Le couple à l’épreuve de la durée

On tombe amoureux. On se marie. On se jure fidélité. On est sûr qu'on vieillira ensemble. On est certain que le couple qu'on forme sera plus fort que tous les autres. Beau scénario qui ne tient que pour peu de couples, de plus en plus rares, dont les secrets de la durée sont bien difficiles à sonder. Osons lever un bout de voile sur ces secrets...

Quand on se marie aujourd’hui, c’est pour le meilleur, plus pour le pire ! Chez de nombreux couples modernes, l’affectif prend le pas sur la norme sociale. On se marie moins semble-t-il, et on fait des enfants de plus en plus tard. La cohabitation devient un véritable mode de vie. Avec le recul du mariage qui définissait les rôles de chacun dans le couple – pour schématiser grossièrement, l’homme à l’extérieur, la femme à l’intérieur – avec l’avènement du Code de la famille, on peut avancer, au moins en théorie, qu’il y a aujourd’hui une plus grande égalité de posture entre les deux sexes. Le couple est fondé sur un contrat singulier passé entre les deux partenaires : qu’est-ce que tu attends de moi, qu’ est-ce que j’attends de toi ? On élabore des règles le temps où l’on est ensemble ; mais ces règles ont perdu de leur universalité. Chaque couple se crée ses propres fondements.

Les enfants, la carrière, les voyages, la confiance, la liberté mutuelle, tout se dire ou pas, tout faire ensemble ou non… Les projets de vie sont variés, et lorsque l’un s’en éloigne, le couple est en danger. Ce qui ne veut pas dire qu’on se quitte au premier faux pas ! Presque tout le monde admet un écart de la part de son conjoint. Et l’infidélité, les femmes surtout, y pensent avec une certaine dose de fatalisme. Comme si les hommes avaient nécessairement besoin d’aller voir ailleurs ! Comme si une vie à deux, qui de nos jours peut durer cinquante ans, pouvait difficilement se satisfaire d’une fidélité absolue. C’est ce raisonnement rationnel, fondé sur la réalité du désir humain, qui explique sans doute la tolérance dont nous faisons presque tous (ou plutôt toutes…) preuve à l’égard de l’adultère. “Une aventure, une seule, et je m’en vais”, clame Khadija, jeune mariée de 28 ans. “Car je considère que c’est une tromperie impardonnable qui entame définitivement la confiance dans le couple.” Khadija est jeune. Il faudra lui reposer la question dans quelques années ! Certes, tout le monde souffre d’une tromperie, mais si on en croit les témoignages recueillis, la volonté est plutôt au pardon ou à l’oubli de l’incident. “L’infidélité n’est pas forcément une raison de cassure sauf, bien entendu, si l’amour est ailleurs. Je peux pardonner une aventure, d’autant que celle-ci peut être due à un manque de ma part, qu’il soit moral, intellectuel ou sexuel. Mais il faudrait en parler pour que ça évolue dans le couple.” C’est Kamal, 41 ans, marié et papa de 2 enfants qui s’exprime ainsi. Laila, 38 ans, abonde dans le même sens : “La vie est longue, et je comprends que mon mari puisse avoir quelques tentations. Je peux le dépasser car la véritable infidélité, c’est celle du cœur.” Saâdia, 51 ans, nuance, “Après une vie harmonieuse, sans gros problèmes de couple, j’ai eu l’intime conviction que mon mari avait une liaison, j’ai décidé de fermer les yeux et de ne pas en parler, pour ne pas gâcher toutes ces années de bonheur. Je pensais que cette histoire s’arrêterait d’elle-même et qu’il ne fallait pas envenimer les choses. Que c’était l’âge de mon mari qui le travaillait, le démon de midi quoi ! Bref, je me raisonnais et patientais. Jusqu’au jour ou une cousine bien intentionnée est venue me dire que tout le monde était au courant et en parlait ! Là j’ai craqué et notre couple aussi”.

 

Ce qu’on peut supporter

Le témoignage de Saâdia montre que ce n’est pas un écart qui provoque la rupture, mais un élément autrement plus grave : la blessure narcissique et l’image sociale qui, à tort ou à raison, mais ce n’est pas là l’important, se trouve modifiée quand l’entourage apprend une nouvelle qui ne regarde que la stricte intimité du couple.

