Nisrin Erradi, la nouvelle étoile du cinéma marocain

Depuis son interprétation de Samia dans “Adam” de Maryam Touzani, la carrière de Nisrin Erradi a pris un nouveau tournant. Reconnue pour son talent, l’actrice, passionnée et passionnante, fait partie de la très sélect liste des Révélations 2021 des Césars. Une très belle consécration pour cette jeune comédienne rayonnante et bouleversante. Rencontre.

Chapeau et tenue noirs, lunette de soleil, Nisrin Erradi fait son entrée en toute élégance. Alors qu’à l’extérieur, le ciel s’assombrit, l’actrice révélée dans “Adam”, le premier film de Myriam Touzani, est, au premier abord, d’une nature discrète, très vite balayée par sa luminosité. Dès qu’elle ôte son chapeau et ses lunettes, les clients du Café M du Hyatt Regency à Casablanca, la reconnaissent, suscitant notamment l’enthousiasme d’une jeune fan qui lui réclame sans tarder un selfie avec elle. La comédienne accepte et se prête au jeu, avant de s’installer à notre table pour démarrer l’entretien. Le teint et le sourire éclatants, Nisrin Erradi captive, intrigue et séduit par son charme naturel, tout particulièrement son regard noir et perçant. “Lorsque j’ai joué dans mon premier long-métrage en 2011 “Les Ailes de l’amour” d’Abdelhaï Laraki, la directrice de la photographie, une Italienne, qui était en train de faire le premier cadre, a appelé le réalisateur pour lui dire que cette actrice-là, moi, a un regard atypique et deviendra une grande comédienne”, nous confie-t-elle. Sa passion pour la comédie est viscérale. Née le 6 août 1989 à Rabat, Nisrin Erradi a commencé le théâtre dès l’école primaire, avant d’intégrer une troupe au collège et au lycée. “Petite, j’étais très réservée et le théâtre m’a aidée à m’exprimer pleinement, même si ma timidité n’a pas totalement disparu, glisse-t-elle. C’est aussi pour cela que je donne très peu d’interviews. Je suis gênée de passer dans des émissions ou de parler à des journalistes car je fais tout pour séparer ma vie privée de ma vie professionnelle. Aussi, que voulez-vous que je raconte?…” Pourtant, Nisrin Erradi se dévoilera, en toute pudeur et franchise, sur son histoire.

L’art de séduire

Le baccalauréat en poche, elle part faire ses études à l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle de Rabat (ISADAC) et réalise notamment un stage à la  Commedia dell’arte en Italie. “Mes proches m’ont toujours soutenue”, signale-t-elle, même si sa famille n’est pas du milieu. “Mon père que j’ai perdu l’année dernier, était médecin et ma mère a étudié le droit sans en faire sa profession, indique-t-elle. J’ai trois sœurs, une neurochirurgienne, une pédopsychiatre, et une professeur d’anglais, ainsi qu’un demi-frère et un frère, respectivement ingénieur et étudiant en biologie.” Et de confier: “Même si pour mon père, le monde du cinéma et du théâtre lui était inconnu, il m’a toujours poussée à suivre cette voie, me disant qu’il ne fallait jamais s’arrêter de travailler.” Ce qu’elle a fait. Nisrin Erradi lit beaucoup et satisfait notamment sa soif de lecture avec les œuvres du célèbre écrivain et dramaturge américain, Tennessee Williams, dont nombre de ses livres ont été portés au cinéma. “Même si j’ai démarré par le théâtre, le grand écran m’a toujours fascinée et transportée”, précise-t-elle. Son icône de l’époque ? La charismatique Isabelle Adjani. “Elle incarne ses personnages de manière époustouflante. Elle est unique”, appuie-t-elle. Un modèle de comédienne qui interprète à la fois des personnages tourmentés et fragiles, complexes et forts. Une actrice modèle qui inspirera Nisrin Erradi.

