Cela fait 18 mois que le Professeur Muhammad Yunus, prix Nobel de la Paix en 2006 et pionnier du « social business », l’entreprise McCain et trois acteurs marocains de l’agroalimentaire à savoir Agropros (production et distribution de semences), Label’Vie (grande distribution) et Yozifood (distribution production de pommes de terre auprès de professionnels) travaillent sur un projet innovant au Maroc : monter une entreprise sociale dont ils vont être les actionnaires. C’est en fait Mc Cain qui en a eu l’idée, après avoir implanté avec le Pr Yunus des « social business » en Colombie, en France et en Grèce. Ce 1er novembre, les différents représentants ainsi que le Pr Yunus ont fait spécialement le déplacement pour présenter cette société unique dans le pays qui a pris le nom de « Moulat El Kheir ». Basée dans le Douar Lambarkyne, dans la région de Berrechid, elle va produire et distribuer des pommes de terre et des frites fraîches, mais pas seulement…
Un « social business » très attendu au Maroc
La particularité de « Moulat El Kheir » ? Elle en a plusieurs. La première, les actionnaires investissement, récupèrent au fils des années leur investissement mais ne touchent aucun dividende ! Les bénéfices sont réinjectés dans cette société. Le but est simple : la pérennité. La deuxième : les employés sont tous des ouvriers agricoles se trouvant dans une situation d’extrême pauvreté. Concrètement, une quinzaine d’hommes vont gérer la production de pommes de terre, et 10 femmes vont s’occuper de la transformation de ces patates en frites fraîches. « Cela va impacter au total 15 familles rurales », détaille Karima Essabbak-Ferjani, intrapreneur Mc Cain, avant d’assurer que leur quotidien va être bouleversé : « Aujourd’hui, chacun touche un salaire de 100 à 150 DH par mois. Avec la société « Moulat El Kheir », leur revenu mensuellement va s’élèver à 1 600 DH, en plus d’une couverture sociale ». Et le Pr Yunus d’expliquer qu’ « on démarre tout petit pour mieux se développer. Plusieurs « social business » montés au Bangladesh sont maintenant de grosses structures qui respectent toujours ces mêmes valeurs ». Autre point spécifique : à partir de janvier 2018, les ouvriers reçoivent une formation adaptée pour être opérationnels un mois plus tard. Car la première production de pommes de terre est prévue pour février prochain. La quatrième particularité de ce « social business », c’est qu’une partie des bénéfices des ventes des pommes de terre chez Lable’vie et des frites par Yozifood va permettre de soutenir la scolarisation notamment des petites filles. « Nous avons ciblé un établissement public du Douar dans lequel près de 300 enfants sont inscrits, précise Karima Essabbak-Ferjani. Nous allons d’abord nous occuper de rénover les infrastructures, avant de construire une bibliothèque ou encore d’acheter des outils pédagogiques utiles ».
La pomme de terre « »Moulat El Kheir », un acte en plus éco-responsable ?
L’environnement n’est pas mis de côté dans ce projet. Mc Cain et Agropros travaillent main dans la main pour une agriculture respectueuse de l’environnement, en faisant, par exemple, une « rotation des cultures » pour ne pas épuiser les sols. Autre innovation : cette pomme de terre qui va sortir de terres n’est pas commune. « Nous avons les pommes de terre rouges pour les frites et les blanches pour le tajine, décrit Hanane Amraoui de Label’Vie. Là, on aura la variété « Moulat El Kheir », utilisable dans ces deux cas. » Côté prix, elle sera 4% plus chère qu’une pomme de terre classique, mais « en réalité, pour nous, elle est 20% plus chère », révèle Hanane Amraoui de Label’Vie qui va proposer ces pommes de terre dans 10 de ses magasins Premium au Maroc, avant d’élargir plus tard l’offre à d’autres boutiques. Et de souligner que Label’Vie est partenaire de Carrefour. Une grande enseigne qui se trouve aux quatre coins du monde. En clair, l’exportation sera l’une des futures étapes de la société « Moulat El Kheir ». Mais, pour l’heure, l’entreprise fait ses premiers pas. « Si les ventes ne sont pas au rendez-vous, Agropros qui n’osent pas se mettre en avanat, s’est tout de même engagé à acheter la production non vendue ! », lâche en fin de conférence Jean Bernou de Mc Cain qui explique que son entreprise et toutes les autres, souhaitent tout simplement que « l’homme retrouve sa place au sein de l’entreprise. » Et le Pr Yunus d’être confiant pour l’avenir : « le « social business » va fonctionner au Maroc et sera ensuite dupliqué par d’autres entreprises ici ». Désormais, tous les regards sont tournés vers Berrechid….