Maysoon Zahid : Bête de scène

Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, Maysoon Zayid est dangereuse. Dangereuse pour les idées reçues, la méfiance, le racisme et la haine. Des sentiments que cette humoriste américaine, arabe, musulmane et victime d’une paralysie cérébrale, s’applique à endiguer grâce à des spectacles très demandés outre-Atlantique et au Moyen-Orient.

Quand la Palestine fusionne avec le New Jersey, ça donne Maysoon Zayid. Une femme drôle, culottée, forte de caractère qui a su s’imposer là où personne ne l’aurait imaginé. Cette fille d’immigrés le dit elle même : “Basanée, handicapée et bien en chair, je n’avais pas le profil hollywoodien type, alors je me suis orientée vers la comédie”. Un choix qui a fini par porter ses fruits en lui permettant de jouer sur ses spécificités.
Il lui aura quand même fallu beaucoup d’obstination pour y arriver. Lorsqu’une porte se fermait, Maysoon Zayid ne perdait pas son temps à se morfondre, elle fonçait droit sur la suivante. Celle que son père envoyait chaque été en Palestine afin de parfaire son éducation est non seulement devenue une pro du one man show mais aussi une actrice, une écrivaine et une militante maîtrisant l’autodérision. Au lendemain des attentats du 11 septembre, elle décide avec un ami de créer un festival humoristique pour panser les plaies en groupe et rire des stéréotypes. Bingo! Les menaces de mort reçues n’éclipseront ni son succès, ni son bonheur de contribuer à une Amérique meilleure.
Il y a quatre ans, Maysoon cumulait huit millions de vues sur un spectacle TEDx dans lequelle elle déclarait avoir 99 problèmes, sa paralysie cérébrale n’étant que l’un d’entre eux. Une belle leçon de courage mais surtout une réponse bien affûtée à l’adresse de ceux qui s’étaient moqués de son handicap sur les réseaux sociaux. Une poignée d’internautes, rien de plus, car dans l’ensemble, cette pétillante quadra passionnée de claquettes et de spaghettis a plus de fans que de détracteurs. Son humour est comme elle, unique. Il n’y a qu’à l’entendre raconter ses fiançailles avec un homme rencontré à Gaza, “le meilleur endroit pour se caser, vu que ces messieurs n’ont nulle part où se cacher” pour comprendre  à qui l’on a affaire.

Vous êtes quelqu’un de très engagé, entre le support fourni aux enfants palestiniens, la défense des droits de la femme et des personnes handicapées. Comment gérez-vous tout ça ?
Je reconnais que c’est très épuisant au quotidien mais j’ai trouvé un moyen de rendre la chose plus facile. Au lieu de défendre chacune de ces causes séparemment, je les rassemble toutes au nom de l’égalité, car cette valeur est leur dénominateur commun. Elle seule peut nous aider à reconstruire ce qui a été brisé dans ce monde. Enfin, à l’exception de l’environnement. Là, je pense qu’on a vraiment été en-dessous de tout.

Il semblerait que soutenir les autres soit une option majeure pour vous ?
Je l’ai appris au côté de mes grands-mères en Palestine. La charité et la générosité sont les bases de l’islam mais ces femmes donnaient du fond de leur cœur et non par obligation. J’aime aider les autres à réussir. Il ne s’agit nullement d’une obligation, plutôt d’un privilège.

Comment vous est venue l’idée de créer un festival de la comédie  arabo-américain à New-York juste après le 11 septembre ?
Je co-produis ce festival depuis 14 ans avec mon ami Dean Obeidallah. L’initiative avait pour but de combattre les préjugés au lendemain des attentats et à la veille de la guerre en Irak. Le plus dur a été de convaincre le public que nous n’étions pas juste des Arabes essayant d’être drôles ou des Arabes essayant d’être Américains mais des comédiens professionnels avec un héritage arabe.

Vous abordez des thématiques très sensibles comme le terrorisme ou le conflit israélo-palestinien. Comment rend-on ces choses drôles sans froisser, surtout dans un pays aussi puritain que les États-Unis ?
Je parle de tout en effet, sans ligne rouge. Parfois les gens ont besoin d’être choqués même si mon but est de faire rire. Ça fonctionne d’ailleurs lorsque je raconte mon histoire. La Palestine occupe une grande partie de moi, ne pas l’évoquer est inimaginable. Pour ce qui est du terrorisme, je ne le trouve pas drôle en soi. Mes plaisanteries tournent surtout autour de ce cliché qui veut faire de tous les Arabes des terroristes. Là se situe la nuance.

