. Femme, elle tombe amoureuse avant de perdre l’être aimée, Nidhalé, qui devient amnésique. Lamiss perd alors son miroir de confiance, sa raison de vivre. Elle est effondrée, entreprenant un voyage dans son passé… Du côté des parents de Nidhalé, l’accident de leur fille est vécu comme une seconde chance inespérée, leur permettant de la rendre telle qu’ils auraient aimé qu’elle soit car son penchant n’est, à leurs yeux, pas normal et inadéquat aux normes de la société. Ses parents lui construisent alors une autre mémoire qui peut être tentante. Comme peut l’être la normalité pour une personne ayant toujours été à la marge… Chacune des deux protagonistes entreprend ainsi un chemin pour se rencontrer soi-même avant, éventuellement, de rencontrer l’autre.

« Effacer » est aussi une histoire d’amour

Oui ! Entre deux femmes. Pour moi, aujourd’hui, dans le pays dans lequel nous vivons comme dans beaucoup d’autres, l’homosexualité féminine est le tabou des tabous, et ce, même en littérature. Je voulais alors aller au bout de l’effacement, en questionnant et interpellant le lecteur ou la lectrice.  

Pour vous, l’écriture est-elle une arme ?

Si mes romans peuvent toucher, provoquer des émotions voire amener à déranger, à réfléchir, à se questionner… c’est déjà beaucoup. Mais pour changer le monde, il faut des engagements politiques et des lois, des collectifs faits d’individualités. Des combats contre des mentalités qui trop souvent enferment les femmes et les hommes. Dire que l’écriture est une arme serait faire porter trop de poids aux livres, leur accoler une « utilité » qui ne me semble pas être le sujet de la lecture. Pourquoi lit-on ? Pour plusieurs raisons, autant universels que personnels. Et c’est très bien ainsi ! Stendhal écrivait que le roman est un miroir que l’on promène le long d’un chemin. Est-ce le miroir qui est l’arme ou la personne qui le regarde ? Et puis, si les livres changent le monde, que faisons-nous ?

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