Vous êtes passé maître dans l’art de décomplexer la gent féminine. Le problème des rondes est-il finalement dans la tête ?
William Carnimolla :Vous avez complè-tement raison ! D’ailleurs, à chaque fois que j’entame un relooking, il est impératif de commencer par une prise de connais-sance avec la personne concernée. Nous échangeons beaucoup. C’est exactement la même chose que dans un couple : il faut de la communication, de la confiance et un peu d’amour. Je lui dis qu’elle est belle, et on finit par y arriver (rires) !
Pourquoi les femmes portent-elles un regard si injuste sur leur corps ?
En règle générale, les femmes sont des juges très stricts, aussi bien envers elles-mêmes que vis-à-vis des autres ; contrairement aux hommes, qui sont beaucoup plus indulgents quand il s’agit de leur corps. Après, il y a aus-si tout ce business qui gravite autour de la mode. Honnêtement, je trouve que ce sont surtout les médias qui sont à blâmer, même si on se rend de plus en plus compte que le discours commence à changer. De toute manière, ce que je dis toujours, c’est qu’il ne faut pas suivre la mode, mais s’en inspirer. Et c’est là que j’ai envie de bousculer un peu les femmes pour leur dire qu’il faut aussi savoir traduire les choses à sa manière.
Doit-on aller vers une mode spécifique pour les rondes ?
Non ! Il devrait y avoir une mode pour tout le monde. C’est vrai que les rondes n’ont pas for-cément toutes les facilités pour avoir le bon look. C’est plus difficile pour elles de consti-tuer leur garde-robe parce qu’il y a moins de marques disponibles pour elles et que c’est toujours plus cher. Mais il serait dommage de lancer des tendances spécialement pour les femmes fortes. Ce serait une façon de les stigmatiser davantage, alors qu’il faudrait viser le contraire. Ce que j’aimerais, c’est voir un jour une miss France plus ronde, ou moins grande… Mais on ne va pas se men-tir, aujourd’hui encore, il n’y a pas tant de rondes qui s’assument ! C’est comme avec les gays ou les noirs, au bout d’un moment, on veut juste être comme tout le monde.
Quelles sont les tendances à suivre cette année ?
C’est difficile pour moi de répondre à ce genre de question ! Finalement, la meilleure tendance est celle qui vous va bien. Il vaut mieux porter des choses qui ne sont pas au goût du jour mais qui vous rendent belle, que des pièces à la mode qui vous donnent l’air idiot ! Car c’est quoi, finalement, être ten-dance ? Moi, par exemple, je suis aujourd’hui en tee-shirt, je porte le même jean qu’il y a trois saisons, des bottines de l’année dernière, mais on n’y fait pas forcément attention parce que je suis bien dans mon look. Peut-être aussi que j’ai la bonne coupe de cheveux et la paire de lunettes adé-quate ! Je pense que ce sont les détails qu’il faut soigner le plus, surtout quand on est ronde. Avec des accessoires, on peut vraiment jouer avec les ten-dances. C’est certes un peu plus cher, mais il vaut mieux faire des économies et investir dans de beaux basiques de qualité.
Quels basiques faut-il absolument avoir dans son placard ?
Je les appellerais plutôt des intemporels. Il y a le trench, le jean slim, le perfecto, le blazer boyfriend… Et tout ça peut être porté par tout le monde, qu’on soit mince ou non ! Avec ces pièces, vous serez tendance toute l’année. Côté accessoires, c’est sacs et chaussures à volonté ! C’est peut-être plus difficile de se mettre aux talons haut pour une ronde, parce que c’est forcément moins confor-table, mais n’oublions pas que ça affine la sil-houette et la rend immé-diatement plus élégante. Après, le secret est de savoir accepter qui on est et l’image qu’on renvoie, et faire des concessions.
Vous êtes au Maroc dans le cadre d’un workshop organisé par les Galeries Lafa-yette. Un peu anxieux à l’idée de relooker des Marocaines ?
C’est la première fois que je viens au Maroc, mais ça ne me fait pas spécialement peur. Un vrai styliste doit savoir se mettre à la place de la cliente, où qu’elle soit. Personnellement, je ne peux pas habiller quelqu’un s’il n’y a pas d’échange de mots, de paroles, de sen-timents, de sons… Il est clair que ce works-hop sera différent de ce point de vue. Sur les cinq femmes qui seront relookées, chacune me servira en fait à poser une problématique différente, mais qui concerne un peu tout le monde. Bien sûr, il faut du temps pour toucher le fond des choses, mais un quart d’heure avec une femme me suffit déjà pour mettre le doigt sur ce qui ne va pas dans son look, et sur les choses qu’il faut améliorer
Vous venez de sortir un livre, “Démentes”. Il est question de mode ?
“Démentes” n’est pas un livre intellectuel. C’est un cahier de tendances, une espèce de fourre-tout dans lequel je parle de mode et de chiffons avec plein de blagues et d’anec-dotes. J’y donne des conseils de mode et des règles qui marchent, qu’on soit un homme, une ronde ou une mince. On peut aussi tout simplement le feuilleter parce qu’il y a plein de photos dedans et que j’y montre mes fesses trois fois (rires) ! C’est un petit guide où tout le monde peut se re-trouver, finalement.
Sinon, quels sont vos projets sur un registre plus mode ?
Je viens de reprendre la direction artistique de Tati. Ce qui est un challenge et aussi une fierté, puisque c’est le précurseur de la mode pour tout le monde. Je viens de créer pour eux une série de robes de mariée. J’ai également fait une collection spéciale femmes rondes pour La Redoute. Je suis arrivé à Paris avec des rêves d’enfant, l’espoir de faire de la haute couture, mais je pense que c’est la mode pour tout le monde qui me plaît le plus. C’est pour ça, d’ailleurs, que je fais de la télévision, no-tamment “Belle toute nue”. â—†