Sexisme et publicité Parce qu’elles le veulent bien ?

Pub et sexisme font souvent bon ménage. Sur internet et dans les médias, on ne compte plus les publicités qui cultivent l’image d’un rapport de force archaïque entre homme et femme. Rabaissant pour la femme certes… Pourtant, ça marche. Le charme opère aussi bien sur un public féminin flatté par la comparaison que sur une gente masculine friande de clichés sur la femme-objet. Décryptage.

la télé, entre deux programmes destinés à la ménagère de moins de 50 ans, une page de publicité. Une marque de produits laitiers tente de nous vendre sa marchandise : une magnifique jeune femme mange son yaourt à la petite cuillère de manière langoureuse et sensuelle, pour ne pas dire sexuelle. Cette dégustation semble lui procurer un plaisir immense qui suggère bien autre chose… Doit-on s’offusquer de voir une femme mise en scène de telle manière pour vendre ce type de produit ? Pourquoi jamais d’homme dans ce rôle ?

Une directrice de publicité apporte un début de réponse à nos interrogations : “Ce sont les femmes que l’on doit convaincre car ce sont elles qui font les courses. Il faut donc qu’elles s’identifient au personnage de la publicité. Si elles la trouvent sexy et bien dans sa peau, elles auront envie d’acheter le produit. Si c’est un homme, elles ne se sentiront pas concernées.” Tout en étant les principales cibles de ces publicités, les femmes n’en seraient-elles pas aussi les principales consommatrices ?

Simpliste et percutant

“L’objectif de la publicité est de vendre un produit. Elle doit le faire en quelques secondes tout en s’adressant à des millions de consommateurs. Elle doit être facile à comprendre, simple et percutante”, poursuit la directrice de publicité. La pub doit donc s’appuyer sur des éléments de notre quotidien faciles à identifier. Elle est finalement un miroir de notre réalité quotidienne.

Or, la société dans laquelle nous vivons est organisée autour de rapports de force entre sexes. “Depuis les années 1920, le corps féminin a amorcé une libération qui fait encore peur aux hommes, bousculés dans leur identité virile. Cette époque a vu naître les spectacles de danseuses auxquels hommes comme femmes assistaient pour apprécier la beauté des corps féminins.  C’est ainsi qu’est né le sexisme “public”. Aujourd’hui, la publicité ne fait que reprendre ce vieux réflexe de “corps-objet” en plaçant la femme et son corps au centre de tous les désirs”, explique le sociologue Chakib Guessous.
Alors pourquoi la publicité nous donne-t-elle l’impression que la femme est rabaissée? Responsable des courses mais rarement conductrice de la voiture, la femme n’est pas seulement cela. Pourtant, la publicité cultive les vieux clichés inculqués sur les bancs de l’école: la petite fille jouera à la poupée et le petit garçon aux voitures. Sauf que la fillette a cessé de jouer à la poupée : elle en est devenue une dans la publicité.

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Caisse de résonnance des inégalités

Nous captons en moyenne 2.500 messages publicitaires quotidiennement, qui pèsent largement sur notre conception collective des rapports homme-femme et de la place de cette dernière dans le couple et la société.

Dans les publicités, esthétique oblige pour une vente optimisée, les femmes sont des mannequins ou des comédiennes au physique parfait, souvent habillées de façon sexy voire pas habillées du tout.

“On doit susciter le désir. Les publicitaires ne sont pas sexistes, ils veulent juste vendre. Et c’est un fait : lorsque la femme filmée ou photographiée a le physique correspondant aux critères d’idéal féminin de notre société, le produit se vend plus. Pourquoi prendrait-on le risque de moins vendre en montrant une femme dite “normale” ?”, se défend la publicitaire.

Désir sexuel et masculin pour les hommes, désir de ressembler à la femme parfaite pour les femmes… Finalement, ce sont aussi elles qui le veulent bien. Effrayante conclusion.

Une stimulation pour les deux sexes

“Quand elle s’appuie sur le sexisme pour vendre, la publicité ne fait que stimuler le machisme des hommes, mais aussi parfois l’amour du machisme des femmes. Les femmes aiment les hommes virils qui les protègent et sont attirés par les femmes… C’est une stimulation pour les deux sexes”, explique Chakib Guessous.

Hormis la volonté de vendre, la pub se fait aussi le miroir de nos relations dans la vie. Qu’on le veuille ou non, le sexisme a perduré à travers les générations. “Cela ne fait que 75 ans que les femmes travaillent, qu’elles sont indépendantes et émancipées. à l’échelle de la vie humaine et de rapports de force entre sexes archaïques, c’est très peu de temps. Le sexisme se vend aussi très bien car on nous l’a transmis. C’est un réflexe très ancien, ancré dans nos sociétés”, poursuit le sociologue.

Réflexe de désir vieux comme le monde, transformé le temps d’une pub en stratégie marketing qui fait râler les associations féministes. Voir une image dégradée de la femme devenue objet, réduite à un rôle domestique et sexuel : une fatalité ? Pour combien de temps encore ?

Comment en sortir ?

“Il faudra du temps pour que le schéma de désir et de responsabilités d’achat homme-femme change”, ajoute Chakib Guessous.
La pub étant le miroir de nos sociétés, il faut d’abord modifier les relations entre hommes et femmes dans la réalité avant de les voir transformées sur les écrans et les affiches. “C’est d’abord notre environnement qui est sexiste. Le fait que la femme soit responsable des courses et des achats pour les enfants ou qu’elle-même désire un corps mince, sportif et sexuellement attirant explique la publicité sexiste”, commente le sociologue.

La publicité s’adapte donc au discours ambiant, qui autorise les hommes à avoir une sexualité et des fantasmes. Ils peuvent admirer la fille de leurs rêves à côté de la voiture de leurs rêves même si ces deux éléments n’ont a priori aucun rapport. Quant aux femmes, qui n’ont pas de sexualité affirmée, elles se font rappeler leurs responsabilités premières et concrètes sur affiche. Leurs fantasmes ? Elles n’en ont pas ou elles les garderont pour elle.

“C’est encore plus vrai au Maroc où la sexualité est encore profondément taboue. Alors celle des femmes, ce n’est même pas la peine d’en parler”, plaisante le sociologue. Un jour peut-être, les consommateurs s’offusqueront de voir les femmes objectivées et dégradées de la sorte et seront suffisamment choqués pour cesser d’acheter un produit. Les publicitaires changeront alors peut-être de méthode marketing.

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