Tbourida, Ces femmes gardiennes de la tradition

L'art millénaire de la Tbourida, également connu sous le nom de "fantasia," est profondément enraciné dans la culture marocaine. Cette tradition équestre, jadis réservée aux hommes et souvent associée à des cavaliers intrépides, soulève aujourd'hui une question cruciale : où se situent les femmes dans ce riche héritage ?

Les racines de la Tbourida plongent profondément dans l’histoire guerrière du Maroc, à une époque où la cavalerie marocaine exploitait cette technique de guerre pour surprendre l’ennemi sur le champ de bataille. Néanmoins, au fil des siècles, la Tbourida a évolué, se transformant en un spectacle organisé lors de moussems et de festivals équestres. Cette évolution a, en partie, changé la dynamique de cet art ancestral, mais un élément est resté constant : le rôle des femmes. Pendant longtemps, les femmes ont été reléguées dans l’ombre de cette tradition. Cependant, récemment, elles ont commencé à prendre leur place dans le monde de la Tbourida. Au-delà des cavaliers habiles et des spectaculaires démonstrations de tir, les femmes sont en train de s’affirmer. Leurs contributions, bien qu’elles passent souvent inaperçues, sont inestimables pour la vitalité et l’avenir de la Tbourida.

Le repos des cavalières Détermination et forte personnalité sont nécessaires pour se faire une place dans le monde de la fantasia.

Un domaine masculin

Hassan, un cavalier chevronné originaire de la région de Guelmim Oued-Noun, est catégorique : “Pourquoi chercher à modifier un héritage culturel qui a toujours été le domaine exclusif des hommes ? La Tbourida a incontestablement été associée aux cavaliers, avec une histoire riche qui remonte dans le temps.” Pour lui, les femmes, bien que talentueuses dans divers domaines, ne devraient pas nécessairement se mêler de la Tbourida. Au contraire, il estime que les traditions devraient être préservées telles qu’elles sont pour protéger la culture et l’histoire du Maroc. “Les traditions ont perduré grâce à la contribution des hommes, et c’est ainsi que cela a toujours été. Pourquoi devrions-nous chercher à changer cela aujourd’hui ?”, ajoute le cavalier. 

Pourtant, derrière les performances équestres grandioses sous le feu des projecteurs, des femmes œuvrent dans l’ombre, apportant une contribution significative à la préservation de cette tradition. Amal Ahamri, cavalière et Mokadema (cheffe) d’une Sorba (troupe de Tbourida), partage son expérience : “Avec ma sœur, nous sommes tombées sous le charme de la Tbourida en 2004, une tradition qui était chère au cœur de notre grand-père. Nous avions déjà acquis une solide compréhension des bases, de l’histoire et des rituels de la Tbourida.” Elle explique que cette tradition a longtemps été associée aux hommes. Selon elle, émerger en tant que cavalière et se faire une place dans ce domaine requiert un courage immense, une détermination inébranlable, une personnalité forte, ainsi que le soutien de la famille. “Pour une femme, percer dans un domaine traditionnellement masculin n’est pas une mince affaire. Les femmes sont malheureusement confrontées à plusieurs défis lorsqu’elles cherchent à se tailler une place”, déplore la cavalière.

Des exemples similaires à celui d’Amal Ahamri abondent. Il y a Habiba, une tisseuse artisanale de la Djellaba de Bzou. “La Djellaba bziouia, du nom de la ville de Bzou, située dans la région de Béni Mellal-Khénifra, est un élément incontournable de la garde-robe d’un cavalier de cette région”, explique-t-elle.  Selon cette tisseuse artisanale, la Djellaba bziouia, en tant qu’habit traditionnel, permet aux tisserandes d’exprimer librement leur créativité et leur imagination, mettant en lumière le rôle essentiel des femmes dans ce processus. “En tant qu’artisane, je ressens une immense fierté à chaque fois que je vois des cavaliers porter les Djellabas que nous, femmes artisanes, avons tissées avec tant de soin et de dévouement”, ajoute Habiba. D’après elle, même si la contribution des femmes est souvent dans l’ombre, leur travail est essentiel pour la création de ces pièces précieuses qui incarnent la culture et l’héritage du Maroc. Ces femmes incarnent la passion, l’engagement et le respect des traditions, éléments essentiels pour préserver cet héritage culturel marocain. Bien que leurs rôles se déroulent souvent dans les coulisses, ils constituent les maillons de la chaîne qui maintient la Tbourida vivante.

