Fatima Mazmouz, Le corps à la loupe

Le corps féminin est au cœur du travail de la photographe-plasticienne Fatima Mazmouz. Pour cette artiste, l'enveloppe charnelle est un territoire politique entremêlant domination, post-colonialisme, féminisme, mémoire, résistance… Portrait.

Chez Fatima Mazmouz, la joie de vivre est communicative tout comme son engagement. C’est une artiste conceptuelle hors-pair, une femme libre et déterminée, dont les dernières productions sont présentées du 1er juin au 2 juillet 2023 à l’espace Americain Art Center Casablanca. Désormais bien connue dans le milieu et exposée aux quatre coins de la planète (Rome, Madrid, Amsterdam, Anvers, Paris, le Caire,…), son œuvre polymorphe s’apparente à une immense recherche minutieuse où elle y décortique et analyse le corps féminin pris pour cible par la société patriarcale et consumériste. En d’autres termes, chacun de ses travaux (performances, photographies, vidéos, sculptures, …) constitue une étape de son investigation contribuant à la déconstruction des stéréotypes. La Franco-Marocaine y explore ainsi l’avortement (série intitulée “corps rompu”), la grossesse (“corps pansant”), la résistance et la mémoire (“corps colonial”) ou encore la sorcellerie (“corps magique”). Pour cette artiste résolument militante, la femme est, encore et malheureusement, réduite à “sa vulve”. Aussi, ose-t-elle, en toute pertinence, faire de son corps un pouvoir d’interpellation et de résistance. 

Un éveil humaniste, féministe

Née en 1974 à Casablanca, Fatima Mazmouz grandit en région parisienne où ses parents, originaires de Tafraout dans l’Anti-Atlas, ont fait le choix de vivre. “Ils rêvaient d’un avenir meilleur”, indique-t-elle. Salarié tout d’abord dans une usine, son père ouvre rapidement sa propre épicerie dans le XIème arrondissement. Turbulente, Fatima est prise, très jeune, sous l’aile de son paternel qui l’embarque dans son quotidien (café, commerce et cabaret). “Son univers a été mon premier laboratoire humain”, se réjouit-elle encore aujourd’hui. “Il m’a fait prendre conscience des enjeux des dominations propres aux représentations de l’autre (clichés, stéréotypes, caricatures)”. Et d’enchaîner : “J’ai également compris ce que signifiait “être une femme” aux yeux de la société, le jour où ma mère a dit à mon père d’arrêter de m’amener avec lui car j’avais grandi, je n’étais plus une enfant…” Une première gifle qui la secoue, la bouscule, la pousse à se questionner davantage sur le monde qui l’entoure.  Jeune adulte, elle choisit des études en Histoire de l’art et dévore notamment des livres signés d’autrices féministes à l’instar de George Sand et d’Olympe de Gouges, “une héroïne révolutionnaire considérée comme l’une des premières féministes françaises, qui m’a insufflé l’idée que tout est possible”. Après un Master, elle entame une recherche sur l’écriture de l’histoire de l’art dans les pays arabes notamment dans les systèmes coloniaux et post coloniaux. Mais Fatima Mazmouz est frustrée. “Tout autant passionnante, cette recherche m’a permis de comprendre les limites propres à la discipline”, explique-t-elle. “Pour être au plus près de mes préoccupations, j’ai décidé de changer ma position d’historienne pour devenir artiste en sortant de “l’objectification” de l’histoire de l’art et en créant mes propres outils de recherche artistique.”

Se réapproprier son identité

Au début de sa carrière d’artiste, Fatima Mazmouz s’intéresse à la migration, avant de s’orienter très vite, en 2005, vers un autre questionnement qui l’obsède : celui autour du corps féminin happé, emprisonné, malmené par le champ politico-socio-culturel.  Le déclic ? Son propre avortement. Alors que son corps est sien, elle découvre qu’il est une affaire collective. “Que ce soit en France ou au Maroc, le corps féminin appartient toujours à la sphère publique”, interpelle-t-elle. “Dans l’Hexagone, ce corps, pourtant décloisonné grâce aux avancées des années 68, a été rattrapé par la  société de consommation, la mode et les politiques qui la charcutent dès qu’ils en ont l’occasion. Dans le Royaume, les pratiques sociales, à savoir le poids des traditions, le détiennent fermement.” C’est intolérable pour cette artiste qui décide de consacrer sa carrière à ce combat contre la domination et l’exploitation, ouvrant la voie à une nouvelle génération de femmes artistes au Maroc. “Je me réjouis également de l’évolution de ma propre mère”, sourit-elle. “Mes travaux l’ont impactée. Aujourd’hui, elle scrute les moindres avancées féminines et féministes et veut, à 75 ans, passer son permis !” S’acharnant à rendre visible l’invisible, Fatima Mazmouz affirme avoir fait le tour du corps féminin. Elle clôt ainsi un opus pour en ouvrir un autre.  Elle s’intéresse aujourd’hui aux tapis et à ses symboliques. À suivre.

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