“Ce qui pourrait me faire fuir serait la découverte d’une infidélité importante où je me sentirais bafoué, mis à l’épreuve aux yeux de tous”, confirme Nabil,

35 ans, jeune marié. Nabil ne met pas en avant la faute éventuelle, la morale ou des promesses faites par les deux partenaires, mais bien sa propre souffrance ; c’est souvent elle qui fait craquer. Or, la souffrance est très relative d’un individu à l’autre. Personne n’a la même capacité à digérer les difficultés de la vie, les imprévus, les déceptions.

Personne non plus n’a le même degré de tolérance à l’autre, les mêmes exigences, ni la même histoire familiale. Le couple que l’on forme avec son partenaire n’est évidemment pas sans lien avec le premier couple que l’on a eu sous les yeux : nos parents. Et nous sommes nombreux à imaginer ou à mener notre vie conjugale en parallèle, ou en réaction – parfois inconsciente – au modèle parental. Ainsi, Loubna, 49 ans, témoigne : “Je ne pourrais jamais rester avec un alcoolique. Mon père buvait, ma mère en a beaucoup souffert et j’en subis encore les conséquences. L’alcoolisme me dégoûte beaucoup plus que l’adultère”.

Alia, elle, s’estime prête à faire beaucoup de concessions pour vieillir avec son mari : “Mes parents ont divorcé quand j’étais jeune, et ma sœur et moi en avons bavé. Les disputes, le chantage affectif… Adolescente, je ne croyais pas en l’amour éternel, encore moins à la durabilité des couples. Mais mon mari, dont les parents sont toujours ensemble, m’a convaincue du contraire.

Et puis, il y a ma fille à qui je me refuse d’imposer les déchirements que j’ai connus”.

 

L’amour est si fragile …

Les enfants, les souvenirs, jouent un rôle important dans la volonté d’un couple de s’efforcer de durer. L’amour aussi, qui constitue le socle sur lequel

repose aujourd’hui la vie commune. On se fréquente parce que l’on se plaît, on vit ensemble parce que l’on s’aime et l’on essaie de faire durer cet amour et son couple.

“Quand on s’aime vraiment et que l’on a eu des enfants, on est prêts aux compromis pour que ça dure. Il faut des choses très graves pour se séparer. Même si ma femme était devenue alcoolique, j’aurais tout fait pour l’aider à s’en sortir. Si elle avait eu une aventure ou deux à la sauvette, j’aurais pu pardonner. Mais pas si je sentais qu’elle ne m’aimait plus. Je ne pourrais jamais être dans une position où je mendie l’amour !” C’est Kamal qui persiste et signe.

L’amour – ou le désamour -, voilà le point faible. Car les sentiments ne sont pas une garantie de longévité. Au contraire même, à en croire, les nombreux ouvrages traitant du sujet. La raison ? Aujourd’hui, le lien conjugal se fonde sur le rapport amoureux, et c’est donc à la qualité des relations que les partenaires s’attachent pour savoir si le couple peut durer ou non, s’il vaut ou non la peine de faire des concessions. Une nouveauté par rapport à la génération de nos grands-parents et même de nos parents où les alliances étaient fréquemment le fait d’intérêts familiaux.

 

… il résiste mal à l’usure

Si l’amour triomphe d’une quantité d’obstacles, il en est un contre lequel il se brisera toujours : c’est la durée… Si l’on est marié du fait d’une passion amoureuse, une fois celle-ci évaporée, il est normal qu’à la première constatation d’un conflit de caractère ou de goûts, l’on se demande : “Pourquoi suis-je marié(e) ?” et parfaitement logique qu’on décide aussi de divorcer pour trouver, dans le nouvel amour, une nouvelle promesse de bonheur… Si l’on en croit les thèses des neuropsychiatres qui attestent que l’amour dure 3 ans, arguments biologiques, anthropologiques, neurologiques à l’appui, il faut chercher (i.e en dehors de la sphère de la passion, de l’amour) des raisons pour durer une fois le couple formé !

