“L’homme normal”, le roman qui mêle amour, folie et féminisme (Interview)

"L’homme normal" (éditions Eventus) est le premier roman du professeur universitaire Youssef Abouali. Un livre passionnant qui traite d’amour, de la puissance féminine et de la perte humaine sombrant dans la folie. Un livre regorgeant de réalité… dramatique. Entretien avec l’auteur.

Après le livre « Yasmina Khadra ou la recherche de la vérité : étude de la trilogie sur le malentendu entre l’Orient et l’Occident », vous présentez le roman « L’homme normal ». Qu’est-ce qui vous a poussé à changer de registre ?
Plusieurs raisons à cela. La première, c’est une envie de se détacher de l’écriture académique que je continue à pratiquer mais avec beaucoup moins d’intensité. J’écris maintenant des publications destinées à des colloques internationaux et des articles scientifiques pour des livres collectifs ou des revues référencées. J’essaie de les espacer temporellement pour ne perdre mes réflexes de chercheur en critique littéraire sans pour autant m’épuiser dans un projet d’envergure. La deuxième raison se cache derrière ma longue investigation du champ littéraire qui m’a permis d’acquérir les moyens de ma lancer dans l’aventure de la création proprement dite. J’ai le sentiment d’avoir désormais les connaissances et les compétences pour romancer toutes les histoires que je veux raconter. Mon objectif de départ étant d’écrire de la littérature, mon premier livre n’a été en fait qu’un passage obligatoire afin de disséquer les œuvres des autres et d’expérimenter tous les outils d’analyse et d’interprétation mis en place par les sciences du textes, notamment la lexicologie, la phonologie, la morphosyntaxe, la sémantique, la sémiologie, la narratologie, la psychanalyse, la linguistique,  la phénoménologie, la sociologie, l’esthétique de la réception, l’herméneutique, etc. Du coup, il s’agissait d’apprendre le métier d’écrivain en travaillant sur l’œuvre d’un auteur de renommée internationale qui me touchait profondément.  

Dans votre ouvrage, deux protagonistes prennent, successivement et à part égale, la parole : Kaamil et Malak. Pourquoi ce choix ?
« L’homme normal » est une histoire d’amour vécue par deux protagonistes. On ne peut avoir un semblant de vérité à son sujet que si on la voit des deux côtés. C’est par souci d’équité que je leur ai donné la parole d’une façon équilibrée. Chacun d’eux a le droit d’exprimer comment il a vécu intérieurement les choses. En plus, l’homme et la femme sont des êtres très différents, du coup, ils sentent, pensent et s’expriment très différemment. Mais l’idée de base était d’avoir trois miroirs, à l’instar de l’esthétique camusienne : la première partie, un écrit professionnel avec toute la normativité, la rigidité et la fonctionnalité de cet type d’écriture, une deuxième partie où il était question de reprendre tout ce qui a été dit auparavant en l’élevant au rang de la littérature dite classique, et enfin, une troisième version de la même histoire avec toute la magie que lui insuffle le personnage transcendantal, l’âme de Malak, une sorte de démonstration de ce que devrait être la littérature de l’avenir. 

En quoi Kaamil est-il un « homme normal » ?
Il ne l’est pas justement. Personne ne l’est. Le titre de l’œuvre le dit si bien. L’italique dans « normal » devrait mettre la puce à l’oreille du lecteur. Il a la même valeur que dans le chef-d’œuvre de Flaubert « Madame Bovary ». Ce roman est une insurrection contre la normalité. Qu’est-ce que ça veut dire la normalité ? Existe-t-elle au moins ? La définition sociale d’un homme normal est un être démuni, une ombre d’être humain, une entité complétement soumise à des prérogatives définies par on ne sait qui, par des ancêtres sans réalisation ni gloire et qui nous étouffent au quotidien. Les individus vivent sous l’épée de Damoclès et sacrifient le meilleur d’eux-mêmes sur l’autel d’une collectivité qui leur impose une façon obsolète de vivre, de penser, de sentir, de respirer… Kaamil était un être d’exception, super doué et rebelle comme on aime voir à la tête des grands changements de l’histoire… Mais, un jour tout bascule. Il « se suicide » en cédant complétement au poids écrasant de la société et de la norme. Il devient ainsi tout ce qu’il détestait à mort, à savoir un pauvre type échoué alors qu’il était intelligent, entreprenant et fier. Le roman est ainsi l’histoire de la normalisation d’un individu qui aurait pu être un guide, un espoir, une lumière.
Face à lui, Malak, une jeune femme révoltée mais opprimée par son père, abandonnée par son amour Kaamil et bâillonnée par la société patriarcale. Mais au final, Malak, n’est-elle pas la véritable héroïne de cette histoire ?

Pour être impartial, je dirais qu’ils se partagent la vedette. Mais, je ne vous cache pas que j’ai un faible pour Malak. Elle incarne des valeurs nobles que Kaamil a sacrifiées. Il suffit de rappeler son courage immense dans la dernière scène. Et c’est fait exprès. C’est une façon de dire que le salut de ce pays et des générations futures est bel et bien entre les mains des femmes, les jeunes femmes qui sont appelées à travailler, performer, construire des foyers et insuffler à leurs enfants cette foi en leurs rêves et en la possibilité de les réaliser dans leur pays. Elles sont les seules à pouvoir élever des hommes dans le sens plein du terme et des femmes capables de les soutenir, les accompagner et édifier avec eux un avenir moins flou que celui qui se profile à l’horizon de notre génération. D’un autre côté, la décision finale de l’héroïne montre à quel point l’espoir n’est plus permis, le ciel est sombre et que toute une génération de jeunes, tous aussi géniaux les uns que les autres, se meurt. Tous ceux qui refusent de se salir, tous ceux qui tiennent à leurs principes, tous ceux qui refusent la compromission et de se vautrer dans l’immoralité sont condamnés.

La folie est le fil conducteur de votre livre. En effet, au début du roman, Kaamil décrit les membres de sa famille tombés un par un dans la folie, avant de révéler sa pure invention pour mener en bateau son thérapeute. Quant à Malak, elle finira, pour de vrai, internée de force. Qu’avez-vous voulu exprimer ?
Je voulais dire que s’il y a un problème urgent auquel les autorités et l’Etat devraient accorder la priorité, c’est bien les maladies psychiatriques et psychologiques qui rongent la société. Les hôpitaux psychiatriques sont débordés, le privé aussi, sans parler des « fous » qui sillonnent nos villes et villages et je ne parle pas des gens qui souffrent en silence derrière leurs murs. Je ne dis pas seulement qu’il faut soigner ces millions de personnes souffrantes. Je dis qu’il faut endiguer les racines vénéneuses de ce mal, tout corriger depuis le système éducatif qui produit des handicapés sociaux et des individus brisés jusqu’au système politique qui célèbre les incompétents et protège les corrompus, en passant par la santé, la justice qui devra être aveugle et s’appliquer à tous sur le même pied d’égalité, les médias qui devraient sensibiliser les gens aux méthodes de gérer ces pathologies au lieu de donner la parole aux médiocres et aux prestidigitateurs, les finances qui doivent mettre la santé mentale des citoyens au cœur de leurs préoccupations, l’armée qui devrait participer à l’effort national vu les moyens colossaux qui lui sont alloués… C’est un projet d’une nouvelle société qui jure avec la médiocrité et la corruption que je propose. C’est un cri de rage que je lance, avant qu’on ne devienne tous fous.

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