Latefa Laraki, tout conte fait…

Depuis plus de 11 ans, Latefa Laraki aide jeunes et moins jeunes à libérer leur imaginaire et à renouer avec les plaisirs de la lecture et de l'écriture. Son association, "Cercle Shahrazade", a initié des élèves ainsi que des femmes alphabétisées aux joies du conte, entre autres. Portrait d'une militante des lettres.

Il était une fois, une association qui répondait à la douce appellation de “Cercle Shahrazade”… Il est certain qu’à cette seule évocation, votre imagination s’emballe déjà, et vous rêvassez de héros bravant tous les dangers. Et c’est exactement ce que souhaite sa fondatrice. “J’estime qu’il est primordial de redonner à la culture orale la place qu’elle mérite, et de renouer avec ce patrimoine qu’on a eu tendance, pendant longtemps, à dévaloriser”, précise d’emblée Latefa Laraki. Depuis sa création, en mars 2000, à Casablanca, les contes représentent en effet un axe essentiel dans le travail du “Cercle Shahrazade”. Avec une poignée d’autres volontaires, essentiellement des enseignants, Latefa s’est entièrement dévouée à une cause : celle d’inciter les élèves à lire et à écrire des contes. “Notre association essaie de promouvoir d’autres formes d’art en plus du conte, comme la poésie, la nouvelle, l’écriture théâtrale… Notre souci principal est de permettre aux jeunes de s’exprimer, ce qui les amène à lire, à écrire, et donc, à mieux maîtriser la langue”. Cette ancienne inspectrice des bibliothèques scolaires a commencé par former des groupes de jeunes dans différents établissements de Casablanca. “Les bibliothèques étaient des lieux privilégiés pour réunir les jeunes. Nous étions dans un univers rempli de livres, où la censure et la discipline de la classe n’étaient pas de mise”, raconte-t-elle. Les élèves s’intéressaient surtout au conte. Mais bien au-delà du simple apprentissage, pour Latefa, c’est toute la dimension humaine de cette entreprise qui lui tient le plus à coeur : “Les jeunes étaient souvent amenés à entrer dans une relation particulière avec les autres membres de leur famille qui connaissent des contes. Certains élèves nous ont même amené leurs grand-mères, leurs voisines… Le conte a finalement permis de valoriser des générations que les jeunes considéraient comme dépassées”.

Conteurs en herbe

Au fil des ateliers, la fondatrice du “Cercle Shahrazade” et ses collaborateurs ont découvert la capacité extraordinaire des jeunes à créer de nouvelles histoires. “Bizarrement, ils ne reprenaient pas des contes traditionnels. Ils aiment plutôt inventer leurs propres histoires, avec un mélange entre des personnages d’anciens contes et d’autres, inspirés des dessins animés. En fait, nous avons été surpris par leur capacité à écrire. Même leurs professeurs ont été étonnés par leur application et leurs efforts qui dépassaient de très loin tout ce qu’ils faisaient en classe”, s’enthousiasme Latefa. Elle qui a longtemps exercé en tant que professeur de langue française, a fini par mettre le doigt sur une problématique inhérente à notre enseignement : “Je n’ai jamais compris pourquoi on ne permet pas aux élèves de parler de ce qui les intéresse. J’ai fini par me rendre compte que l’école n’a pas su s’adapter aux jeunes de cette génération”. Et c’est d’ailleurs pour remédier à cet état des lieux que cette structure a vu le jour. “Les contes donnent libre cours à l’imagination des enfants. Ceux-ci peuvent imaginer des situations, des pays, des personnages… Bref, tout ce qui leur passe par la tête et tout ce qu’ils ne feront jamais ni chez eux, ni à l’école, ni nulle part ailleurs”, tient-elle à indiquer. Et c’est ainsi que l’association a organisé des ateliers de contes un peu partout à travers le Maroc, réunissant à chaque fois un parterre de jeunes et de moins jeunes, absolument captivés par cette forme d’art. L’association a par ailleurs formé de jeunes conteurs, afin de perpétuer la tradition orale. Elle prévoit en outre d’enregistrer les contes au format audio.

Générosité

Mais là n’est pas la seule réussite du “Cercle Shahrazade”. Ses membres veillent aussi à ressusciter le plaisir de la lecture et le désir de l’écriture chez les adultes, à travers l’organisation d’ateliers à destination de femmes récemment alphabétisées. “C’était extraordinaire. Ces femmes aimaient tout particulièrement faire de la poésie, des écrits autobiographiques. C’était une expérience très  émouvante. Elles ont raconté leurs expériences, leur vécu, leurs rêves brisés et leur perception des droits des femmes à travers des écrits d’une touchante sincérité. Elles ont même fait une présentation à la Villa des Arts de Casablanca grâce à l’association. Elles ont beaucoup progressé dans leurs études. Deux d’entre elles sont même devenues enseignantes et donnent actuellement des cours d’alphabétisation”, raconte fièrement l’initiatrice de cette action. D’une rare générosité, Latefa Laraki a tendu la main à d’autres personnes à travers des actions profondément humaines. Elle a ainsi encadré des jeunes du centre de réforme d’Oukacha, qu’elle a initié à l’écriture. “Pendant plus de quatre ans, nous avons encadré ces garçons, qui étaient là pour des raisons multiples, et nous avons sorti un recueil de leurs écrits. Ils ont écrit librement, en arabe et en français. Ils n’étaient pas intéressés par les contes, mais plutôt par la poésie. C’était pour eux une façon voilée de raconter ce qu’ils vivaient comme problèmes”. Les enfants à besoins spécifiques font également partie des cibles de l’association, pour lesquels elle organise actuellement des ateliers de lecture écriture. Par ailleurs, l’une des dernières actions initiées par l’association, et qui lui tient tellement à coeur, a lieu à l’hôpital d’enfants de Casablanca. L’association y anime des ateliers de conte au profit d’enfants atteints de maladies chroniques.

Sur tous les fronts

Professeur à la retraite, Latefa a su rester une enfant dans l’âme. Cette grand-mère, qui adore jouer avec sa petite-fille, dit toujours regarder les dessins animés. “J’ai d’ailleurs relu les bandes dessinées avec mes propres enfants. Je crois que quand on n’est plus enfant, on est mort quelque part”, se justifie-t-elle, presque. C’est avec un enthousiasme sans pareil qu’elle nous parle de son travail au sein du “Cercle Shahrazade”. Elle évoque aussi son engagement dans plusieurs autres associations telles que l’Ecole de l’Egalité et de la Citoyenneté, qui est rattachée à la Ligue Démocratique des Droits des Femmes. Elle est par ailleurs membre d’une association pour l’éducation populaire.

Mais ce qui la passionne plus que tout, c’est le conte. “On arrive à apprendre aux enfants toute l’importance du respect des autres, de la parole élégante, de la liberté… tout cela par le biais du conte”. â– 

 

“PAR LE BIAIS DU CONTE, ON ARRIVE À APPRENDRE AUX ENFANTS L’IMPORTANCE DU

RESPECT DES AUTRES, DE LA LIBERTÉ.”

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