Je suis célibataire. Est-ce un crime ?

Comment échapper à cette éprouvante assignation à résidence identitaire qui résume le destin d’une femme au mariage et à l’enfantement ? Layla, 35 ans, revendique son statut de célibataire épanouie… Elle raconte.

Ce jour-là, j’avais rendez-vous avec Nadia, une cousine et amie très proche. Attablées devant un café, elle m’a annoncé la bonne nouvelle : elle est enceinte et sera maman d’un troisième enfant, une fille comme elle le souhaitait. Je l’ai félicitée chaudement et, pour la énième fois, il y a eu glissement vers mon statut de nana célibataire, sans mec et sans enfant. Pour Nadia, la vie ne se conçoit pas sans maternité. J’ai écouté comme d’habitude sa litanie et j’ai tenté poliment de changer de sujet de conversation. Elle revint à la charge. Alors, excédée, j’ai explosé : “Aucune identité sans maternité ? Soit. Que faire alors ? Sauter sur le premier quidam venu pour enfanter ? Adopter ? Voler un bébé ?”, avant de la quitter sans état d’âme.

De retour au bureau, je découvre l’avalanche de sms envoyée par ma cousine : elle ne m’en voulait pas, elle compatissait. Elle aurait manqué de tact. Elle tenait à me rappeler avec force que je finirais par trouver l’âme sœur et par convoler en justes et belles noces !

Comment échapper à cette éprouvante assignation à résidence identitaire, nana “incomplète” car sans mec et sans progéniture ?

J’ai fait des études brillantes, j’ai un bon boulot, un joli appartement, de la présence, du charisme. Mais depuis que j’ai franchi la barre de 35 ans, mes accomplissements et acquis laissent indifférents famille et amis. Et la sempiternelle question “alors, cette perle rare, toujours introuvable ?” revient souvent sur le tapis.

De la part de ma famille, conservatrice jusqu’à la moelle, cet acharnement à me caser n’entame point mes forces vives. Mais j’ai du mal à contenir mon énervement quand mes amies “libérées” s’y mettent à leur tour ; ces amies à qui je raconte régulièrement mes rencontres masculines ; ces amies qui sont au courant pour Rachid qui m’a brisé le cœur, m’avouant après six mois de vie sentimentale intense qu’il était marié et ne souhaitait pas divorcer ! Qui sont au courant de mon histoire avec Imad, l’apollon qui m’a réparé le cœur, mais que j’ai décidé de quitter sans regret ni fracas.

Pourquoi mon entourage n’accepte-t-il pas mon statut de célibataire ?

Pourquoi dois-je me justifier, sans cesse, comme si j’avais commis une faute ? Comme si j’avais une maladie honteuse ?

Par moments, l’acharnement de mes proches m’amuse. Mais lors de ces moments de grande lassitude, quand je laisse transparaître ma solitude et que l’on me reproche de ne pas assumer mon sacro-saint célibat, j’ai le moral dans les talons ! Quand j’explique que j’attends mon Kaiss, mon Roméo, mon Abélard à moi, on m’invite à revoir ma copie, à me réveiller enfin : le prince charmant n’existe pas !

Je sais depuis belle lurette que le prince charmant n’existe pas. Mais cela ne me désespère pas. Oui, je rêve de faire une belle rencontre. Non, je ne passe pas mes journées à la chasse à l’homme. J’ai des projets superbes que je peux réaliser avec ou sans mec dans ma vie, dans mon lit. Je subviens royalement à mes besoins, je fais face à toutes les contraintes du quotidien, j’ai une vie sociale agréable et des relations affectueuses avec la plupart des membres de ma famille, correctes avec les autres que j’apprécie moins. Je sais que, quelle que soit la relation avec nos familles, un puissant tronc commun nous relie – même à notre insu – et nous sécurise.

Je ne cherche pas un partenaire béquille. J’aspire à une relation de couple saine qui repose sur des fondamentaux qui ont pour noms : amour, tendresse, réciprocité, soutien, estime de soi.

Malgré tout, mon entourage ne cesse de me rappeler que je ne suis pas complète sans mec dans ma vie. Que les enfants sont “zinat al hayat addouniya”, notre joie ici-bas. Je n’ai jamais eu envie d’enfanter. Je comprends parfaitement celles qui ne s’envisagent pas sans maternité. Il y a de la place pour tous les choix dans ce bas-monde !

Quand je suis en couple – car cela m’arrive ! – j’ai la sensation que les amies vont enfin me lâcher les baskets. J’ai la paix. Momentanément. Quand les choses s’arrêtent – car l’élu du moment n’est pas le bon, encore une fois – je peux palper la déception autour de moi. Déception de plus en plus dense car l’horloge biologique tourne, me rappelle-t-on. En plus de mon chagrin – car une rupture amoureuse, c’est toujours douloureux – je dois faire face à ces regards désolés qui me transpercent d’un “encore raté !”

Si je témoigne aujourd’hui, c’est pour combler un vide : la trentenaire que je suis fait partie d’une caste privée de modèle positif de célibataire endurcie et épanouie. Je souhaite dire haut et fort que : Non, Il n’y a pas d’un côté les couples réguliers, légaux et de l’autre les célibataires qui n’ont qu’une idée en tête, chasser le mâle pour passer dans le premier camp. Ce n’est jamais binaire dans la vraie vie. Mettre les gens dans des tiroirs, c’est confortable mais réducteur et souvent trompeur.

Toutes les célibataires ne sont pas des “baira” frustrées et mal dans leur peau. Toutes les célibataires ne sont pas des prédatrices sexuelles. Elles ne sont pas des malades incapables d’engagement. Dans le Maroc d’aujourd’hui, des femmes libres, dites “seules”, sont légion. Ces femmes ne vivent pas obligatoirement une phase transitoire. Elles vivent tout simplement. Elles assument les bonheurs et travers de leur célibat. Oui, je ne suis pas mariée, je n’ai pas d’enfant, ne point me dupliquer ne me pose pas de problème. Je vis sentimentalement, sexuellement et sensuellement des choses satisfaisantes au gré et à la barbe de la loi (article 490 du code pénal qui interdit les relations sexuelles sans passage obligé par la case adoul).

Notre ennemi à tous et à toutes, célibataires ou marié (e)s c’est cette loi qui nous infantilise pour utiliser un euphémisme.

L’amour est un oiseau rebelle que nul ne peut apprivoiser. Il peut se nicher dans une relation stable ; dans une nuit folle ; dans un sourire partagé ; dans une relation jamais consommée.

J’y crois, moi, à l’amour.

Chacune, chacun vit sa quête d’amour à sa façon. Son rêve de couple à sa manière. L’essentiel est de se respecter et de respecter ses propres valeurs. Je n’aliénerai pas ma quête de relation de couple qui me satisfasse à la morale ambiante. Car comme le chante si bien Ferré “ce qui est encombrant avec la morale c’est que c’est toujours la morale des autres.” Amen. 

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