Non seulement l’amour est fugace, mais il fragilise d’autant plus un couple qu’il n’y a pas de lien institutionnel pour encadrer la relation. La famille s’est longtemps reposée sur le mariage, et sur la construction sociale d’une dépendance entre les partenaires du couple. Aujourd’hui, le lien conjugal ne repose plus, exclusivement, sur la norme sociale, jugée hypocrite.

Madame Mansouri, sociologue, explique : “Depuis le milieu des années 1970, c’est la qualité relationnelle qui prime. L’espace de l’amour dans le conjugal n’est bien sûr pas une invention du 20ème siècle, il existait déjà bien avant. Les poètes l’ont toujours chanté depuis la nuit des temps. Mais le combat pour faire reconnaître l’amour dans le couple et faire reculer les mariages par intérêt est assez récent sous nos cieux. Mais à partir des années 70, le phénomène s’est propagé. L’amour est devenu une idéologie. Or, quoi de plus vulnérable et plus fragile que les sentiments, lorsqu’ils ne sont pas maintenus par des normes sociales ? On se rencontre parce que l’on s’aime, et du coup on peut se quitter parce que l’on ne s’aime plus, ou moins. La séparation est bien souvent en germe dans la constitution du couple.”

 

Pardonner c’est très difficile

Pour durer, il faut accepter certains travers de l’autre. Il faut pardonner.

Dur, dur car les erreurs de l’un laissent parfois des marques indélébiles chez l’autre. C’est le cas de Mona, divorcée après dix ans de mariage : “Mon ex était mal dans sa peau et sortait souvent sans moi. Il m’a avoué un jour qu’il avait une aventure. Je m’étais toujours imaginée que ce serait quelque chose d’insupportable. Je lui ai dit de choisir entre elle et moi, il n’a pas pu, et je lui ai parlé de divorce. Mais il a refusé, m’a promis d’être fidèle, m’a dit qu’il m’aimait, qu’il ne voulait pas me perdre. Cahin-caha, pendant deux ans, on a essayé de recoller les morceaux. On se chamaillait tout le temps. Un jour de colère, j’ai même fait ma valise, il m’a suppliée de revenir, j’ai pensé à ce que nous avions vécu ensemble et à ma fille, et je suis rentrée à la maison. Mais peu à peu, notre relation s’est à nouveau dégradée, et finalement, c’est lui qui est parti. Au fond, je pense que je n’ai jamais accepté son infidélité. Même malheureuse, je suis restée parce que je l’aimais, mais tout était cassé.”

Avec le recul, lorsque Mona analyse les causes de son divorce, elle évoque aussi son caractère trop exclusif. Très dépendante de son mari, elle l’étouffait peut-être. Réalité ou fantasme, cette idée est largement citée parmi les comportements difficiles à supporter par les hommes. “Je peux admettre beaucoup de choses de ma femme, mais je n’accepterais jamais qu’elle m’enferme, dit Mohamed 50 ans, vingt ans de mariage, pas d’enfants. Si elle s’opposait à ma façon de vivre, à mon travail. Si elle refusait que je sorte sans elle, que je vois mes copains, ça ferait craquer notre couple. Il n’est pas question pour moi de la tromper, je veux seulement qu’elle me fasse confiance et me permette d’organiser ma vie à ma guise”. Mohamed avoue aussitôt après qu’il supporterait très mal que sa femme le laisse seul, que ce soit pour aller travailler ou pour sortir sans lui !

Attitude paradoxale ou égocentrique qui témoigne d’une incapacité à admettre de l’autre la liberté qu’il exige pour lui. Cette présence et cet amour indéfectible qu’il attend d’elle pendant que lui va s’amuser ailleurs ressemblent aux exigences des enfants qui ont besoin, quoiqu’il arrive, de la sécurité affective de leurs parents !

 

Quand l’un change trop, et que l’autre stagne !

