« Maroc, de quoi avons-nous peur ? », un ouvrage collectif qui questionne sur le Maroc de demain (Interview)

« Maroc, de quoi avons-nous peur ? », c’est le titre de l'ouvrage collectif regroupant les réflexions de 54 personnalités de différents horizons qui pensent le Maroc d’aujourd’hui et de demain. Un travail colossal qui vient de paraître. Interview avec l’une des collaboratrices, le docteur Imane Kendili, psychiatre addictologue, cheffe de service Psychiatrie-Addictologie à la clinique Andalouss et vice-présidente du Centre africain de recherche en santé.

Quelle est la force de l’ouvrage « Maroc, de quoi avons-nous peur ? », tout particulièrement aujourd’hui à l’heure du confinement et de la pandémie de Coronavirus (Covid-19) ?

C’est le résultat d’un travail colossal qui a pris plus de deux ans à être mis sur pied. L’idée est celle de l’écrivain et journaliste, Abdelhak Najib. Il a fallu contacter tous les intervenants, sélectionner les bons textes parce que dans le tas, il y en avait qui ne cadraient pas du tout avec l’esprit du livre qui est de produire une réflexion responsable, juste, sans langue de bois et surtout sans provocation, pour ne pas tomber dans des dérives analytiques soit démagogiques, soit idéologiques servant les intérêts des uns et des autres. Il n’y a rien de tout cela dans cet ouvrage de 610 pages. Au contraire, il offre une multitude de points de vue qui versent tous dans la même direction : réfléchir le Maroc d’aujourd’hui et de demain, et apporter des éléments de réponse à de nombreuses problématiques qui handicapent la bonne marche de notre cher Maroc. La force de ce livre est justement de sortir à ce moment précis de l’histoire du pays. Le fait qu’il soit lu durant le confinement, et après le déconfinement, permet de se projeter dans le Maroc de demain, en posant les bonnes questions sur le Maroc dont nous repavons tous : ce Maroc conquérant, ce Maroc solidaire, ce Maroc de la cohésion à tous les niveaux pour le bien de tous. 

Est-ce un livre d’espoir ou de désespoir ? Comment le qualifierez-vous ?

C’est un ouvrage qui respire l’espoir et la positivité à tous les niveaux. Il n’y a pas une pointe de désespoir dans ses pages. C’est un livre qui va à l’essentiel. Il pose les bonnes questions sur des thématiques importantes dont l’éducation, la dignité humaine, les libertés individuelles, la santé, la situation de la femme aujourd’hui et surtout demain, sur la jeunesse qui est la richesse du pays, sur la justice sociale en désignant de nombreux maux de la société qui sont les véritables handicaps d’un Maroc résolument tourné vers le futur. L’ouvrage est pensé dans une logique simple : aller au fond des questions qui préoccupent les Marocains, sans fard ni artifices. Chaque auteur a avancé sa lecture, avec sérieux et surtout avec un grand sens de la responsabilité. Il ne s’agit pas pour nous, dans ce livre, d’effleurer des sujets qui fâchent, faire des effets de manche et offrir des slogans vides de sens à lire. Loin de là, il y a de grandes et profondes pistes de lecture pour répondre aux questions les plus urgentes du Maroc aujourd’hui. 

Quelle réflexion avez-vous choisi de développer dans cet ouvrage ? 

Je suis psychiatre et addictologue. Ma réflexion a versé, tout naturellement, dans cette optique analytique d’une société qui souffre de nombreux maux et qui doit penser aux différentes manières de guérir tous ces maux, avec raison, avec logique, avec responsabilité. J’ai soulevé les contradictions de notre société, qui, pour moi, font beaucoup de mal à la bonne marche du pays vers un avenir meilleur. Il faut savoir prendre le pouls de la société où l’on vit, faire le bon diagnostic et avancer des idées de changement. J’ai parlé de la femme marocaine qui vacille entre pseudo modernité et archaïsmes qui ont la peau dure. J’ai aussi donné mon point de vue sur les fléaux de la société entre addictions de tous genres et les extrémismes de tous poils. Je suis une féministe convaincue. Je pense que la femme marocaine est une battante et que son rôle dans la société est amoindri. Elle est capable de réussir des miracles. Il faut la laisser travailler, apporter son regard, mettre en place ses visions et assumer pleinement son rôle de grande actrice au sein d’une société machiste qui fait encore et toujours blocage. 

Mais, en fait, quelle est votre plus grande crainte ?

Ma plus grande crainte, c’est que la situation de la femme reste telle qu’elle est aujourd’hui. Le Maroc dont nous rêvons ne peut se construire sans la participation forte de la femme marocaine qui a démontré avec éclat toute l’étendue de ses compétences, et ce, dans tous les domaines. Quand je regarde le nombre de femme au sein du gouvernement, je me dis que nous avons du pain sur la planche. Ma crainte aussi est de voir la jeunesse marocaine sombrer dans les drogues, les addictions et les extrémismes, religieux ou autres. Ma plus grande crainte est de voir les Marocains verser dans le virtuel avec autant d’aveuglement mettant de côté la queue véritable du savoir et de la connaissance. Un pays sans savoir est un pays condamné à ne pas avancer. Un pays où la femme n’occupe pas une grande place est un pays qui s’est trompé d’époque. Un pays qui laisse sa jeunesse sombrer dans des paradis artificiels est un pays qui se suicide. 

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