FDM : En quoi le ministère de la Communication est-il important ?
Hinde Taarji : J’aurais plutôt envie de vous répondre en quoi le ministère de la Communication n’est pas important. Ou plus exactement, en quoi il n’a pas de raison d’être dans un pays démocratique. Et il en est ainsi quand sa mission est de contrôler les médias, d’imposer une manière univoque de penser et d’écrire, ou encore de porter atteinte à la liberté d’expression et de jouer le rôle de censeur. Longtemps, ce ministère a porté le nom de ministère de l’Information, faisant ainsi clairement état de son rôle. La volonté de renvoyer une image démocratique a fait que l’appellation a changé, mais sa mission première reste le contrôle de l’information.
Avez-vous une vision particulière pour la gestion de ce ministère ?
Ce ministère aurait besoin de voir sa mission repensée. Celle-ci devrait porter essentiellement sur les aspects techniques, technologiques et déontologiques. Il est cependant un domaine dans lequel un tel ministère, dans notre pays en particulier, aurait un rôle majeur à jouer : celui de la déontologie et de l’éthique en matière d’information et de communication. Là, tout un travail d’éducation est à faire et l’action à mener par le ministère sur ce plan est de première importance.
Qu’est-ce que ça changerait qu’une femme soit à la tête d’un tel département ?
Pour vous répondre très honnêtement, je n’ai jamais cru qu’il y avait une manière féminine et une manière masculine de diriger et d’exercer le pouvoir. Quand on voit la dureté avec laquelle Margaret Thatcher a assumé ses responsabilités de premier ministre au Royaume-Uni, on comprend que les femmes comme les hommes sont capables du meilleur comme du pire. Par ailleurs, le pouvoir est un poison insidieux qui attaque et pervertit, que l’on soit d’un sexe ou de l’autre. D’où l’importance d’avoir des garde-fous éthiques tels que la moralité, le respect d’autrui ou encore l’humilité de ne jamais oublier ce que l’on est, à savoir un humain comme les autres. Maintenant, il est essentiel que les femmes soient aux commandes au même titre que les hommes. Pour la simple raison qu’elles représentent “la moitié du ciel”, que depuis la nuit des temps, elles assument cette fonction majeure qui est de gérer et de diriger l’espace familial et qu’aujourd’hui, elles disposent du même savoir et des mêmes compétences que les hommes pour exercer le pouvoir dans une société moderne.
Qu’est-ce que vous avez pensé du fait qu’on vous fasse une telle proposition ?
Cela a d’abord flatté mon égo. J’en remercie ceux et celles qui seraient ainsi prêts à m’accorder leur confiance. Maintenant, la proposition m’a amusée. Outre le fait qu’elle ne soit absolument pas réaliste, elle me renvoie à un certain jour de la fin des années 80, quand, en ma qualité de rédactrice en chef de Kalima, j’avais été convoquée ainsi que le directeur de publication par le secrétaire général du ministère de l’Information de l’époque. Nous avions consacré un dossier à la prostitution masculine dans lequel nous avions fait une enquête sur le terrain à Marrakech. C’était la première fois qu’un tel sujet était non seulement traité, mais où la parole était donnée aux concernés. Le secrétaire général était absolument hors de lui ! Il nous a accusés d’écrire n’importe quoi et d’attenter à l’image du Maroc. Et nous a fait part – oralement et non par écrit – de l’interdiction de notre revue. Ce fut la première des interdictions et censures qui ont conduit à la disparition de Kalima, dans les mois qui ont suivi. â– H.D.