Contrairement aux nombreux preÌjugeÌs veÌhiculeÌs sur le monde arabe, la repreÌsentation du corps aÌ€ travers le nu n’est pas l’avanta-ge exclusif des cultures occidentales, et n’est pas non plus interdit dans l’art. C’est ce que reÌveÌ€le cette exposition treÌ€s dense et varieÌe, racontant comment le nu est apparu dans la creÌation. De Gibran Khalil Gibran aÌ€ Mohand Amara, en passant par Omar Onsi ou Aram Alban, l’exposition retrace le parcours des artistes du 19eÌ€me sieÌ€cle qui les ont conduits successivement en Italie, en France, en Angleterre et en Espagne, ouÌ€ ils ont pu s’initier et se perfectionner aux Beaux-Arts. Leurs œuvres vont se nourrir des modeÌ€les classiques europeÌens et tous ces peintres vont ensuite mettre aÌ€ profit l’expeÌrience acquise.
“Au deÌbut du XXeÌ€me sieÌ€cle, les peintres et sculpteurs arabes ont commenceÌ aÌ€ eÌtudier l’art du nu, suivant les codes des eÌcoles europeÌennes. Leurs productions sont d’abord marqueÌes par la question de l’orientalisme, avec sa cohorte de clicheÌs sur la socieÌteÌ orientale, peupleÌe de harems et de plaisirs voluptueux”, explique Hoda
Makram-Ebeid, commissaire de l’exposition. Progressivement, leurs œuvres vont s’individualiser et une vraie reÌflexion va eÌmerger autour de la question de l’orientalisme. “Peu aÌ€ peu, ils se sont deÌtacheÌs de cet imaginaire, comme Khalil Saleeby, un Libanais ami de Renoir, qui a peint des modeÌ€les nus dans leur beauteÌ comme dans leur laideur, de façon extreÌ‚mement reÌaliste…”, poursuit-elle.
MeÌ‚me si le nu feÌminin domine l’exposition, le corps masculin est aussi treÌ€s
preÌsent. La femme est souvent repreÌsenteÌe allongeÌe ou en position lascive sur un divan, une manieÌ€re de tourner en deÌrision les clicheÌs “orientalistes”. La Marocaine Majida Khattari illustre les diffeÌrents roÌ‚les culturels du voile aÌ€ travers leur opaciteÌ, comme pour mieux souligner l’ambiguïteÌ de cette double image… L’Irakien Adel Abidin, quant aÌ€ lui, voit le corps feÌminin comme un symbole d’oppression et de fragiliteÌ s’opposant aÌ€ l’eÌgoïsme et aÌ€ la brutaliteÌ des hommes. Les œuvres exposeÌes ne suivent pas de fil chronologique mais plutoÌ‚t un parcours theÌmatique lieÌ au corps : la beauteÌ, le corps souffrant ou vieillissant, le deÌsir… Le nu y est exposeÌ sous toutes ses formes : photographies en noir et blanc, corps vieillissant aÌ€ travers les clicheÌs du Marocain Touhami Ennadre, l’Irakienne Tamara Abdul Hadi bouscule les ideÌes reçues avec des portraits treÌ€s sensuels d’hommes…
Avec l’impact de la mondialisation de la sceÌ€ne artistique contemporaine sur les cultures non occidentales, le nu est aujourd’hui au cœur des creÌations de nombreux artistes arabes, en particulier ces dernieÌ€res anneÌes. Longtemps resteÌe un sujet tabou, la nuditeÌ est relativiseÌe aÌ€ travers cette exposition treÌ€s riche qui traverse un sieÌ€cle de creÌation artistique.