Une actrice à part entière

Nisrin Erradi commence sa carrière en jouant dans des séries télé ou courts-métrages notamment dans la série “El Haraz” réalisée par Abdelhaï Laraki (2010), dans le court-métrage “Amour blindé” de Youness El Moumine (2010) et dans “Drari”, le projet de fin d’étude de Kamal Lazrak (2010) nominé au Festival de Cannes catégorie Cinéfondation.

“Je n’ai jamais été bonne en casting, rigole-t-elle. Je suis même catastrophique ! Car j’ai besoin de m’approprier totalement le personnage en le jouant pleinement, et non pas en l’incarnant dans une séquence de 5 mn au détour d’un dialogue.” Aussi, au fil de ses films, le jeu de la jeune actrice discrète et sensible interpelle de plus en plus de cinéastes. Nisrin Erradi s’impose délicatement mais durablement. Que ce soit pour un premier ou un second rôle, les réalisateurs n’hésitent plus à parier sur elle. Ainsi, on la retrouve en 2016 dans “Hyménée” de Violaine de Bellet, en 2017 dans “Prendre le large” de Gaël Morel et en 2018 dans “Jahilya” de Hicham Lasri avant d’interpréter le rôle de “Samia” dans le premier long-métrage de Maryam Touzani, “Adam”.

Une rencontre, un film, une célébrité

“Lorsque je suis venue faire mon premier essai pour “Adam”, j’ai croisé le regard de Maryam Touzani dès que j’ai ouvert la porte. À ce moment-là, elle et moi, nous savions que j’interpréterai ce rôle, raconte la comédienne. C’était inexplicable mais il y a eu comme une connexion instantanée, puissante et naturelle entre elle et moi.” Nisrin Erradi y jouera le rôle de Samia. Dans ce premier long-métrage, la réalisatrice Maryam Touzani aborde, en toute justesse, l’histoire du combat de deux femmes rencontrées dans la Médina de Casablanca. Un fervent et long combat contre l’injustice envers les femmes. En effet, l’une, Samia est mère célibataire, désœuvrée et enceinte après une relation sexuelle hors mariage considérée par la loi marocaine comme un crime. L’autre, Abla, incarnée par Lubna Azabal, est une jeune veuve et mère d’une fillette de 8 ans qui tente d’oublier son deuil en préparant des pâtisseries, s’interdisant de s’abandonner à une nouvelle relation amoureuse. “J’ai travaillé mon texte dans une église à Barcelone,  se rappelle Nisrin Erradi. Je ne sais pas pourquoi ce lieu m’inspirait tant.” Et d’enchaîner les confidences, dévoilant au passage un brin de caractère : “Myriam Touzani et son mari et producteur, Nabil Ayouch, m’ont beaucoup aidée dans l’interprétation de mon personnage qui est à mon opposé. Car, moi, je suis une femme libre d’être qui elle veut être, une femme libre de choisir le chemin qu’elle souhaite emprunter sans être oppressée et jugée par la société.” Au Maroc et à l’étranger, “Adam” rencontre un fort succès. La beauté profonde du jeu des actrices, le scénario et la composition des cadrages embarquent le public dans une indigne réalité. Aussi, le film reçoit une multitude de prix dont une récompense lors de la  12ème édition du Festival du film francophone d’Angoulême (FFA) et une autre dans la catégorie “Un Certain regard” lors de la 72ème édition du festival de Cannes. Cet évènement a aussi marqué les esprits par le fameux baiser échangé sous les flashs des photographes, suscitant une polémique au Maroc. “C’est Loubna Azabal qui m’avait embrassée, rigole-t-elle. Je ne vois pas où est le problème. Même si Loubna s’est excusée -et elle l’a fait pour moi car je vis au Maroc et elle en Belgique-, je reste fière de ce baiser échangé par l’amour du travail.” Et de confier : “Lorsque mon père l’avait vu à la télé, il m’avait tout de suite rassurée en m’affirmant que ce n’était rien de mal, qu’on comprenait très bien que c’était la magie du moment unissant deux actrices complices qui se sont vouées corps et âme au film  “Adam” qui, soit-dit en passant, il a adoré. Il était fier de moi.”

