Zineb Mouline, la chimiste qui transforme ses rêves

Dans le laboratoire de l’Université de Tokyo, une Marocaine se distingue par son intelligence et son envie de réussir.Arrivée au Japon pour vivre une expérience professionnelle de quelques mois, Zineb Mouline y travaille encore ! Parcours d’une fille brillante qui a réussi à s’accommoder à la vie au pays du Soleil levant.

Zineb Mouline est chercheure à l’Université de Tokyo au Japon. Lorsqu’elle obtient son bac à Rabat, elle choisit la France pour y poursuivre des études en chimie. À cette époque, le Japon ne faisait pas partie de ses plans, mais la jeune femme a fait sienne cette citation d’un biologiste et philosophe britannique :“Try to learn everything from something and something from everything” (Essayez de tout apprendre sur quelque chose et quelque chose sur tout). Elle postule donc à un poste de chercheur à l’Institut de Technologie de Nagoya au Japon. “J’ai toujours été fascinée par la chimie, car elle permet à travers l’étude des éléments à l’échelle moléculaire, de comprendre le monde qui nous entoure. C’est ainsi que j’ai commencé mon parcours par un Master en chimie et biologie à l’Université Pierre et Marie Curie à Paris, suivi d’un doctorat en chimie des matériaux. En 2013, après 3 belles années de thèse, j’ai ressenti le besoin de partir loin, avec en tête de nouveaux objectifs et l’envie de développer mon réseau professionnel. J’ai donc postulé à un poste de chercheur et j’ai eu la chance de rejoindre le laboratoire de Matériaux Frontaliers, où j’ai pu m’intéresser aux matériaux hybrides pour la séparation des gaz à effet de serre, domaine qui était tout à fait nouveau pour moi.”

Ce qu’il faut savoir, c’est que Zineb avait prévu de rester seulement quatre mois au Japon. Cela fait maintenant un peu plus cinq ans qu’elle y vit. C’est dire que l’expérience japonaise l’a séduite.

Elle a été ensuite recrutée par l’Université de Tokyo où elle s’est intéressée à une technique analytique qui permet de déterminer la structure de molécules complexes aux rayons X. “En même temps, j’ai poursuivi un Master en Business Administration les weekends pendant deux ans, que je viens de finir”, précise-t-elle ambitieuse.

Une place au pays du soleil levant

Tout cela a l’air si simple dans la bouche de Zineb, mais elle avoue que ce n’était pas tout à fait le cas. “L’histoire du Japon, raconte-t-elle, est particulièrement marquée par des périodes de fermeture sur l’étranger, ce qui pourrait en partie expliquer les comportements de rejets ou d’admiration que certains japonais peuvent avoir envers les étrangers, ainsi que leur faible maîtrise des langues étrangères (les japonais parlent peu anglais). Même si le pays s’est considérablement occidentalisé après la Seconde Guerre Mondiale, il reste extrêmement attaché à ses valeurs et normes traditionnelles dont certains aspects peuvent aliéner les étrangers qui y résident. Dans ce contexte sociétal assez singulier, à mi-chemin entre valeurs ancestrales et modernité, être une femme étrangère peut en effet s’avérer dans certains cas doublement pénalisant en termes de carrière.”

Cependant, rien ne détournera la jeune marocaine de ses objectifs. Zineb travaille d’arrache-pied et gagne ainsi la confiance de ses chefs de départements et l’estime de ses étudiants. Il ne lui reste donc plus qu’à se fondre dans la société japonaise et s’y faire une place. Pas si évident. “Si vous habitez le Japon pendant quelque temps, la politesse des Japonais vous sera agréable, jusqu’au moment où elle vous paraîtra suspecte… tout le monde semble d’accord avec vous, tout le temps, ne vous dit jamais non.”

Environnement aseptisé

Au pays du Soleil levant, la tradition veut que l’on n’exprime pas frontalement son refus ou son désaccord, explique Zineb. “L’interlocuteur est donc censé pouvoir décrypter ces signes extérieurs d’opposition. Tout est question de kûki. “Kûki wo yomu” (il faut savoir lire l’atmosphère), un exercice social pas toujours facile” ! La chimiste ne se laissera pas décourager ; elle a choisi de vivre dans ce pays, alors elle en maîtrisera tous les codes. Elle prend petit à petit de l’assurance parce qu’elle comprend mieux cette nouvelle culture. “Cette attitude de ne pas exprimer ce que l’on pense vraiment porte un nom ou plutôt deux: Honne et Tatemae. Honne (véritable voix) fait référence à ce que la personne pense et ressent au fond d’elle-même face à une situation. Tatemae (façade) correspond à ce qui est attendu ou acceptable par la société. Cette dualité tacite n’est pas motivée par une volonté de tromper son interlocuteur comme on pourrait le croire, mais il s’agit là d’une nécessité culturelle due au fait que le Japon est une nation insulaire, où l’harmonie sociale et l’évitement de conflit dans la vie de tous les jours sont d’une importance vitale pour le succès de la collectivité.” Pour quelqu’un qui aime le débat et les échanges vifs, cet environnement trop aseptisé peut devenir un peu frustrant, surtout dans le milieu professionnel, ajoute-t-elle.

La Japonaise presque exclue du monde professionnel

Et quand on lui demande si elle a réussi à s’intégrer en dépit de ces différences culturelles importantes, elle répond avec humour : “Je mange avec des baguettes et j’arrive à l’heure.”

S’intégrer est un bien grand mot, pense-t-elle en réalité. “Même en parlant la langue, les différences culturelles qui subsistent, font qu’il n’est pas toujours facile de tisser des liens avec des locaux, et que les étrangers (Gaijins) ont plutôt tendance à fréquenter des gens dont la culture se rapproche de la leur. Après, comme n’importe quel autre pays, le Japon a ses codes, ses qualités et ses défauts. Il faut savoir s’en accommoder, en tirer le meilleur, et rester humble. Pour ma part, mon entourage est très diversifié, et j’y trouve mon équilibre.”

À cela s’ajoute le fait d’être femme dans une société où l’égalité hommes/femmes, notamment dans le milieu du travail n’est pas encore tout à fait acquise. “En 5 ans de recherche académique au Japon, je n’ai eu que deux collègues japonaises à l’Université ! raconte Zineb. Elles étaient d’ailleurs très brillantes ! Malheureusement dans le schéma sociétal actuel du Japon, la femme est encore largement exclue du monde professionnel, et la majorité arrête de travailler à la naissance de leur premier enfant. Récemment, avec la campagne “Womenomics” lancée par le premier ministre Shinzo Abe visant une augmentation des postes managériaux occupés par des femmes d’ici 2020, les choses semblent s’améliorer doucement. En attendant, à l’Institut de Technologie de Nagoya, les femmes représenteraient aujourd’hui à peu près 7% de tout le personnel enseignant, et au laboratoire où je travaille à l’Université de Tokyo, il n’y a pas de toilettes pour femmes”, affirme-t-elle.

Dur, dur. Par conséquent, il arrive à Zineb d’être nostalgique de son pays et de sa famille “Oui beaucoup même, et malheureusement je ne peux pas sauter dans le prochain avion pour leur rendre visite. C’est un long voyage avec un coût conséquent, et les jours de vacances sont comptés au Japon. Je me sens parfois coupable d’être si éloignée…  Alors j’essaye de les appeler régulièrement, souvent pour partager avec eux les anecdotes de mon quotidien nippon.” 

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