CINEMA: salle de cinéma: le bateau coule

Les salles obscures perdent petit à petit leur aura d'antan et ferment les unes après les autres. Face à cette débâcle alarmante, la société civile se bat pour sauver celles qui résistent et donner une lueur d'espoir aux professionnels du cinéma.

Sur les 280 salles de cinéma que comptait le Maroc, seules 35 sont encore ouvertes. Jadis considérés comme un patrimoine riche d’histoire et d’anecdotes, ces vestiges sont aujourd’hui jetés aux oubliettes. Les salles de cinéma, souvent premières victimes des crises économiques, sont pourtant un moteur de développement social, culturel et surtout économique. Pourtant, certaines d’entre elles ont été construites par des grands, ont vu défiler des grands et ont rendu hommage à des grands. Le Maroc en regorge. Des salles comme le Rialto, l’ABC, le Dawliz et bien d’autres sont devenues des perles en perte d’éclat. Certaines sont considérées comme de véritables chefs-d’oeuvre architecturaux construits par des professionnels d’envergure, à l’image du Lynx et du Rif, conçus par Dottor Domenico, ou encore le cinéma fermé Lux, créé par Pierre Jabin. Situation dramatique que bon nombre d’amateurs du septième art déplorent vivement. Depuis cinq ans, l’association “Save cinemas in Morocco” se bat pour la sauvegarde du patrimoine cinématographique marocain. Derrière cette initiative, un jeune homme passionné qui a choisi de faire de la protection des cinémas son combat. “En tant qu’association, nous ambitionnons de réinscrire les salles de cinéma dans le patrimoine et le développement du pays. Elles sont également un moteur de développement social, culturel et surtout économique pour un quartier et plus globalement pour une ville. Il est donc nécessaire qu’elles soient préservées”, insiste Tarik Mounim, président de l’association.

Un constat fort inquiétant

Dans les années 80, les salles de cinéma vendaient quelques 50 millions de tickets par an. Aujourd’hui, celle-ci peinent à atteindre les deux millions. Les observateurs évoquent une perte de 30.000 entrées par an. Et la situation ne fait qu’empirer. Afin de faire prendre conscience de la nécessité de réagir vite face la problématique, mais également de proposer des solutions fiables à la préservation des salles de cinéma au Maroc, l’association a organisé un débat ponctué de divers intervenants. “L’industrie du cinéma souffre au fur et à mesure. Il faut savoir que le chiffre d’affaires actuel est de 100.000 DH par an seulement”, déplore Hamid Marrakchi, ex-président de la chambre marocaine des salles de cinéma. Ainsi, les professionnels de la production et de la distribution en prennent un coup car ils investissent des millions de centimes pour en gagner quelques miettes. Parmi les causes invoquées, le piratage, qui ne cesse de croître et qui menace considérablement les salles de cinéma. “Il faut dire qu’un CD importé coûte 50 centimes, pour être vendu à 5 DH. Le nombre de CD en circulation avoisine les 30 millions d’unités chaque année. Ce qui nous fait la coquette somme de 250 millions de DH qui échappe à tout contrôle fiscal”, explique Hamid Marrakchi. Si le marché du piratage constitue un véritable danger, la nonchalance du public l’est davantage. Et pour cause, la culture du septième art n’est pas la tasse de thé du commun des Marocains. L’accès à l’art en général, au cinéma en particulier, est réservé à une élite.

Des solutions, et vite !

Les concernés ne manquent pas de proposer quelques idées. “Il est également nécessaire de construire des salles multiplexes permettant le développement de l’industrie du cinéma, mais aussi l’augmentation de l’afflux des spectateurs. D’autant plus que cela permet de faire des économies considérables”, avance Selma Zerhouni, directrice du magazine “Architecture du Maroc”. Il est également important de contrer le piratage, d’où la nécessité de créer une commission interministérielle afin de contrôler l’importation des CD. Faute de moyens, les professionnels de la distribution se retrouvent souvent contraints de mettre la clé sous la porte. Les taxes imposées n’arrangent pas non plus les choses. “Aujourd’hui, les professionnels sont obligés de payer 20 % de TVA. Je pense qu’il faut revoir ce taux à la baisse, à 5 %, par exemple, comme c’est le cas en France”, suggère Hamid Marrakchi. Entre temps, le bateau ne cesse de couler, emportant avec lui des années d’existence, des trésors patrimoniaux et surtout, des centaines d’emplois…

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