Les pédiatres tirent la sonnette d’alarme. De très jeunes enfants ont désormais des maladies survenant habituellement beaucoup plus tard : hypertension, apnée du sommeil, diabète de type 2, symptômes arthrosiques du genou, de la hanche… Des affections organiques qui s’accompagnent de détresse psychologique, car être systématiquement rejeté quand on désirejouer au foot avec ses pairs, par exemple, laisse des séquelles dont les parents sont conscients et face auxquelles ils se sentent démunis, parce que ni l’école, ni le corps médical ne sont suffisamment sensibilisés et outillés pour accompagner ces enfants en surpoids, de plus en plus nombreux. Que faire quand son enfant réclame une autre part de gâteau, une autre virée au Mc Do ? Doit-on le rappeler à l’ordre, lui parler de sa corpulence ? Mettre une petite de 8 ans au régime a-t-il un sens ? “À 8 ans, on est encore trop jeune pour se soucier de son poids, explique Samira Benjelloun, pédiatre. Les enfants que l’on met au régime courent davantage le risque de devenir obèses à l’âge adulte.” Et ces bambins risquent d’entretenir une relation conflictuelle avec la nourriture, faisant d’eux des candidats potentiels aux désordres comportementaux nutritionnels. Que dire à cette petite de 8 ans ? “Acceptetoi telle que tu es” ? Difficile, lorsque l’on sait que tous les clignotants sociétaux glorifient la minceur comme valeur suprême et que cette enfant absorbe, telle une éponge, les commentaires et attitudes de son entourage vis-à-vis de l’alimentation et de l’apparence. Les gros n’ont pas la cote et elle aura sûrement moult fois l’occasion de le vérifier dans la cour de récré.
LA BONNE STRATÉGIE…
“Il faut trouver le bon angle d’attaque, conseille notre spécialiste, chercher le moyen de sensibiliser l’enfant sans créer chez lui la phobie du poids ; lui expliquer que bien manger lui permet tra de pratiquer les activités qu’il aime, sans s’essouffler,comme courir plus rapidement, ou encorede porter les habits qu’il affectionne”. Bienmanger, c’est consommer un maximum defruits et légumes et éviter tant que possibleles aliments transformés. Pour perdre dupoids, certains nutritionnistes conseillentde dissocier céréales et protéines, autrementdit, d’accompagner les viandes devégétaux et non de pâtes, pain et/ou riz. Lesenfants n’aiment pas les légumes, c’est bienconnu. Mais on peut, dans un premier temps,les “cacher” dans les potages, les présenter engarniture de pizzas, etc. Si on réussit à impliquerles petits dans la préparation des repas,ils mangeront d’autant plus volontiers leslégumes qu’ils auront eux-mêmes épluchés,assaisonnés et découpés.Les spécialistes mettent le doigt sur ce quisemble être une pratique chère à nombre deparents et qui est contreproductive quandil s’agit d’aider son enfant à mieux gérer sonpoids : la récompense par la nourriture ! Si on persiste à offrir des friandises et autres douceurssucrées en guise de félicitations, le jeuneaura tendance à rechercher l’émotion positiveen se réfugiant dans le réconfort apporté parcelles-ci. Garder un rapport “sain” à la nourriture,c’est aussi ne pas en faire une monnaied’échange ou un instrument de chantage.Aussi, donner l’exemple est une règle en orà l’efficacité redoutable dans la petite enfance.“Il ne s’agit pas de se contenter de donner de bons conseils. Il faut s’impliquer personnellement”,insiste Samira Benjelloun. Pas seulement eninscrivant son enfant à un club de sport et enveillant à le conduire à ses séances de natation,foot ou tennis, mais en pratiquant soi-même une activité physique… et en y prenant plaisir !Le sport est un atout majeur pour vaincrel’obésité infantile. Même chez les enfants prédisposés. Pour notre psychiatre, l’héréditén’est pas une fatalité : “L’obésité infantilepeut effectivement s’expliquer par la génétique.Mais cette dernière ne “détermine” pas l’individu.Le mode alimentaire et surtout la dépense énergétique entrent en ligne de compte. Des étudesont prouvé que si un enfant prédisposé génétiquement à devenir obèse s’alimente correctement et surtout, se dépense physiquement durant les 10premières années de sa vie, il aura 80 % de risqueen moins de devenir obèse à l’âge adulte.”
ATTENTION ÀLA DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE !
Si les enfants atteints de surpoids sont susceptiblesde développer des pathologies organiques,ils sont également sujets aux problèmes de santé mentale, car l’obésité laissedes séquelles graves. Et plus on recule le momentde prendre en charge la détresse psychologique de l’enfant en conflit avec son poids,plus il sera long et difficile de soigner les bobos de l’âme qui accompagnent le surpoids etqui, souvent, passent inaperçus aux yeux des parents. L’image qu’a unjeune de lui-même, celleque les autres se font delui, sont des préoccupations de l’enfant obèse.Des préoccupationsqui peuvent engendrer un sentiment d’incompétenceà un âge délicat où l’on construit sa personnalité.Si la société était plus regardante etlorgnait plus négativementsur les bourreletsdes filles, réservantplus volontiers l’adjectif costaud à un garçonen surpoids, les choses commencent à changer.Les parents sont invitésà la vigilance face aux manifestations de malêtre de leurs chérubins,quel que soit leur sexe. Des difficultés d’intégrationà un nouvel environnement, la gestion du stress en période d’examens, un changement majeur dans la routine familiale, sont autant de facteurs pouvant amener l’enfant àgrignoter, à se réfugier dans la nourriture.Si l’obésité est néfaste pour la santé, et siles parents doivent demeurer vigilants sur ce chapitre, la guerre au moindre kilo en trop estanxiogène et répréhensible. Être en (léger)surpoids est le cas de beaucoup de personnes,ce qui ne les empêche pas d’être épanoui smentalement. Il faut aussi apprendre aux enfants, minces ou enrobés, à combattre les railleries et les jugements négatifs vis-à-vis de personnes différentes de la norme. â—†