Tous les couples rêvent du jour où ils vont enfin se dire “oui”. Après l’annonce de leur union aux proches et aux amis, vient le temps de penser à la cérémonie.Sobre, originale, tendance ou dans la pure tradition, organiser la fête de mariage est un vrai test pour les futurs époux. Un dosage délicat entre les aspirations de chacun doit “normalement” se mettre en place pour que la célébration soit une réussite.Ce qui n’est pas une mince affaire !
Bonjour les embrouilles !
Yousra, 21 ans, en sait quelque chose :“Avec mon conjoint, tout se passe très bien.Nous sommes très amoureux l’un de l’autre et, malgré notre jeune âge, nous avons décidé d’officialiser notre relation. Nous sommes fiancés depuis quelques mois déjà, et nous prévoyons de nous marier dans un an. Je ne vous cache pas qu’à chaque fois que le sujet de la cérémonie est évoqué, les discussions sont houleuses. Je suis plutôt fleur bleue et je rêve d’une cérémonie de princesse, avec caftans,amarya et tout le tralala. Mon fiancé est quasiment à l’opposé. Il préfère une cérémonie à l’occidentale, intimiste et en petit comité.Il dit vouloir profiter de “sa fête”, alors que j’ai envie que ce soit un jour inoubliable”.
Le cas de Yousra et son fiancé n’est pas isolé. De nombreux couples s'embrouillent la veille du mariage, entre celui qui souhaite le célébrer en grande pompe, et celui qui préfère une fête discrète et plus décontractée.Pour le psychosociologue Mohssine Benzakour, “la fête de mariage est l’un des premiers obstacles à surmonter dans la vie à deux.Celui qui réussit cet examen et sort indemne de cette aventure peut résister à beaucoup d’autres défis”. Et pour y arriver, tout dépendra de la nature du couple et des futurs époux. “Lamaturité, l’affirmation de soi, l’autonomie et surtout l’amour et le degré d’entente dans le couple jouent un rôle primordial”, insistenotre spécialiste.
Quand les parents s’en mêlent
Mais avouez, professeur, qu’il faut destonnes de qualités pour arriver à bout des mille et une contraintes qui peuvent se dresser devant les futurs époux ! Concilier les aspirations de l’un et de l’autre n’est passi évident, et quand bien même ils y réussissent,ils n’arrivent pas au bout de leurs peines pour autant. “Nous nous sommes mis d’accord pour que la cérémonie de notre mariage soit toute simple. A vrai dire, nous ne disposions pas des moyens financiers pour organiser un mariage grandiose. Nous voulions en parallèle économiser un peu pour prendre un appartement ; et pour nous faire plaisir, nous comptions nous offrir un luxueux voyage denoces”, se rappelle Kamal, 32 ans. Mais c’était sans compter l’avis des parents et des beaux-parents, qui n’ont pas manqué demettre leur grain de sel dans notre histoire.
Et oui ! Le mariage reste encore une affaire de famille par excellence. S’autoproclamer couple moderne ne signifie pas qu’on s’est libéré du poids des traditions, et encore moins de l’emprise des siens.
Car sous nos cieux, même si on s’est autonomisé par rapport à ses parents, on reste plus ou moins soumis aux valeurs familiales. Et dès qu’il s’agit de mariage, mamans et belles-mamans sortent forcément leurs griffes. Pas question que les “enfants” n’en fassent qu’à leur tête. La fête sera grandiose ou ne sera pas !
Kamal et sa femme ont finalement dû se plier aux volontés de leurs familles respectives, à quelques détails près. “La cérémonie était magnifique. Tout le monde aurait dû être content, mais la vérité, c’est qu’on s’est sentis dépossédés de cet instant magique qui était censé nous appartenir presque exclusivement. Tout a été orchestré par les deux familles et dès lors qu’on a accepté qu’ils participent financièrement aux charges de la cérémonie, on n’avait plus notre mot à dire. Tout s’est fait selon les goûts de nos parents, du choix de la salle et du traiteur à celui des invités, dont on ne connaissait pas la majorité. Je ne veux pas être ingrat, la fête était réussie… mais elle ne correspondait pas à nos rêves, à ma femme et moi”, se désole Kamal
T comme tradition
Des fêtes grandioses qui perpétuent la tradition, voilà à quoi rêve l’écrasante majorité de parents, ce qui ne laisse ainsi aucune place aux désidératas des futurs mariés si par malheur ceux-ci ne sont pas conformes aux traditions avec un grand T. “La fête est une fin en soi pour pas mal de classes sociales qui, à défaut d’équité, cherchent à se valoriser par la célébration des noces”, explique Mohssine Benzakour. Pour ce dernier, demander l’autorisation de la famille pour sceller le lien du mariage est ainsi obligatoire, voire même religieux. Puis, la fête du mariage devient une histoire de femmes : la mère, la grand-mère, la belle-soeur, la tante, la cousine, la voisine..
La ceinture en or massif, les bijoux, les apparences, le faste, les cérémonies ahurissantes, la dot faramineuse… en un mot : l’ostentation. “Si auparavant les conditions exigées formaient une certaine assurance contre la répudiation, aujourd’hui, avec le nouveau Code de la famille, nous constatons que les mêmes clauses persistent. Ce qui explique la lenteur du changement et le refus du respect de l’individu, qui est une valeur en soi. Pour y parvenir, il faut abolir ce phénomène “des apparences” sur lequel sont basées nos interactions sociales”, insiste le professeur Benzakour.
Entre rêve et réalité
Ce n’est pas gagné d’avance ! Mais face à cette “dictature” familiale, nos jeunes couples sont parfois pleins de ressources quand il s’agit de réaliser leurs rêves. A l’image de Samia, 30 ans, et de son mari Bassam. Ils se sont certes pliés à tous les désirs de leurs parents, mais ils ont réussi à célébrer le mariage auquel ils aspiraient. “Nous avons organisé une “avant-fête” la veille de la cérémonie. C’était notre soirée à nous et à nos amis, comme on l’avait rêvée, un peu à l’américaine (rires). C’est un groupe de jazz qui a animé la soirée, avec des titres que nous avions soigneusement sélectionnés. On a prévu un buffet au lieu du traditionnel repas de noces. J’ai mis une très jolie robe blanche et la fête n’avait pas cet air solennel ni traditionnel. C’était juste parfait !”, raconte Samia. Mais celle-ci n’a pas échappé pour autant à la cérémonie marocaine “100 % tradi”. “C’était pour faire le souab de rigueur, surtout que nos deux familles sont très à cheval sur les traditions et le qu’en-dira-t-on. La fête était somptueuse et je ne vous cache pas que j’y ai pris goût. Mon mari, par contre, avait hâte que ça se termine et qu’on n’ait plus nos parents sur le dos. Mais bon, tout le monde était content et c’est l’essentiel.” Pour le psychosociologue Mohssine Benzakour, l’essentiel est ailleurs. Le mariage devrait être conçu comme la célébration du couple et non plus comme un projet familial. “Je veux rappeler une chose très importante : le mariage est l’acte public et solennel par lequel un homme et une femme s’engagent l’un envers l’autre dans la durée, devant et envers la société, pour fonder ensemble un foyer. Dès lors, s’il est une fête, il reste avant tout un engagement… un projet à renforcer chaque jour”. A bon entendeur…