La reconnaissance de ses pairs

Sa composition bouleversante dans le film “Adam” lui vaut, à elle aussi, de nombreuses récompenses : Prix du meilleur rôle féminin au Festival international du film de Durban (DIFF) en Afrique du Sud et au Festival de Tanger, ainsi qu’une nomination aux Lumières 2021 dans la catégorie révélation féminine. Nisrin Erradi fait également partie de la liste des Révélations 2021 des Césars, manquant malheureusement le fameux “Rendez-Vous des Révélations 2021” durant lequel tous les nominés accompagnés de leur marraine ou parrain, des pointures du cinéma, se rencontrent et échangent. “J’étais en tournage”, explique-t-elle. Depuis “Adam”, la jeune actrice n’arrête pas, seule la pandémie de Covid-19 l’a obligée à ralentir un peu la cadence. Mais depuis quelques mois, elle a repris le marathon des tournages. Elle a notamment joué dans le film “Oasis des eaux gelées” de Raouf Sebbahi dont la sortie est prévue en 2022. “C’est une histoire d’amour dans laquelle j’incarne une femme médecin, détaille-t-elle brièvement. Pour la première fois de ma carrière, j’y interprète un personnage qui me ressemble beaucoup, à la fois sensible et déterminée.” En décembre 2020, l’actrice se voit, sans le vouloir, au cœur d’un nouveau buzz. La diffusion de la série “Victimes de Halal” d’Ahmed Medhat dans laquelle elle joue, est interrompue en Arabie saoudite, pays du tournage, le thème abordé n’étant plus “admissible”. Il était question des mariages Halal, mariage à durée déterminée entre époux qui est contracté sous certaines conditions… “Je ne comprends pas du tout la polémique”, se désole l’actrice qui se dit artistiquement engagée. “Je suis féministe de cœur mais je ne veux pas être enfermée dans le militantisme, développe-t-elle. Je veux garder ma liberté. Toutefois, j’espère participer à mon niveau à une prise de conscience collective.” En ce moment, l’actrice joue dans une série prévue pour le mois de Ramadan sur la chaîne 2M. “C’est la première fois que je m’essaie à la comédie! On verra bien ce que ça va donner”, rit aux éclats celle qui travaille aussi depuis trois ans sur un scénario… de science-fiction. “J’ai envie de me retrouver derrière la caméra et d’inviter le public à pénétrer mon monde : celui de mes rêves les plus farfelus”, se livre-t-elle. Une belle façon d’en découvrir toujours plus sur l’insaisissable et envoûtante Nisrin Erradi. 

[mks_separator style= »solid » height= »2″]

Du tac au tac

Quelle est votre philosophie de vie ?

L’amour.

Quel personnage incarne le mieux votre personnalité ?

“Joker” interprété par Joaquin Phoenix.

Quel défaut préférez-vous ?

Le romantisme.

À quoi ne résistez-vous pas ?

À l’amour.

Quelle est la question que vous vous posez le plus souvent ?

“C’est quoi la mort ?”

Quel est votre mot préféré ?

Sérendipité

Quelle est votre colère la plus profonde ?

Le mensonge et la trahison.

Quel regard a le plus d’importance à vos yeux ?

La simplicité. Les gens perdent leur vie à faire des choses et entretenir des objets qui ne sont pas importants pour eux. Arrêtez tout ce qui n’est pas essentiel à votre vie.

Quelle est votre héroïne d’antan ?

Rabia Al Adawiyya.

Quelle est votre héroïne présente ?

La vie.

C'est hier 20 novembre que le coup d'envoi du festival Visa for music a été donné, avec la parade
“La carte des stades", spécialement conçue pour les journalistes professionnels, leur offrant un accès privilégié aux stades du Royaume, est
Niché dans la Médina de Marrakech, le Musée de l'Élégance Marocaine invite à une plongée dans l’Histoire et les traditions
L’écrivaine Kenza Barrada publie son premier roman "Mater Africa" aux éditions Le Fennec. Dans ce livre, l’autrice conte l'histoire
31AA4644-E4CE-417B-B52E-B3424D3D8DF4