L’humour est-il un trait de famille ?
Absolument ! J’ai appris à raconter des blagues en écoutant mes tantes durant leurs longues séances de commérage. Mon père était l’une des personnes les plus drôles qu’il m’ait été donné de connaître. On riait constamment avec lui. Il m’a d’ailleurs inspiré mes meilleures blagues.

Avec Dean Obeidallah, vous êtes toujours d’accord sur le sens à donner à vos spectacles ?
Si c’était le cas, ce serait glauque, mais je m’estime bénie et chanceuse d’avoir un partenaire que je respecte et qui partage ma vision.

Avez-vous peur depuis la victoire de Trump ?
Je reçois des menaces de mort depuis dix ans mais la situation a empiré depuis la campagne de Trump. J’ai peur pour le monde, parce que “le cauchemar orange” a désormais le pouvoir nucléaire. Je n’ai pas peur pour moi. J’ai grandi dans un pays en guerre, je ne me laisse pas impressionner aussi facilement.

Que vous a inspiré le “Muslim Ban” ?
Je n’étais pas surprise. La haine de Trump et de ses amis est bien réelle. En revanche, j’ai été ravie de voir que certaines cours de justice se sont dressées devant lui. L’Amérique a certes beaucoup de défaillances mais son respect de la liberté religieuse est indéniable. L’attitude de ces tribunaux m’a redonné espoir.

Qu’est-ce qu’une femme puissante selon vous ?
Je dirais une femme indépendante. Toutes n’ont pas ce privilège donc c’est très difficile à définir. Je pense que les femmes qui vivent en zones de guerre et qui protègent leurs familles sont puissantes. Je trouve Beyoncé puissante également. Ça dépend de la femme en gros.

Où puisez-vous votre énergie et votre lumière ?
Je n’en ai pas la moindre idée. Je suis juste quelqu’un de positif avec une bonne dose d’assurance. Le fait DE grandir entre la Palestine et le New Jersey m’a peut-être donné conscience de la chance que j’avais.

Quand vous n’êtes pas sur scène, comment vous occupez-vous ?
J’écris beaucoup. Des scripts, des articles et des livres. J’aime la bonne nourriture, passer du temps avec ma famille et mon chat ou regarder la TV. Je n’ai pas trop de temps libre, alors quand c’est le cas, j’en profite. J’ai aussi une  grosse addiction à Twitter…

Votre travail a été souvent récompensé. Le voyez-vous comme une revanche sur la vie ?
Oui, bien sûr. Je le vois aussi comme une preuve qu’il ne faut jamais baisser les bras. Le succès n’est pas venu en une nuit, il m’a fallu travailler très dur, ce que je continue de faire pour atteindre mes autres objectifs.

Vous voulez gagner un Oscar paraît-il. Quels sont vos plans pour le décrocher ?
Je veux un Emmy ou un Golden Globe. Mes ambitions sont centrées sur la télévision, pas le cinéma. Je suis actuellement en train de développer une série. Espérons que je sois nominée en tant que scénariste ou en tant qu’actrice. Mon plus grand rêve serait d’avoir ma propre émission. On peut remporter un Emmy pour ça aussi (rires).

Les minorités ont-elles plus facilement accès à la scène qu’à vos débuts ?
Vous savez, Internet a complètement transformé la manière dont les gens se mettent en avant. Il est beaucoup plus facile d’être découvert à présent. À mon époque, Youtube n’existait pas, il fallait passer par des “comedy clubs”, coller des affiches et distribuer des cartes en main propre pour réussir. Aujourd’hui, il suffit de créer un évènement  sur Facebook et le tour est joué. Concernant les minorités, je ne trouve pas qu’il y ait eu de véritables changements. J’ai opté pour la comédie parce que c’était un monde très diversifié. Malheureusement, la télévision n’a pas suivi la même trajectoire. Actuellement aux États-Unis, il n’existe pas un seul show de nuit qui mette en avant une personne de couleur ou même une femme.

Envisageriez-vous de vous produire au Maroc un jour ?
Et comment ! J’adorerais visiter ce pays, découvrir la cuisine et la culture qui ont fait sa réputation.

Dernière question,  avez-vous résolu les 99 problèmes dont vous avez parlé lors de ce fameux TEDx ?
J’en ai réglé 48. Il ne m’en reste plus que 51 pour boucler la boucle. ◆

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