Ce qui fait tenir ou craquer un couple a, au fond, à voir avec le rôle inconscient que chacun tient dans l’imaginaire de l’autre. C’est d’une place que l’on aime quelqu’un et que l’on se sent aimé, et c’est lorsque cette place change que le couple est à risque. Celui qui ne change pas a le sentiment d’avoir une autre personne devant lui. Changer de place ce peut être, pour une femme au foyer et dépendante, se mettre à travailler et donc ne plus avoir besoin de l’autre comme avant ; ou encore si elle reprend des études, accéder au savoir donc au pouvoir, jusque-là détenu par l’époux seul – du moins dans son fantasme. “Il n’est pas facile de réussir à se rencontrer à nouveau lorsque l’un a changé de place dans le couple, explique Chantal Emran, psychologue. Pour y parvenir, il faut avoir une souplesse, une mobilité psychique qui n’est pas donnée à tout le monde. Nombreux sont ceux qui restent figés sur la première image qu’ils avaient de leur partenaire”.

Pour conclure, force nous est de constater que le couple est une belle aventure. Pour qu’elle dure, chaque couple a ses recettes, parmi lesquelles un constat émerge : il faut que le rapport bénéfices/sacrifices soit optimal pour les deux partenaires !

 

Quels sont les facteurs ou les situations qui mettent en danger la durée du couple ?

 

Entretien avec Chantal Emran, psychologue.

 

Qu’est-ce qui, le plus souvent, fait craquer les couples ?

Ce qui complique les choses au sein d’un couple est le manque de communication, de dialogue entre les partenaires. Il faut savoir en effet que la plupart des situations douloureuses ne peuvent être dépassées que si elles sont d’abord clarifiées, c’est-à-dire “parlées”. Car rien n’est pire que les situations qui deviennent des tunnels dans lesquels on ne voit plus rien, ni de ce que l’on ressent, ni de ce que l’autre ressent. Il existe évidemment des situations limites que rien ne pourra arranger : certaines maladies mentales, des degrés importants d’alcoolisme, la jalousie pathologique… ou encore la possessivité extrême qui ne permet pas à l’autre d’être autonome, puisqu’il doit être un objet à la disposition de l’autre. C’est intolérable car même si le couple a le désir d’être ensemble, de fusionner par moments, les besoins d’autonomie sont vitaux pour sa survie.

 

Existe-t-il des situations ou des comportements plus courants qui sont impardonnables pour certaines personnes ?

Ceux qui sont capables d’un amour indéfectible sont capables de tout pardonner. Que ce soit des infidélités à répétition ou des souffrance de tout ordre. Il existe une certaine qualité d’amour dit conjugal qui ressemble beaucoup à l’amour parental, de la part de certains hommes. La peur d’être abandonné les rend capables de tout pardonner pour ne pas perdre l’amour de l’autre et sa présence même. On pourrait le traduire ainsi : “Peu importe ce qu’elle me fait, elle est là.” Ce qui d’ailleurs est un peu terrifiant : celui qui sent qu’il peut tout faire parce qu’il sera toujours pardonné n’aura plus d’interdits. Or, souvent on attend de son partenaire qu’il mette les limites que l’on n’est pas sûr de pouvoir se donner soi-même. Autant la possessivité est à fuir, autant, le “tout est permis” engendre une culpabilité chez celui que l’on ne limite pas. Parfois, cela peut être intolérable que l’autre pardonne tout ! L’égoïsme forcené, la négation de l’autre entraînent eux aussi bien souvent la rupture. Et, si l’on ne s’aime plus du tout ou que l’on aime quelqu’un d’autre, ça risque de ne plus durer longtemps !

 

Certains couples restent ensemble à cause des enfants. Qu’en pensez-vous ?

L’enfant peut-être un garde-fou, il peut donner le courage de rester. Et par la même occasion la force ou la raison de dépasser certaines situations difficiles, d’évoluer, de se rapprocher. Mais, un couple qui ne va pas bien du tout, ne se rafistole pas à cause d’un enfant. Combien de couples se sont-ils fait des illusions, croyant arranger les choses avec un (autre) enfant !  C’est une grande erreur : l’enfant comme le mariage n’est pas le garant de la durée. Il revient aux deux partenaires de faire en sorte que leur couple soit stable.

 

A vous écouter, la vie de couple semble bien difficile ?

La difficulté vient souvent de ce que les besoins de l’un sont opposés à ceux de l’autre. Certains couples se choisissent sur des tempéraments ou des qualités contraires croyant trouver ainsi la complétude  ! Il faut quand même un terrain commun et une capacité à s’identifier à l’autre pour que ça marche.

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