Levons le Voile

Il y a de cela quelques mois, Hillary Clinton, l'ex-secrétaire d'Etat des Etats-Unis s'interrogeait: "Pourquoi les extrémistes se focalisent-ils toujours sur les femmes ? Cela reste un mystère pour moi. Ils s'y mettent tous. Peu importe leur pays d'origine et leur religion, ils veulent maîtriser les femmes". Si elle lisait l'oeuvre de Fatima Mernissi, elle y trouverait des éléments de réponse.

Dans “Sexe idéologie islam”, Fatima Mernissi ausculte les relations hommes-femmes. Elle explique qu’une instrumentalisation de l’islam par la gent masculine est à l’origine de nos déboires sociaux, politiques et conjugaux. Notre éminente sociologue nous apprend ainsi que lesdits déboires résident dans la relation entre les hommes, avec un petit “h”, et Dieu. Les intégristes et ayatollahs de tout poil prétendent que l’amour d’un homme pour une femme ne doit en aucun cas concurrencer celui que le croyant porte à Dieu. Le meilleur moyen d’y arriver est donc de déconsidérer celleci, de la réduire à sa fonction reproductrice qui consiste à porter plein d’adorateurs de Dieu et de l’au-delà. Et pour éviter toute dérive due à la faiblesse de la chair, il faut voiler la fauteuse de troubles, la rendre invisible dans l’espace public, la soustraire aux regards. Mernissi, ainsi que d’autres féministes, hommes et femmes, ne se retrouvent pas dans ce schéma binaire réducteur. Ces dernières ont une vision holiste du monde. Obéir à Dieu va de pair avec l’amour de son partenaire, l’amour des autres, l’amour de la vie, de la musique, de la danse… Aucune dichotomie entre les deux. Aucun schisme. Aimer la vie et chanter cet amour n’est en rien antinomique avec le devoir religieux et participe au contraire à l’harmonie dans le monde. Quand on aime vraiment, on respecte. Et quand on respecte, on laisse à chacun le choix du dogme. Des femmes, croyantes et pratiquantes, sous tous les cieux, sont pour la laïcité, seul mode capable d’assurer à tous la liberté. Les mouvements féministes en terre d’islam, y compris en Tunisie, patrie mère des révolutions dites arabes – et république qui a vu naître le premier Code du statut de la femme qui ne réduit pas cette dernière à celui de mineure à vie – n’ont pas assez défendu cette précieuse… laïcité. On assiste aux conséquences aujourd’hui : une certaine régression et une perturbation salafiste déplorable. Les Tunisiennes savent que c’est une lutte de chaque instant, dans un monde où prévaut encore le code moralisateur patriarcal et archaïque. Les femmes sont capables de se fédérer afin de créer un véritable contrepoids social. Elles l’ont démontré. Elles sont aptes à arracher le voile, au sens propre et figuré, pour regarder la vérité en face. Celle-ci est tapie dans la source. Au commencement fut le verbe. Le texte sacré invite à la lecture, aussi bien les hommes que les femmes. A l’arrivée, sous cieux arabes et à l’ère de l’après printemps arabe, on assiste à une instrumentalisation exacerbée de la religion par une poignée d’extrémistes qui croit que le Coran est la parole de Dieu adressée aux hommes détenteurs des femmes, qui auraient juste la liberté de choisir leurs chaînes. Relisons Mernissi, Mohammed Arkoun et d’autres afin de comprendre que lorsqu’on est un musulman libre de penser et de vivre son islam, la soumission à Dieu libère de l’emprise des hommes : frères, maris, tuteurs, voisins, patron, quand ils octroient à la femme une liberté d’action et d’expression au rabais. Levons le voile sur les failles de l’exercice de la démocratie chez nous ; une démocratie qui intériorise sans états d’âme l’infériorisation de la femme. Refusons l’exclusion, la marginalisation. Remettons la citoyenneté féminine au coeur des débats. Une citoyenneté pleine, fière et entière qui ne souffrirait l’ambiguïté d’aucun voile, quel qu’il soit.

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