FDM : Nous avons pensé à vous pour occuper le poste de ministre de l’Emploi. Qu’en pensez-vous ?
Ilham Zhiri : Cela me fait rire et j’avoue que je n’avais jamais pensé à cela !
Une femme à la tête de ce ministère, concrètement, qu’est-ce que ça changerait ?
Personnellement, je pense qu’il est grand temps qu’une femme prenne la direction de ce ministère afin de l’enrichir d’une approche genre et d’un regard différent. Je suis persuadée que les orientations seraient différentes de celles appliquées aujourd’hui et que leur impact serait mesurable au niveau des jeunes et des femmes qui pourraient ainsi bénéficier de mesures d’accompagnement qui leur sont spécifiques.
Quelles sont les orientations que vous donneriez à ce ministère ?
D’un côté, je trouve que beaucoup de belles réalisations ont été accomplies jusqu’à présent, notamment en termes de programmes d’encouragement. Mais à vrai dire, ce n’est pas encore suffisant car aujourd’hui, nous avons besoin d’actions concrètes. Pour ce faire, il convient tout d’abord de s’inscrire dans un processus de changement en prenant en considération la parité, les différents acteurs du secteur de l’emploi, à commencer par les organisations gouvernementales et non gouvernementales et les organismes qui oeuvrent pour la promotion de l’emploi comme l’ANAPEC et l’OFPPT. Il est nécessaire de leur donner un coup de pouce en les intégrant à ce processus de changement et d’adéquation entre la formation et l’emploi. Autrement dit, nous avons besoin aujourd’hui d’un plan d’action stratégique global, et d’une mise à niveau dans le secteur de l’enseignement supérieur. Nous devons aussi tenir compte de tous les programmes d’investissement nationaux, à savoir “Maroc vert”, “Maroc numérique”, “Vision 2020”, et faire en sorte d’appliquer une approche qui favorise l’harmonie entre les offres et les demandes d’emploi. La diminution du chômage doit bien entendu être une priorité et il est donc important d’accompagner les jeunes et de promouvoir leur intégration sur le marché du travail sectoriel. Cela ne pourra se faire que par le partage d’expérience, la création de modèles aboutis, et la mobilisation de tous les acteurs de ce secteur. Enfin, dernier point et non des moindres, il est essentiel d’instaurer un VRAI partenariat entre les publics, les privés, la société civile et les ONG internationales expertes en employabilité.
Pouvez-vous nous faire le bilan de la situation actuelle des femmes dans le secteur de l’emploi ?
Il est clair que la situation actuelle n’est pas bonne, pour ne pas dire catastrophique. Aujourd’hui, 52 % de la population sont des femmes, mais leur taux de participation active est d’à peine 25 % ! Autre chiffre tout aussi extraordinaire qu’alarmant, et qui devrait tous et toutes nous interpeller, 66 % des lauréats des universités marocaines sont des jeunes filles. Il y a donc un vrai problème quand on sait, comme on l’a précisé plus haut, que leur taux de participation active est de 25 %. Sans oublier que le taux de chômage des jeunes au Maroc est de 38 %, selon les chiffres annoncés par la Banque mondiale à Amman lors de la conférence “Jeunesse et emploi” au MENA. Ces chiffres reflètent une chose importante : l’absence de mesures d’accompagnement concrètes et visant à une meilleure insertion sur le marché du travail. Toutefois, cette problématique ne concerne pas seulement le Maroc, mais aussi la région MENA et le nord de l’Afrique.
Pourquoi n’avez-vous jamais été membre d’un parti politique ?
A vrai dire, je n’ai jamais été vraiment attirée par cela. J’ai été approchée par un parti, dont je m’abstiendrai de dire le nom, lors des dernières élections, mais j’ai décliné leur invitation. Pour être tout à fait honnête, je ne vois pas vraiment de différence entre les programmes politiques actuels des partis. Peut-être y en a-t-il trop ! Je pense toutefois qu’on peut faire de la politique en tant qu’agent de changement, sans pour autant appartenir à aucun parti politique. C’est cela, à mes yeux, le vrai challenge. â– Z.I.L.