Marocaines entre l’enclume de l’infection par le virus HPV et le marteau des stigmatisations sociales

A quelques jours près de la célébration du Maroc de la journée mondiale des droits des femmes, coïncide la journée internationale de la sensibilisation sur le virus du papillome humain (HPV). Ce virus qui cause le cancer du col de l'utérus et qui touche plus de 2000 marocaines chaque année.
Par Soundoss SABRI, Docteure en sociologie, Professeure agrégée, Université Hassan II de Casablanca, secrétaire général de l’Union de l’Action Féministe Casablanca

Cette coïncidence chronologique n’est pas anodine vu qu’un lien complexe  existe entre l’infection par le virus HPV et les droits des femmes, ce rapport se doit largement d’être analysé sous l’approche genre.
Dès lors, il est incontournable, dans le contexte actuel, pour sensibiliser aux dangers de ce virus d’adopter une approche sociologique qui traite des dangers du virus sous la perspective des droits humains.

Pourquoi une sensibilisation sur le virus HPV? Pourquoi l’opinion sociologique sur l’éradication du virus HPV est indispensable ? Pourquoi est-il incontournable d’en parler sous une approche des droits des femmes au Maroc ?
Au Maroc, l’un des cancers les plus alarmants est le cancer du col de l’utérus. Il constitue la deuxième cause de mortalité chez les femmes au Maroc. Avec plus de 2258 cas diagnostiqués chaque année, enregistre l’un des taux les plus élevés de cancer du col de l’utérus dans la région MENA. Les cancers du col de l’utérus sont dans plus de 99% des cas dus au virus du papillome humain (HPV). Les verrues génitales, un véritable fléau au Maroc, sont également attribuées au virus HPV. De nos jours, ce virus est largement répandu au Maroc qu’on estime que près d’un marocain sur deux aurait  déjà été infecté. Pourtant l’infection par le HPV demeure peu connue au Maroc.

Il advient clair que ce virus constitue un réel problème de santé publique dont les conséquences sociales et économiques sont avérées. Il advient clair aussi que les femmes constituent la composante sociale la plus offensée.

Pourtant, et malgré son impact dangereux et ses taux très élevés de contamination, ce virus ne bénéficie pas de la sensibilisation qu’il requiert. Semblable à toutes les maladies sexuellement transmissibles et à l’instar de tout ce qui relève de la santé sexuelle, ce virus est placée dans le casier des sujets tabous qu’il serait si gênant d’en discuter.

Dans l’absence d’une éducation sexuelle avertie et pertinente, assurée par des experts dans la matière, la santé sexuelle est larguée entre les mains des incultes et des charlatans qui ne lésinent aucune créativité pour fabriquer de toutes pièces des mythes et des dogmes infligeant la condamnation automatique des femmes. Le vide cédé par l’école et les autres agents de socialisation quant à l’éducation à la santé sexuelle est rapidement comblé par l’action des médias de « l’absurdité ». Dans la perspective d’atteindre des taux d’audience compétitifs, ces antennes se tolèrent de véhiculer des messages erronés concernant les causes des maladies et leur pronostic. Le cancer du col de l’utérus en est une qui n’a pas échappé à cette manipulation médiatique.

Les femmes ont droit à la santé et à la dignité

Importants sont les progrès réalisés qui ont permis de grandes avancées tant dans la connaissance des mécanismes de développement de ce cancer que dans son traitement. Cependant, lorsque les causes de cette maladie, sont étayées par des intrus dans le domaine médical, elles sont «prêchées » sous forme de stigmatisations sociales menaçant le bien-être psychologique et sociologique des citoyennes atteintes et également de leurs familles respectives. Les femmes de mon pays, comme tout être humain sur cette planète, ont le droit à la santé comme à la dignité. Le Maroc se doit d’assurer ces droits à toutes les marocaines afin de les appréhender des croyances et des attitudes qui les stigmatisent à cause de leurs maladie.
Il est lieu de rappeler aussi que pour bon nombre de maladies sexuellement transmissibles, des épouses “chastes et pieuses” sont contaminées à cause des rapports pluriels de leurs conjoints (70% pour le cas du VIHSIDA). Malgré cela, elles demeurent pointées des doigts de l’inculpation sociale. Doublement victimes : de ce virus qui déclenche le cancer chez des milliers de femmes et en tue au moins la moitié et de ces stigmatisations sociales non fondées, les marocaines méritent meilleure attention.

Actuellement, selon les spécialistes, le cancer du col de l’utérus peut être évité grâce à la combinaison du dépistage précoce et de la vaccination contre le virus HPV. Malheureusement, au Maroc les taux de sensibilisation et de dépistage sont très faibles alors que la vaccination est quasi inexistante. Cet état de fait rend la tâche plus rude pour lutter contre cette infection et fait que les cas de cancer du col de l’utérus sont détectés plus tard et par conséquent rendent la maladie plus mortelle.

Ceci nous place devant la responsabilité collective de la sensibilisation aux dangers du HPV et de demander l’accélération de la mise en place d’une sérieuse  stratégie de prévention afin de déconstruire les représentations sociales erronées et léguer ainsi la place à une meilleure connaissance et une rapide adoption des mécanismes de prévention.Somme toutes, il est temps d’agir pour sauver les vies des milliers de femmes marocaines.

 

(Crédit photo: PAHO)

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