Le sexe du fisc

Hind Jalal, économiste, docteur en droit et économie du développement, chercheuse passionnée en études du genre, vient de signer "Analyse genre de la politique fiscale au Maroc". Un ouvrage dans lequel elle ne se documente pas sur le sexe de l'impôt, mais s'applique à débusquer les discriminations faites aux femmes via le traitement fiscal en vigueur au Maroc.

le genre ?

Hind Jalal : Les politiques publiques ne sont pas neutres par rapport au genre. Elles peuvent soit intégrer la dimension genre dans leur conception, planification, mise en oeuvre et évaluation, et prendre en compte ainsi les besoins et préoccupations différenciées des hommes et des femmes ; soit ne pas être sensibles au genre et perpétuer au fil du temps les inégalités qui peuvent exister en la matière. Parmi les problématiques soulevées par l’analyse genre de la fiscalité directe, on peut citer la question de la répartition de la charge fiscale entre les différents contribuables ; l’impact du système fiscal sur les diverses catégories de ménages (monoparental, avec un ou plusieurs pourvoyeurs de revenu…) ; l’ignorance par le système fiscal du travail non rémunéré des femmes ; la question de l’équité des réductions et exonérations fiscales (réductions pour charge de famille et personnes à charge)… En effet, nous n’avons pas un seul type de ménage au Maroc, et les femmes tendent de plus en plus à être à leur tête (20 % en 2010 contre 11 % en 1960 selon le HCP).

Quels visages prend la discrimination ?

Elle se manifeste de façon explicite ou implicite. A titre d’exemple, le Code Général des Impôts introduit un biais de genre explicite dans son article 74, en considérant l’épouse du contribuable comme étant à sa charge, au même titre que ses enfants. Or, nombre d’épouses ne sont aucunement des charges pour leur époux, et ce sont même parfois elles qui prennent en charge le foyer  financièrement ! L’analyse des dispositions de l’Impôt sur le Revenu fait également ressortir des biais de genre implicites qui se manifestent notamment par les déductions pour frais professionnels. En effet, certains contribuables bénéficient d’abattements pour frais professionnels plus favorables que d’autres. Compte tenu de la charge pesant sur les femmes en raison du travail non rémunéré (tâches ménagères…), et considérant leurs faibles opportunités d’accéder au marché du travail formel, il serait plus équitable d’envisager en leur faveur des abattements pour frais professionnels plus avantageux.

Comment se manifeste la discrimination par rapport à la situation familiale ?

Cette discrimination se décline dans la définition restrictive des personnes à charge du contribuable, qui est limitée à trois catégories : l’épouse, les enfants légitimes et les enfants légalement recueillis. Ce qui sous-entend l’existence d’un lien de mariage, de filiation et d’adoption légale. Par conséquent, sont exclues de cette définition toutes les autres personnes qui peuvent réellement être à la charge du contribuable, telles que les ascendants et collatéraux. Or, le modèle du ménage reconnu par le Code Général des Impôts n’est plus le seul existant. On peut notamment citer le taux de célibat définitif en hausse, surtout en milieu urbain (6,6 % pour les hommes, et 8 % pour les femmes en 2010), et qui touche plus les femmes que les hommes selon les dernières données du HCP. L’ensemble de ces transitions démographiques et économiques en cours au Maroc appelle une réforme du Code Général des Impôts pour y corriger les biais de genre explicites et implicites.

Les dernières mesures en matière de consécration de l’égalité entre les sexes sontelles en faveur d’une réforme fiscale ?

A travers les différentes réformes engagées depuis une décennie, le Maroc s’est résolument impliqué dans le choix de la démocratie, de la modernité et de l’égalité entre les sexes. Au coeur de ces défis s’érige la question de la réduction des écarts entre les sexes, dans toutes les sphères : juridique, politique, économique, sociale et culturelle. L’égalité entre les sexes pour l’ensemble de ces droits a été consacrée par la nouvelle constitution dans son article 19. On peut également citer le Code de la famille de 2004, qui place la famille sous la responsabilité et la direction des deux époux dans son article 4, et qui prévoit que ceux-ci disposent chacun d’un patrimoine propre dans son article 49. L’ensemble des ces réformes appelle à harmoniser le Code Général des Impôts avec les textes précités. Enfin, la nouvelle constitution appelle les pouvoirs publics à oeuvrer à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Pour ce faire, il faudrait plaider pour donner à la femme un “départ égal”, lui procurer un environnement “favorable”, et recourir pour cela à des mesures positives temporaires. â– 

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