Qui sont les héroïnes de « Mater Africa » ?
Elles s’appellent Mariame, Habiba, Amina et Zahrat. Mariame est une jeune sénégalaise mariée à un commerçant marocain, Haj Omar Ben Jalloun, avec qui elle a quatre enfants. Le roman commence avec elle quand, après l’indépendance du Maroc, son mari décide de ramener les enfants dans son pays, la laissant au Sénégal. C’est ce traumatisme initial de séparation de la mère et de ses enfants qui ouvre la porte de l’histoire de cette famille depuis les années 1950 jusqu’à aujourd’hui. A travers Habiba et Amina, les deux filles de Mariame, nous plongeons dans une relation entre deux sœurs proches mais très différentes. Après leur jeunesse au Maroc, Habiba “la sénégalaise” construit sa vie au Sénégal alors que Amina “la Marocaine” vit une vie bourgeoise casablancaise. Zahrat, la fille de Amina, grandit à Casablanca et apprend à intégrer ses racines sénégalaises et l’histoire de sa famille à travers son cheminement de développement personnel.
Qu’ont-elles en commun ?
Ce sont quatre femmes africaines avant tout, avec des identités multiples qu’elles apprennent à intégrer chacune à son époque et chacune à sa façon. Les effets miroirs entre ces quatre femmes nous font explorer comment les héritages identitaires sont transmis de génération en génération. Alors que Mariame compose difficilement avec des identités religieuses différentes (elle est née chrétienne puis s’est mariée avec un musulman), sa petite-fille Zahrat intègre naturellement différentes pratiques ancrées dans l’Islam quand elle est au Maroc, dans le Christianisme lorsqu’elle est en Europe, et même le Bouddhisme ou l’Indhouisme quand elle fait son yoga et sa méditation. Habiba et Amina sont deux sœurs, nées des mêmes parents et pourtant chacune a une loyauté identitaire vis-à-vis d’une partie de son ascendance. Habiba est ancrée dans son identité maternelle sénégalaise alors que Amina s’identifie à sa lignée paternelle marocaine. Et pourtant, les deux transmettent leur double identité, par la cuisine notamment : alors que Amina réunit les Casablancais autour du Tiéboudiène sénégalais, Habiba prépare le couscous marocain pour sa communauté à Sally.
« Mater Africa » est-il un roman féministe ?
Mater Africa est un roman de femmes qui met en avant des héroïnes sans partager la scène avec des héros masculins. Mater Africa donne la parole aux femmes pour raconter leurs propres histoires, montrant le mouvement actuel d’émancipation des femmes africaines, génération après génération. Mater Africa est une histoire de femmes africaines racontée par une autrice marocaine. Si nous revenons à la définition de féminisme : Courant de pensée et mouvement politique, social et culturel en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes (Larousse). Alors je peux affirmer que l’écriture de ce roman est clairement ancrée dans un mouvement culturel féministe.
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ?
Depuis toute petite, j’ai toujours été une dévoreuse de livres. Comme j’ai assez vite fini les séries de jeunesse de l’époque (Oui-Oui, le Club de cinq, le Club des six, Bennett…), j’ai commencé à lire les mêmes romans que mes parents. Mes premiers romans étaient d’Amin Maalouf, d’abord Samarcande puis Léon l’africain. J’ai ensuite plongé dans la littérature chinoise avec Pearl Buck, égyptienne avec Naguib Mahfouz, etc. A travers ces romans, j’ai voyagé entre contrées et époques. Puis, j’ai grandi et j’ai pu voyager à mon tour sur les traces de mes héroïnes et héros préférés. C’est la rencontre avec le Sénégal en 2009 qui m’a donné envie d’écrire. Lors de ce voyage, j’ai été envahie par un sentiment fort d’identité africaine. C’est la première fois que je pensais de moi : “Je suis Africaine ! En tant que Marocaine, je suis avant tout Africaine ! » C’est cette émotion que j’ai voulu transcrire et transmettre à travers Mater Africa.
Votre roman est un roman augmenté par des photos et des suggestions d’écoute (musique, ambiances, relaxations…). Pourquoi ce choix ?
Mon processus créatif est ainsi : je vis des expériences (à travers mes voyages, mes rencontres…) et je ressens des émotions qui m’invitent à l’expression. J’ai essayé de transmettre ces émotions dans l’écriture à travers des « descriptions fleuves” (selon l’expression de mes lecteurs) qui vous emportent dans les lieux. L’ajout des photos – prises lors de mes voyages- permet également de visualiser une partie de ces endroits, bien réels, qui ont inspiré ces scènes imaginaires. Les suggestions d’écoute enfin sont une invitation à l’immersion complète. En prenant quelques minutes pour écouter avant de lire le chapitre, vous êtes invités à une forme de méditation. Ce dernier choix est aussi une adaptation à notre époque fortement digitalisée. Par cette proposition, je vous permets de faire des pauses digitales conscientes pendant la lecture.