FF à caftan

La première fois qu'on m'a mise dans un caftan, j'avais cinq ans et quelques tendances exhibitionnistes.

Car à la fin de la soirée, paraît-il, j’ai tellement défait de aâkad que l’orchestre a chanté spécialement pour moi : “Caftanek mahloul, ya lalla !” Cette initiation, dont je conserve le souvenir d’une fessée retentissante, a néanmoins gardé mon affection intacte pour la takchita. De fait, quand Nini, ma meilleure copine, est venue me dire toute excitée qu’un sponsor lui avait offert deux invitations pour le show annuel de Caftan, je lui ai collé aux basques pour qu’elle m’embarque dans ses bagages. Déjà, en tant que “fniounesque” célébrité sur le papier, je considère que je le vaux bien. Et puis, je me voyais déjà sur les pages “People” de FDM, posant fièrement au photocall de l’entrée avec Saad Lamjarred, l’équivalent pour moi du Enrique Iglesias marocain. J’en avais des frissons sur l’échine rien qu’en pensant à comment j’allais frimer au bureau et alimenter les cancans envieux. By the way, je rajouterais au passage que Romeo, le styliste enturbanné, ébloui par mes mensurations parfaites, allait me confectionner une tenue “short et bustier” pour mes futures noces (reste plus qu’à trouver le fiancé et la belle-famille suédoise !). Mais exit les rêveries et place à l’action… Pour donner le change au milieu de tout ce beau monde, je me devais d’être nickel sur le plan du look. L’énorme valise que j’ai hissée dans le train pour le weekend m’a presque occasionné une luxation du poignet. Digne d’un séjour en Thaïlande de trois semaines, elle regorgeait de vêtements de jour innombrables, avec également dix paires de bas mousse (pour diviser par dix la probabilité de les filer) et pas moins de sept robes chics et chocs ; à telle enseigne que Nini m’a demandé, ironiquement, combien de fois je comptais me changer au cours du cocktail ! A l’arrivée, Marrakech étant bondée de monde, on a dû se contenter d’un hôtel un peu trop miteux pour mon âme de jet-setteuse, avec vue sur rue, dans toutes les configurations ; ce qui a achevé de rendre mes cinq maillots affreusement inutiles. En plus, la probabilité d’y croiser Saad Lamjarred frisait le 0 % ! Par contre, j’ai fait la connaissance de quelques moustiques friands de peau rose, qui m’ont fait passer ma première nuit blanche. Mais positive à fond, je l’ai vu comme un entraînement précoce à la soirée Caftan suivie de l’after au Maâden ! Rien n’aurait pu entamer mon optimisme. Rien, vraiment ? Hum… J’ai encaissé un premier coup de blues au fameux cocktail pré-Caftan lorsque j’ai vu le résultat de ma transformation en Marilyn Falsso de légende au niveau du stand Méditel, dont le photographe m’a arrangé (dérangé ?) le portrait. Une icône glamour à boutons (foutus moustiques !), ce n’était décidément pas le top ! Et en tentant de nouveau l’expérience avec Néfertiti, j’ai perdu une heure à faire la queue, loupé la distribution des amuse-gueules au saumon et tous les futurs chevaliers “fniounons” à la ronde. Affamée, déçue de franchir le seuil de la salle royale en compagnie de la seule Nini, j’ai tout de même sorti ma tablette dernier cri pour filmer les détails des tenues. Or, du dernier rang de l’aile du fond, l’exercice était méritoire. Le copain sponsor de Nini s’était manifestement gardé les tickets gagnants… Néanmoins, en me tordant la tête pour éviter le poteau dans mon champ de vision (après les moustiques, le torticolis !), j’ai fini par y voir à peu près clair. Fascinée par les “caftans” des danseuses en Coco Chanel, j’ai demandé à ma voisine quel styliste en compétition avait façonné de telles merveilles… avant de recevoir un grand coup de coude de Nini qui m’a tendu le programme, en guise d’explication. Après les moustiques et le torticolis, j’ai donc eu droit à la honte de ma life de ne pas avoir su distinguer entre un tableau artistique et une collection de styliste !

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