Amal Ahamri, cavalière et Mokadema d’une Sorba.

Une étroite collaboration

Alors que ces exemples, comme celui d’Amal Ahamri et de Habiba illustrent le rôle précieux des femmes dans la Tbourida, il est important de souligner que cette tradition ne se limite pas à une simple démonstration équestre. La Tbourida, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO depuis 2021, va bien au-delà de la performance à cheval. Elle incarne un héritage culturel profondément ancré, une histoire glorieuse, et des valeurs intemporelles. Dans les échos de chaque tir de fusil à la carabine résonnent les récits des anciennes batailles du Maroc, tandis que les couleurs chatoyantes des djellabas évoquent l’âme créative du peuple marocain. C’est un art qui célèbre le courage, l’honneur et la discipline. “Le rôle des femmes est crucial dans la Tbourida. L’art de la selle de cheval a par exemple toujours été une entreprise collaborative, rassemblant hommes et femmes. Les hommes sont traditionnellement chargés de la conception, tandis que les femmes excellent dans l’art de la broderie”, affirme Abdelali Chafouk, brodeur sur étoffe. Il ajoute que l’art de la selle a toujours servi de pont entre les genres, réunissant hommes et femmes dans une harmonie créative qui enchante les cavaliers et les amateurs de cet artisanat.

Ainsi, le rôle des femmes, souvent dans l’ombre, est essentiel pour maintenir cette tradition vivante. Alors que la Tbourida évolue pour s’adapter aux besoins du monde contemporain, de nouveaux défis et opportunités se présentent pour les femmes. Il est indéniable que les traditions doivent évoluer, mais elles ne devraient pas oublier leurs origines. “Il pourrait être temps d’explorer de nouvelles voies pour permettre aux femmes de jouer un rôle égal et visible dans cet héritage culturel précieux, tout en respectant et préservant les traditions qui lui sont chères”, espère Amal Ahamri, soulignant que la fantasia continue de prospérer, tout en demeurant un trésor immortel du Maroc.

Dans l’ombre, les artisanes créent des pièces pour préserver cette tradition séculaire.

Certes, la Tbourida reste profondément ancrée dans l’héritage guerrier du pays, tout en évoluant pour s’adapter aux réalités contemporaines. Toutefois, il est essentiel de reconnaître que cet art ancestral, tel que nous le connaissons aujourd’hui, ne serait pas ce qu’il est sans le rôle crucial joué par les femmes. Elles tissent l’histoire de cette tradition de courage, lui apportant leur passion, leur engagement, et leur respect des valeurs fondamentales qui en font le trésor culturel qu’elle est. En unissant les forces des générations passées et futures, la Tbourida continue de briller comme une expression culturelle significative, en préservant l’héritage du Maroc pour les générations à venir.

La Tbourida : un héritage en évolution

La Tbourida, dérivée de Baroud qui signifie “poudre à canon”, est un art équestre millénaire qui remonte au 15ème siècle, représentant des parades militaires simulées en suivant les conventions et les rituels arabo-amazighs traditionnels. Il s’agit d’une représentation équestre qui simule des parades militaires, exécutées par une troupe appelée “Sorba” composée d’un nombre impair de cavaliers et de chevaux, avec un chef de tribu, le “Mokaddem”. 

Cet art ancestral conserve une forte dimension spirituelle et met en avant le cheval en tant qu’animal sacré de l’islam. Les cavaliers préparent leur performance en effectuant des ablutions et en priant collectivement. La parade se divise en deux parties principales, la “hadda” et la “talqa”, impliquant des manœuvres acrobatiques et des tirs au fusil à blanc. La tradition comprend des costumes d’époque, des accessoires, et une transmission intergénérationnelle des pratiques par la tradition orale et l’observation. 

Depuis 2005, la Tbourida s’est ouverte aux femmes sous l’impulsion de feue Lalla Amina, en sa qualité de présidente de la Fédération royale marocaine des sports équestres (FRMSE). Cette féminisation a débuté lorsque la fille d’un éleveur de chevaux et cavalier de fantasia a partagé son amour pour ce sport avec feue Lalla Amina et son désir de former une troupe féminine. Un an plus tard, ce souhait devenait réalité, marquant le début de l’inclusion des femmes dans la Tbourida.

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